Actualité Achats et commande publique

DÉCARBONATION DES ACHATS

Alors que le chantier de révision des directives européennes “marchés publics” de 2014 doit prochainement s’ouvrir, le projet de“Buy European and Sustainable Act” (BESA) commandé par la Fondation européenne pour le climat à Carbone 4 dessine quelques propositions ambitieuses de réforme, qui font écho à celles proposées par France urbaine.

 

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Si les directives européennes de 2014 régissant les marchés publics et les concessions semblaient gravées dans le marbre pour encore de nombreuses années, le contexte semble avoir définitivement changé à Bruxelles. Le premier coup de boutoir a été porté par la Cour des comptes européennes, qui dans son rapport publié en décembre 2023 soulignait à quel point certains objectifs qui avaient présidé à leur rédaction n’avait pas été atteints, avec un niveau de concurrence globalement en baissse depuis une dizaine d’années, et une très faible prégnance des marchés transfrontaliers – marqueurs de l’émergence d’une véritable commande publique européenne. 

Politiquement, l’Europe réalise par ailleurs que l’ouverture totale de ses marchés ne lui pas toujours réussi : la crise sanitaire a montré la grande fragilité de certains approvisionnements, tandis que certains secteurs industriels pourtant absolument cruciaux pour réussir les transitions écologiques se voient sérieusement menacés, notamment par une industrie chinoise largement subventionnée par l’État (panneaux photovoltaïques, voitures électriques etc.) ou américaine dopée par l’Inflation Reduction Act. 

On ne peut donc dans ce contexte que se féliciter qu’Ursula von der Leyen ait dans son plan de mandature 2024-2029 proposé d’engager une « révision de la directive sur les marchés publics » visant à « accorder la préférence aux produits européens dans les marchés publics pour certains secteurs stratégiques ». France urbaine appelle de ses vœux la mise en œuvre de ce chantier depuis plusieurs années, et a porté plusieurs propositions de réforme lors de la présidence française de l’Union européenne de 2022 qu’elle a enrichies lors des élections européennes de 2024, et complétées d’un plaidoyer pour libérer la commande publique sur l’alimentation. 

Le projet de « Buy European and Sustainable Act» (BESA) de Carbone 4 est un projet de réforme sectoriel ambitieux qui vient utilement les compléter. Présenté en webinaire France urbaine le 16 septembre dernier, l’idée centrale du BESA est d’imposer dans les segments les plus émetteurs de l’achat public (matériaux, alimentation, véhicules, énergie renouvelable, construction) des critères de fabrication européenne combinés à des seuils maximaux d’intensité carbone.

  • Exemple concret : introduire dans tous les projets de construction ou les travaux de voirie une obligation d’utiliser des ciments intégralement fabriqués en Europe (à tous les stades de fabrication) et selon des technologies propres matérialisées par un plafond d’intensité carbone. 

L’étude montre que si ces mesures avaient été mises en place dès 2019, elles auraient permis de réduire les émissions annuelles liées à la commande publique de 34 millions de tonnes d’équivalent CO2 (dont 3,5 millions de tonnes en France), et de rediriger 86 milliards d’euros des dépenses attachées à la commande publique vers des activités bas-carbone (dont 14 milliards en France). Cette stratégie serait également pourvoyeuses d’emplois, avec une évaluation de 55 000 nouveaux ETP « verts » en France (pour un peu moins de 400 000 dans l’UE). 

Le BESA conçu par Carbone 4 indique un chemin aussi ambitieux qu’atteignable pour réorienter la commande publique européenne et en faire un vrai levier au service des politiques publiques. Il est par ailleurs en ligne avec certaines des orientations du récent rapport Draghi, qui rappelle limportance majeure de la commande publique comme levier pour réussir la décarbonation et stimuler linnovation. Les planètes semblent donc alignées pour réinterroger la philosophie qui avait présidé à la rédaction des directives de 2014, où la seule « libre concurrence » tenait lieu de politique industrielle. 

Christophe Amoretti-hannequin
c.amoretti-hannequin@franceurbaine.org
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