Actualité Sport

PLF 2025 ET CRÉDITS SPORT : LA FIN DE L’HÉRITAGE ?

Une semaine après la communication de la première mouture du Projet de loi de finances (PLF) 2025, les premières auditions débutent au Parlement. La baisse de 25 % des crédits sports, corrélée à la mise à contribution significative des collectivités locales à la réduction du déficit public, font craindre des répercussions sur le fonctionnement et l’investissement pour le sport.  

Olympic swimming pool start line

Crédits sports : coup dur pour l’animation et les équipements sportifs  

Alors que les Jeux olympiques et paralympiques sont derrière nous, la récente commission “héritage” lancée au sein de l’Agence nationale du sport (ANS)coïncide avec une baisse des crédits sports pour l’exercice budgétaire 2025.  

Pierre Rabadan, adjoint à la maire de Paris, chargé des sports, des Jeux olympiques et paralympiques 2024 et de la Seine, est intervenu en qualité de co-président de la Commission Sport de France urbaine dans le cadre d’une audition parlementaire menée par Joël Bruneau, nommé rapporteur pour avis, au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, pour les crédits et emplois des programmes Sport et Jeux olympiques et paralympiques 2024.  

La diminution annoncée des crédits sports dans le cadre du PLF 2025 (268 millions d’euros, soit -24,9 % dont plus de 150 millions d’euros en moins pour la promotion du sport pour le plus grand nombre) se joint à la contribution de 5 milliards d’euros demandée aux collectivités (et singulièrement aux 450 plus grandes d’entre elles), soit une ponction de 2 % des recettes de fonctionnement, qui équivaut à un doublement de la baisse annuelle de la Dotation globale de fonctionnement (DGF) enregistrée entre 2014 et 2017. Une mesure qui avait alors entrainé un effondrement de près de 25 % des investissements des collectivités.   

En sus, les 1,5 Md€ au titre de la diminution du Fonds vert (article 35) et les 1,5 Md€ au titre de la CNRACL (PLFSS) s’additionnent à la mise à contribution et le “manque à investissement” des villes et métropoles françaises, caractérisé par une amputation de 800 millions d’euros de la part de TVA reversée aux collectivités sur les investissements qu’elles réalisent : le principal moteur de l’investissement public français risque d’être fortement grippé.

Les collectivités locales assurent en effet 70 % des investissements publics civils français, dont 25 % pour les seules grandes villes, métropoles et intercommunalités regroupées dans France urbaine : autant d’investissements en moins pour les équipements sportifs, tributaires pour beaucoup du report de Plans pluriannuels d’investissement (PPI) à cause de la crise énergétique et des dépenses exceptionnelles auxquelles les collectivités ont dû faire face. 

La “ nouvelle” gouvernance du sport mise en perspective des restrictions budgétaires 

Le sport sera doublement victime, d’un part concernant la capacité restreinte des collectivités à financer de l’investissement pour les équipements sportifs ou pérenniser par manque de budget de fonctionnement l’animation sportive locale, d’autre part concernant le budget de l’État avec des marges d’action réduites de l’Agence nationale du sport (ANS), qui aura donc moins de capacité d’attraction ou d’effets leviers pour embarquer les financements publics dans le sport (limitatifs pour les villes et métropoles, qui ne sont pas les territoires les plus bénéficiaires des aides de l’ANS rapportés aux bassins de population).

Pierre Rabadan a justement rappelé dans le cadre de l’audition l’intérêt d’une ANS qui, depuis 5 ans désormais, associe autour de la table les principaux acteurs du sport, avec des programmes qui néanmoins, en matière d’équipements, contribuent encore trop au saupoudrage des financements, sans allocation massive au bénéfice des métropoles et grandes agglomérations et aux équipements structurants, souvent considérés d’intérêts communautaires.  

À l’heure d’une restriction budgétaire significative, l’allocation des financements sera plus que jamais scrutée, avec l’intérêt à pouvoir investir la rénovation énergétique des équipements dans les territoires urbains qui concentrent, outre les équipements structurants, les 2/3 des émissions de gaz à effet de serre en France.

Une approche qui se vaut notamment pour les espaces aquatiques : les territoires urbains comptent 885 piscines, soit une moyenne de 2,84 piscines pour 100 000 habitants.

Elles sont détenues à 75 % par les communes, avec des investissements pour la rénovation énergétique significatifs, en sus du fonctionnement, considérant la moyenne haute de 2 200 euros annuel du m² de coût de fonctionnement d’une piscine intérieure, soit 500 000 euros pour un bassin de 25 mètres. À terme, comme pendant la crise énergétique, il y a un risque à devoir restreindre les horaires d’ouverture des piscines et à diminuer les créneaux, une dynamique qui va à l’encontre de la politique de “savoir-nager”.  

Quel travail parlementaire dans le cadre du PLF  ?  

Les débats autour des crédits “sports” doivent (re)poser la question de la place du sport dans la société qui, essentielle pour le mieux-bouger, le vivre-ensemble et l’éducation, doit être appréhendé comme un service public à part entière. Dès lors, le contexte mériterait de reconsidérer la place du sport professionnel dans les métropoles, le rôle et la place des ligues professionnelles ou encore des fédérations dans les orientations économiques, stratégiques et sociales des clubs, ce à quoi France urbaine souhaite s’engager dans la perspective des élections fédérales.

Dans le cas du financement du service public du sport, si la masse financière doit rester majoritairement d’ordre public, d’autres ouvertures méritent d’être considérés afin de renouer avec l’adage du “sport qui finance en partie le sport”, assigné aux taxes affectées : déplafonnement de la taxe Buffet, augmentation des prélèvements sociaux sur les paris sportifs ou encore des réflexions sur une réhabilitation de l’esprit de la “taxe billetterie” sur les grands événements sportifs, supprimée en 2015.  

D’autres expressions en complément : si le Fonds Vert a été partiellement mis à contribution de la rénovation des équipements sportifs, après la demande de la ministre de faire croiser les financements avec les besoins en matière de rénovation énergétique des enceintes sportives, le coût de rabot d’1,5 milliard d’euros est un signal négatif à l’égard de la transition écologique dans le sport.

En outre, France urbaine rappelle le besoin de pérennisation du Fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) que le Gouvernement voulait supprimer lors du dernier exercice budgétaire, lequel participe à la cohésion des plus jeunes et l’importance de faire correspondre temps périscolaire et activités sportives et culturelles, alors que l’activité physique et sportive à l’école (notamment les 30 minutes d’APS quotidiennes) bat de l’aile.  

L’héritage est-il uniquement budgétaire  ?  

Si les collectivités territoriales financent très majoritairement le sport – à hauteur de 11 milliards d’euros pour le bloc local –, force est de constater une méconnaissance mutuelle entre acteurs, cinq ans après la création de l’Agence. Le rôle des collectivités territoriales demeure encore méconnu du mouvement sportif, en contradiction avec leur rôle concret pour la mise en œuvre des politiques publiques sportives sur le terrain.

Pourtant, le choix du groupement d’intérêt public s’était fait précisément pour permettre cette gouvernance partagée, condition nécessaire au développement de la pratique sportive à l’échelle des territoires, enjeu majeur de politique publique. 

L’instauration d’une nouvelle gouvernance du sport prévoyait aussi l’institution de conférences régionales du sport. La création de ces dernières et des conférences des financeurs du sport visait à donner plus de lisibilité et de cohérence aux politiques sportives publiques. Si toutes les régions en sont dotées, leur fonctionnement s’avère hétérogène. 2023 a néanmoins été décisive pour rendre opérationnelle la déclinaison territoriale de la gouvernance du sport.

Elle aura vu l’écriture des projets sportifs territoriaux, étape indispensable au financement de projets. Il faut noter qu’une étude commandée aux conférences régionales par Amélie Oudéa Castera avant l’été 2024 a récemment été publiée : elle conclut à une méconnaissance voire une incompréhension des structures, et signale également de l’absentéisme.  

La gouvernance partagée au sein de l’ANS permet donc bien, progressivement, une meilleure connaissance mutuelle et un partage des enjeux liés au développement du sport sur le territoire.

Cette évolution demeure toutefois largement perfectible, avec un autre rendez-vous à ne pas manquer : les élections fédérales, avec des besoins d’engagements au nom de la mission de service public des fédérations sur des enjeux d’égalité des genres, de lutte contre les discriminations et de programmes cohérents avec les politiques territoriales.

En somme, il y a un intérêt, comme pour la culture, à pouvoir (re)donner une lisibilité politique et territoriale sur le rôle local des acteurs sportifs, l’occasion de reconsidérer les instances comme les Conférences régionales du sport (CRS), avec une prise en main des collectivités encore trop timide.

Cette distinction politique du sport venant des villes et métropoles doit permettre de travailler urgemment avec les ligues professionnelles, alors que les collectivités répondent aux besoins de mise à disposition des équipements et de leurs évolutions – notamment normatives.

À ce titre, plusieurs maires et présidents avaient alerté il y a quelques mois d’une inflation galopante qui se répercute désormais sur les compétitions régionales, avec des demandes et de nouvelles prétentions trop élevées et souvent financièrement déconnectées des réalités budgétaires.  

Sébastien Tison
s.tison@franceurbaine.org
Régis Capo chichi
r.capo-chichi@franceurbaine.org
Aucun résultat
Aller au contenu principal