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ACCÉLÉRER VERS LA NEUTRALITÉ CARBONE : RENCONTRE DES LAURÉATS FRANÇAIS DE LA MISSION EUROPÉENNE DES 100 VILLES CLIMATIQUEMENT NEUTRES ET INTELLIGENTES D’ICI 2030

Le 26 septembre à Marseille, dans le cadre des travaux du Groupe miroir national Ville – Horizon Europe dont fait partie France urbaine, en lien avec la plateforme européenne CapaCITIES qui travaille à identifier les leviers et freins à la décarbonation des villes, une journée entière a été dédiée à la Mission européenne des « 100 villes climatiquement neutres et intelligentes d’ici 2030 – par et pour les citoyens ». Les neufs lauréats français ont ainsi pu échanger une nouvelle fois en présentiel depuis les Assises européennes de la Transition énergétique à Bordeaux en mai dernier, aux côtés de profils variés d’intervenant.es nationaux et européens.

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Une matinée politique riche : des défis de l’anthropocène à la Mission Villes 

Le rappel des enjeux de transition
 Les messages clés de la matinée ont mis en évidence l’ampleur du défi à relever :
– il faut dépasser l’approche purement carbone, afin de prendre en compte les enjeux liés à l’ensemble des limites planétaires (biodiversité, eau douce etc.) pour le maintien des conditions d’habitabilité de la Terre ;
– la neutralité carbone ne peut être une fin en soi car, au-delà des chiffres, ce qui parle pour les citoyens est bien un projet de société vers lequel tendre ;
– le contrat social actuel qui lie les individus est basé sur l’accumulation et les énergies fossiles, opposés aux impératifs de sobriété et d’énergies renouvelables : un nouveau contrat social est souhaitable, porté par la notion de justice sociale (enjeu d’accès à des biens et services de qualité pour les plus précaires, plus petits contributeurs aux émissions de GES mais plus exposés aux dérèglements climatiques) ;
– le rôle des citoyens est incontournable dans les processus amont (définition des objectifs) et aval (mise en œuvre) des trajectoires de transition et des projets des territoires, comme le rappelle l’intitulé de la Mission.
– car les émissions carbones et les enjeux qu’elles impliquent dépassent les frontières administratives, l’alliance des territoires, entre les communes d’une même intercommunalité, et avec les territoires voisins, est alors essentielle.
– l’enjeu de la redirection écologique des infrastructures et activités qui dégradent les conditions d’habitabilité de la planète, est un processus nécessaire à mener de manière démocratique, anticipée et non brutale ;
– le secteur privé qui se mobilise de plus en plus, doit être embarqué dans la dynamique territoriale, avec un besoin fort de formation aux enjeux de transition au sein des entreprises.

Les perspectives européennes et nationales pour la Mission Villes
Les acteurs étatiques nationaux ont rappelé les objectifs ambitieux de la Mission Villes qui s’inscrivent pleinement dans le cadre des ambitions françaises, ainsi que le rôle du Groupe Miroir national Ville de dissémination des initiatives européennes, d’articulation avec les outils nationaux existants, et de plateforme de travail et d’échanges entre lauréats et au-delà. Le représentant de la Commission européenne (DG RTD) a notamment souligné l’enjeu de l’élaboration du plan d’investissement pour la mise en œuvre du plan d’actions établi par chaque lauréat dans son « contrat de ville climat » (climate city contract) ; une difficulté notamment pour les villes françaises, alors que l’aspect financement est plutôt absent des PCAET (plan climat-air-énergie territoriale). NetZeroCities, plateforme qui fournit un conseiller (city advisor) à chaque ville lauréate pour l’accompagner dans les aspects opérationnels de la Mission, a quant à elle annoncé le renforcement du soutien d’une équipe de spécialistes sur le financement, d’un sur la gouvernance et l’engagement des parties prenantes, et d’un autre sur la création d’un portfolio d’actions synergiques/non cumulatives. Cela a notamment pu faire écho aux attentes des élues bordelaises dans leurs propos introductifs, Claudine Bichet et Céline Papin, vis-à-vis de la plateforme, concernant les montages financiers complexes à réaliser.

Les lauréats prennent la parole pour partager leurs visions et exprimer les besoins
Qu’il s’agisse de l’élu dunkerquois, Jean-François Montagne, qui a souligné le défi d’accueillir sur un territoire de tradition industrielle des milliers d’emplois dans le cadre de la réindustrialisation du pays de manière la plus neutre possible climatiquement, les élus des métropoles de Grenoble, Pierre Verri, et d’Angers, Benoît Pilet, qui ont parlé de leurs projets de territoire, de mobilisation territoriale (dont la participation citoyenne), et de quelques enjeux prioritaires (rénovation énergétique des bâtiments, mobilité, l’accompagnement au changement de comportement…), ils ont surtout rappelé qu’au-delà de l’innovation et de l’expérimentation portées déjà depuis de nombreuses années dans leurs territoires, la massification est essentielle. A été formulée pour ce faire, la demande d’être encore mieux et plus accompagnés par l’Union européenne et l’Etat, notamment en fournissant un cadre normatif, réglementaire et financier clair et cohérent, qui s’inscrive dans une stratégie à moyen/long terme.

Fabien Perez, élu de Marseille, “une des villes les plus embouteillées de France”, a souligné l’enjeu social comme marqueur de son territoire, avec un taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale, et a ainsi particulièrement insisté sur le besoin d’accélérer via la Mission Villes. Sa préoccupation principale, partagée par les neuf lauréats français : le sujet du financement. Alors que ce dernier a estimé à 18Md€ le plan d’investissements nécessaires pour atteindre les objectifs locaux de neutralité carbone et les actions identifiées dans le « contrat de ville climat », des solutions à approfondir ont été mentionnées, telles la mobilisation et l’engagement des entreprises pour répondre collectivement aux défis du territoire, les partenariats publics-privés, mais aussi une meilleure captation des fonds européens, avec la facilitation de l’accès à ces fonds etc.

Une seconde séquence plus technique face aux défis d’alliance public-privé, d’investissement et de planification

Alors qu’I4CE a estimé les besoins d’investissement par les collectivités à 12 Md€ par an (bâtiment, transport, énergie) jusqu’à 2030 pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), soit presque 20% de leurs budgets d’investissement, les élus ont constaté la limite des moyens de financements publics à disposition face à des besoins colossaux. La recherche de nouvelles sources de financement, la meilleure connaissance des offres d’acteurs bancaires – comme la Banque des territoires qui est intervenue -, et l’embarquement des entreprises dans les projets de territoire, représentent ainsi des pistes de travail à explorer dans le cadre des travaux de la Mission Villes et du Groupe Miroir Ville. Les échanges ont identifié différentes initiatives telles : Paris Fonds Vert, fonds d’investissement à l’initiative de la Ville de Paris pour soutenir les PME innovantes, la nouvelle coopérative carbone parisienne, en lien avec la Métropole du Grand Paris, pour mettre en lien financeurs et porteurs de projets d’atténuation/de séquestration, les défis nantais citoyens neutres en carbone incluant des partenariats avec les entreprises, la convention des entreprises pour le climat pour transformer leurs business modèles, l’Agora Lyon 2030, mentionnée par l’élu lyonnais Raphaël Michaud, qui rassemble entreprises, associations, recherche etc. pour notamment co-construire un contrat territorial pour le climat et élaborer des conventions de coopération et d’engagement entre la municipalité et chaque membre…

Le défi de la planification écologique et sa territorialisation a aussi fait partie des discussions, introduit par une intervention d’Anne Clerc, Cheffe du pôle territorialisation et filières au Secrétariat Général à la Planification Écologique. Elle a rappelé le travail mené par le SGPE sur l’état des lieux des GES en France et les leviers d’actions à 2030. En écho à l’intervention d’Antoine Pellion aux Journées nationales de France urbaine à Angers, a été redit l’appropriation par les territoires de cette nouvelle approche de la planification dans le cadre des « COP régionales ». Des outils et méthodes ont ensuite été présentés par divers acteurs, comme Efficacity et la Communauté urbaine de Dunkerque qui expérimentent une plateforme de suivi/d’évaluation des plans de transition locaux, ou encore, EUCITY CALC expérimenté par Dijon Métropole pour modéliser sa feuille de route vers la neutralité carbone, et estimer le coût financier.

La suite des travaux, en lien avec les partenaires et acteurs identifiés 

L’élaboration des « contrats de ville-climat » se poursuit pour les lauréats, alors que seule la Ville de Marseille l’a déjà transmis à la Commission européenne à ce stade, et que la Ville de Lyon est sur le point de le faire (les villes lauréates ont jusque fin 2024 pour le faire). En parallèle des échanges relatifs à l’importance de veiller à l’articulation opérationnelle des cadres français et européen, les ponts de dialogue établis avec les divers intervenants nationaux et européens à Marseille, s’inscriront bien dans le programme de travail du Groupe Miroir Ville, notamment à l’occasion de prochaines réunions techniques avec les neufs lauréats français.

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