3ÈMES JOURNÉES NATIONALES DU PÔLE MÉTROPOLITAIN LOIRE-BRETAGNE : INTERDÉPENDANCES ET COMMUNAUTÉS DE DESTINS
Le pôle métropolitain Loire-Bretagne, qui rassemble les métropoles d’Angers, de Brest, de Nantes et de Rennes, tenait le 26 novembre, au Quartz de Brest, sa 3ème Journée nationale.
Une rencontre nationale dans un moment charnière : alors que la succession des crises – climatique, sanitaire, géopolitique… – n’a jamais illustré aussi crûment les interdépendances qui tiennent entre eux les territoires, les moyens d’agir sont aujourd’hui menacé par de fortes contraintes budgétaires.
Alors que cette conjonction pourrait mécaniquement pousser au repli sur soi et au “recroquevillement”, cette journée a permis de catalyser les envies de faire ensemble et de réinventer les espaces et outils de coopération pour continuer à “changer la vie des gens”. Par une alliance concrète des territoires.
Des interdépendances qui n’ont jamais été aussi fortes… l’exemple de l’eau
La préservation de la ressource en eau, en qualité comme en quantité, a été au cœur des échanges. Les risques de ruptures d’approvisionnement ne sont pas théoriques comme l’a rappelé Johanna Rolland, Maire de Nantes, Présidente de Nantes métropole et Présidente de France urbaine : la sécheresse de 2022 a confronté la ville, 3 semaines durant, à un risque de rupture d’approvisionnement.
Pour Pierre-Emmanuel Peynaud, chercheur au sein du laboratoire Eau et environnement à l’université Gustave Eiffel, les projections hydrographiques sont préoccupantes. La réponse passera nécessairement par des logiques de coopération et de partage. Une ambition et une urgence qui réunissent André Crocq, Vice-président de Rennes métropole, Bruno Ricard, Vice-président de Dinan agglomération, et les 14 autres intercommunalités du bassin de vie de Rennes (qui représente un million d’habitants au sens de l’INSEE), autour d’un Contrat de coopération engagé dès 2017 autour des enjeux de mobilité, puis élargi à la problématique de la ressource en eau.
Porté pour le collectif par les agglomérations de Dinan et Saint-Malo, il vise à la fois l’efficacité et la sobriété ainsi que son corollaire, le changement des usages. Cette ambition traverse aussi le grand territoire brestois, dont la spécificité tient également à la mobilisation des leviers de l’économie mixte, comme a pu le rappeler Noémie Saint-Hilary, Directrice générale de SPL Eau du Ponant
… mais des incertitudes qui portent en elles un risques de repli sur soi
Pour Nathalie Appéré, Maire de Rennes, Présidente de Rennes métropole et Secrétaire générale de France urbaine, reprenant les concepts d’Edgar Morin “l’envie de coopérer n’a jamais été aussi forte, et pourtant il faut trouver 25 millions d’euros pour Rennes et Rennes métropole”. Une réalité partagée à Nantes et Brest.
Alors face à ce risque, “il faut éviter à tout prix le repli sur soi” a martelé François Cuillandre. Sandra Le Nouvel, présidente de la communauté de communes du Kreiz Breizh (CCKB), rappelle le bien commun que constitue la métropole pour les habitants des territoires ruraux : un propos en résonnance avec ceux de François Cuillandre, rappelant que “l’Université de Bretagne occidentale (UBO) n’est pas que celle des Brestois, pas plus que le centre hospitalier universitaire (CHU)”. Et, réciproquement, Sandra Le Nouvel a insisté sur les responsabilités spécifiques qui pèsent sur la CCKB, territoire le plus agricole de Bretagne.
“L’Université de Bretagne occidentale (UBO) n’est pas que celle des Brestois, pas plus que le centre hospitalier universitaire (CHU). Nous sommes tous dans le même bateau.” – François Cuillandre
Or aujourd’hui, la fiscalité locale est quasi-exclusivement indexée sur une croissance démographique qui n’est pas l’ambition de tous les territoires. Et place donc de fait les coopérations dans une situation de fragilité car de non-pérennité des ressources. L’Etat prescrit (par exemple par les logiques d’appels à projets) mais disparaît d’un point de vue financier.
De nouvelles contractualisations interterritoriales sont nécessaires pour sécuriser et installer dans le temps des coopérations qui reposent beaucoup sur la confiance, la manière dont on se parle et le temps consacré.
À ce titre, Aziliz Gouez, Vice-présidente de Nantes métropole, a pu rappeler la forte mobilisation des territoires urbains en matière de systèmes alimentaires territoriaux, qui activent tous les leviers de la commande publique et sont engagés, sous l’impulsion de France urbaine, dans un plaidoyer pour faire évoluer les règles européennes aujourd’hui trop bloquantes.
La reliance : une pratique plus qu’un concept
L’ensemble des débats, qui se sont poursuivis l’après-midi de manière concrète et au sein d’ateliers participatifs consacrés aux enjeux d’eau, d’alimentation ou encore de mobilités, ont ainsi permis d’illustrer la notion de “reliance” que Martin Vanier, géographe et grand témoin de la journée, a placé au cœur de son dernier ouvrage “Le temps des liens : essai sur l’anti-fracture”.
Cette éthique de l’action publique vise à intégrer dans toute action publique sesimpact sur les écosystèmes ainsi que les aspirations et contraintes d’autres territoires et habitants eu vue de valoriser ce qui rassemble.
« Il ne faut pas non plus idéaliser les coopérations : ce n’est pas facile » – Nathalie Appéré
Comme l’a rappelé Nathalie Appéré, « il ne faut pas non plus idéaliser les coopérations car ce n’est pas facile » :
quels nouveaux métiers et quelles nouvelles postures professionnelles ? Quelles évolutions des manières de faire pour aller vers des maîtrises d’ouvrage davantage partagées ? Quels enjeux démocratiques aussi, pour porter une vision et un projet à une échelle interterritorial et créer justement une communauté de destin consciente d’elle-même ?
Les pôles métropolitains : un accélérateur de coopérations ?
S’il fallait retenir un enseignement de cette journée, c’est la puissance du modèle coopératif : pôles métropolitains, ententes, chartes, entreprises publiques locales, commande publique…
« Le pôle métropolitain n’est pas une strate supplémentaire » – Roselyne Bienvenue
À ce titre, comme l’a rappelé Roselyne Bienvenue, Vice-présidente d’Angers Loire Métropole, “les pôles métropolitains ne sont pas une strate administrative supplémentaire”, mais bien un démultiplicateur d’action au service d’ambitions partagées, et notamment de la transition écologique et solidaire.
C’est précisément cet esprit qui avait d’ailleurs présidé à leur création par la loi RCT de 2010, sous l’impulsion de France urbaine. Depuis 2011, France urbaine en anime d’ailleurs le réseau des directeurs, avec ses partenaires du Pôle Joubert.
Avec une boussole claire au cœur du propos de Johanna Rolland et de Frédérique Bonnard le Floc’h, Vice-présidente de Brest métropole et coprésidente de la commission “Alliance des territoires” de France urbaine aux côtés de Louis Nègre. Plutôt que d’alimenter les fractures (Gilets jaunes, émeutes urbaines…) la présidente de France urbaine invite “face aux populismes, [à] trouver de nouveaux chemins : et cela passera par des réponses concrètes”.