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SANTÉ, PETITE ENFANCE, GRAND ÂGE : QUELLES RÉGULATIONS POUR UNE COOPÉRATION PUBLIC/PRIVÉ AU SERVICE DE L’INTÉRÊT GÉNÉRAL ?

Retour sur l’atelier “Santé, petite enfance, grand âge : quelles régulations pour une coopération public/privé au service de l’intérêt général ?” qui s’est tenu à Angers le 21 septembre 2023.

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Comment maintenir une exigence de service public malgré l’intervention d’acteurs privés de plus en plus financiarisés et filialisés ? L’objectif de rentabilité est-il compatible avec la délivrance d’une offre sûre et de qualité pour tous ? Doit-on se résoudre à un service public à deux vitesses, suivant les moyens de chacune et chacun, ou peut-on au contraire construire un nouveau contrat entre acteurs publics et privés, fondé sur de nouvelles régulations et permettant à chacun d’assumer sa part essentielle de responsabilité vis-à-vis de la population ? Tel est le pari qu’ont accepté de relever les intervenants de l’atelier ”Santé, petite enfance, grand âge : quelles régulations pour une coopération public/privé au service de l’intérêt général ?” qui s’est tenu à Angers le 21 septembre 2023.

Pour donner une perspective historique aux échanges et poser les termes du débat, Clémence Ledoux, maîtresse de conférences en Sciences politiques à l’Université de Nantes a tout d’abord replacé le sujet dans le temps long. La financiarisation des services publics n’est que le fruit d’une transformation plus large de l’action publique, percutée par le développement de « marchés du welfare » ou de « marchés du bien-être », et exprime avant tout l’extension de fonctionnement de marché à la production de certains services publics. Historiquement, force est de constater que cette privatisation, qui ne concerne pas que des acteurs lucratifs mais recouvre aussi le mouvement associatif, s’est d’abord formée dans les interstices, et sur les carences, d’une offre publique parfois inexistante. Par la suite, l’essor du new public management a mis en cause l’efficacité des services des régie, et les contraintes financières se sont accrues, renforçant d’autant une logique financière qui recouvre des réalités très diverses : de l’association, comme indiqué précédemment, aux fonds de pensions qui cherchent avant tout un retour sur investissement et pas une exigence de qualité de service. D’où la nécessité de construire de nouvelles formes de régulation qui passent notamment par des réflexions nouvelles sur la manière de garantir la qualité malgré la rentabilité.

Rebondissant sur cette mise en perspective, Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération Française des Entreprises Privées de Crèches, a souhaité replacer son intervention dans la perspective alors plus certaine de la mise en place d’un service public de la petite enfance, alertant les élus locaux sur une forme de devoir de régulation, en tant qu’autorités organisatrices, qui s’exprimera notamment par l’autorisation de création de places, y compris dans le secteur marchand, mais aussi par une exigence de contrôle. L’occasion de demander que des règles uniques et opposables soient définies au niveau national pour éviter la complexité liée à l’adoption de 36.000 règles du jeu différentes. Elle a notamment invité les élus locaux à ne pas faire du prix le premier critère de sélection des offres, mais d’accorder une place spécifique à la qualité, et à repenser le système de tarification PSU/tarification à l’activité.

Fannie Le Boulanger, adjointe au maire de Bordeaux chargée de la politique de la ville, de la petite enfance et de la parentalité a immédiatement tenu à rappeler un certain nombre de réalités, parmi lesquelles des contraintes financières de plus en plus forte qui appellent aussi, au-delà des critères de qualité, à renforcer l’arsenal à disposition pour contraindre à la sécurité du service : mise en place de pénalités, mais également possibilité de caper les bénéfices dans la mesure où la vulnérabilité ne peut être un marché comme un autre. Surtout, Fannie Leboulanger a insisté sur la nécessité d’une régulation au niveau national, et appelé de ses vœux la création d’une Haute autorité, comme il existe la CRE pour l’énergie. A ce titre, elle a pointé la faiblesse du dispositif envisagé en matière de service public de la petite enfance, qui ne prévoit rien sur le financement et la vigilance.

Ziad Khodr, conseiller municipal d’Arras et conseiller communautaire de la communauté urbaine d’Arras, a élargi le sujet aux enjeux de santé, en interpellant le fait que les crédits de l’Assurance maladie – c’est-à-dire des deniers publics – puissent contribuer à structurer de nouvelles organisations du soin qui se positionnent parfois en concurrence direct avec la permanence des soins publique, et peuvent faire courir le risque, en offrant des conditions salariales ou d’organisation du temps de travail plus attractives, d’une mise sous tension encore plus forte du secteur public, limité aux seules opérations complexes et non rentables.

Derrière ces enjeux, l’ensemble des intervenants et des participants ont convergé sur la nécessité de trouver de nouvelles modalités de régulation pour continuer à assumer ensemble une mission de service public pour tous, notamment rappelée par Ziad Khodr, indépendamment de leur statut juridique. Car comme l’a notamment rappelé Pascale Mitonneau, adjointe Petite enfance au maire d’Angers, la pression sur les capacités d’accueil impose pour beaucoup de territoires de continuer à construire une offre diversifiée. Mais avec la nécessité de nouvelles règles du jeu.

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