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ACHAT PUBLIC ET IMMOBILIER DÉDIÉ : DEUX LEVIERS POUR ACCÉLÉRER LA CROISSANCE DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Michèle Lutz, maire de Mulhouse et Anne Vignot, maire de Besançon, présidente du Grand Besançon Métropole, co-présidentes de la Commission Économie des Territoires ont accueilli leurs homologues de la Commission Économie circulaire & ESS et du Forum Achat Public pour une séance de travail transversale sur les leviers à la main de nos collectivités pour accompagner la transformation des entreprises vers l’économie circulaire.

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L’un d’entre eux, l’achat public, apparaît comme un outil majeur de “relocalisation” (renforcement de l’achat local), voire de mise en circularité des entreprises d’un territoire. Sa pleine efficience au service de ces transformations suppose une coordination nouvelle ou renforcée entre les métiers et outils de l’achat public et ceux du développement économique. Un autre, l’immobilier d’entreprises, compétence exclusive des intercommunalités, peut utilement accompagner la structuration de filières locales.

L’achat public, levier de transformation des filières

La Ville et la Métropole de Toulouse travaillent depuis plusieurs années sur l’impact des marchés publics de travaux sur la structuration d’une filière circulaire du BTP. Avec un volume d’achat annuel de 500M€, le SPASER en vigueur pour la période 2021-2026 a voulu afficher l’exemplarité de la collectivité dans la capacité à réduire la situation de dépendance du territoire à l’égard des matières premières : 57 % de la demande locale s’évade en effet du territoire ! C’est une perte nette de richesse pour la métropole et un véritable gisement pour renforcer la production et l’achat locaux.

Sur la base d’une stratégie “Métropole de l’économie circulaire 2020-2030”, la collectivité s’est dotée d’un projet de transition économique et écologique décliné en trois feuilles de route opérationnelles co-construites avec les acteurs de terrain (gouvernance, ressources locales, biens manufacturés). Trois vice-présidences, 10 directions et un réseau de partenaires ont été mobilisés. La finalité : bâtir la métropole à partir des ressources locales. Pour le BTP, l’objectif, via l’intégration de l’économie circulaire dans le SPASER, est d’attendre les 80 % de marchés publics de la métropole intégrant un critère d’économie circulaire et de sensibiliser 60 % des entreprises répondant aux marchés publics.

Une boîte à outils destinée à tous les acteurs et une cartographie des acteurs et chantiers exemplaires ont amorcé une démarche amplifiée par la labellisation du programme européen “Life Waste 2 Build” : une charte d’engagement “économie circulaire dans le BTP” a été signée par 31 entreprises du secteur, 58 chantiers représentant 230 millions d’euros de travaux ont été accompagnés. Dans un esprit d’alliance des territoires, la démarche va progressivement s’étendre à l’ensemble de la région Occitanie, après une première coopération sur le territoire albigeois et, au-delà, à l’Eurométropole de Strasbourg (Stade de la Meinau). Les prochains développements de la démarche incluront un volet formation renforcé et un autre spécifiquement consacré aux terres excavées.

Pour la Ville de Besançon, et sans y être contrainte réglementairement, la municipalité a fait le choix de se doter d’un SPASER qui lui permet de faire de l’achat public un levier d’amplification des mutations écologiques et de transformation des entreprises. Une convention avec la Chambre de Métiers et d’Artisanat permet de renforcer la sensibilisation des entreprises artisanales et de mener un “sourcing” conjoint. En trois ans, 30M€ de commandes publiques ont été ainsi relocalisées ; la simplification de la commande, une meilleure connaissance réciproque des entreprises et de la collectivité et la priorité mise sur les achats alimentaires caractérisent cette mutation. 14 producteurs locaux captent dorénavant 37 % de la commande destinée à la restauration scolaire. Par souci de cohérence, la collectivité déploie l’éco-conditionnalité de ses emprunts bancaires sur les mêmes bases que pour la commande publique.

L’immobilier d’entreprises, assise dynamique pour créer l’économie circulaire de demain

À Roubaix, ville engagée dès 2024 en faveur du Zéro Déchet, puis territoire démonstrateur de l’économie circulaire, le site industriel Tissel, sous-utilisé, a été acquis par la Ville en 2022 afin d’y créer un hub d’entreprises de l’économie circulaire. Une association a été créée pour gérer et développer ce lieu proposant 11 500m² de surfaces dont 9 500m² d’entrepôts à des entreprises de l’économie circulaire, dont la vocation est de devenir des manufactures de proximité.

Tout à la fois plateforme et vitrine ouverte de l’économie circulaire, ce lieu totem accueille un incubateur de projet, un tiers-lieu ouvert à tous et des services communs aux entreprises. Sept entreprises, toutes issues du territoire roubaisien, ont d’ores et déjà été sélectionnées et s’installent dans le site pendant sa rénovation : accessoires de mode conçus à partir de pneus de vélo, atelier de tricotage ouvert au public, confection de vêtements en lin, réparation de vélos, ressourcerie de matériaux ou fabrication d’imprimantes 3D “locales”… En 2024 vont se déployer la ruche d’entreprises, un espace de coworking et une première offre de restauration. La rénovation et la gestion du site sont des laboratoires pour les marchés publics de la Ville qui y intègre systématiquement des critères “circulaires”.

Invitée à participer aux travaux au titre du partenariat liant France urbaine et CMA France, la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Haute-Garonne a présenté son “incubateur en économie circulaire”, Le Nouvel Atelier. Partant de la nécessité de proposer un dispositif d’accompagnement aux créateurs d’entreprises “circulaires”, la CMA déploie un nouveau dispositif financé par les métropoles de Toulouse et Montpellier, la Région Occitanie et l’Ademe. Hébergé dans le tiers lieu en économie sociale et solidaire “Les Imaginations Fertiles” à Toulouse, qui met à disposition espaces de co-working et salles de réunions, cet incubateur met des experts et conseillers (RSE, impact environnemental…) à la disposition des artisans.

La première promotion, actuellement incubée, accueille 5 entreprises, dont un projet de rénovation de meubles anciens, une fabrique d’accessoires à partir de tissus recyclés, de la production de croquettes pour animaux de compagnie à partir des résidus des cantines scolaires, etc… Une deuxième promotion est déjà en préparation, le dispositif s’étendra sur la métropole de Montpellier, puis à d’autres territoires occitans. À Toulouse, la Métropole se met à la disposition des entreprises en sortie d’incubation pour les accompagner dans la suite de leur parcours résidentiel.

Ces quatre démarches permettent de partager et de valoriser les axes suivants : les collectivités ont une vraie capacité d’innovation via l’achat public ; c’est maintenant autant à l’échelle nationale qu’à l’échelle de l’Union Européenne que doivent se concentrer les démarches permettant une meilleure intégration des outils et méthodes de l’économie circulaire dans les marchés publics ; à l’échelle des métropoles et agglomérations, une des prochaines étapes doit permettre la constitution de coalitions entre grands acheteurs publics pour renforcer l’impact des commandes groupées et “circulaires”. C’est ce que développe par exemple Grand Poitiers (achats mutualisés entre la métropole et le CHU).

Pour Anne Vignot, “le déploiement de l’économie circulaire est une réponse citoyenne qu’il faut amplifier pour dépasser définitivement la compétition entre territoires au profit d’un partage plus équitable des richesses”.

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