VERS UN NOTRE-DAME DE L’ACCESSIBILITÉ ? APRÈS UNE ÉTAPE À LYON LE 28 JANVIER, LE CNCPH DÉVOILE LE 4 FÉVRIER SES 10 PROPOSITIONS
Frappés lors dès leur entrée en mandat par le constat d’un important retard dans la mise en accessibilité, les élus de la ville de Lyon ont pris le parti de la transparence. Répondre au défi du rattrapage dans un territoire au patrimoine complexe, tout en revendiquant un alignement volontariste sur les dispositions de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, tel est le pari singulier de cette municipalité qui recevait le 28 janvier le président du CNCPH Jérémie Boroy.
Frappés lors dès leur entrée en mandat par le constat d’un important retard dans la mise en accessibilité, les élus de la ville de Lyon ont pris le parti de la transparence. Répondre au défi du rattrapage dans un territoire au patrimoine complexe, tout en revendiquant un alignement volontariste sur les dispositions de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, tel est le pari singulier de cette municipalité qui recevait le 28 janvier le président du CNCPH Jérémie Boroy.
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Une approche par le droit revendiquée par la ville de Lyon depuis 2020 et soutenue par un travail approfondi de formation de l’ensemble des élus :
La Convention internationale des droits des personnes handicapées bien qu’intégrée en droit français n’est pas pleinement entrée en vigueur dans les faits et les mœurs. Ce texte traduit un changement amorcé quelques décennies plus tôt : à une approche centrée sur la santé et la compensation individuelle comme réponse unique se substitue une approche fondée sur les droits et l’accessibilité globale. Le handicap loin d’essentialiser un individu déconnecté de son environnement et de marquer une frontière intangible entre “valides” et “non valides” est le fruit d’une rencontre entre une personne et son environnement physique et social. Cette dernière approche est revendiquée par les élus de la ville de Lyon sensibilisés aux enjeux du handicap.
Une commission générale, réunissant l’ensemble des élus du conseil municipal, a été consacrée en 2022 à la notion de « validisme », en présence d’universitaires et d’une représentante de la défenseure des droits. En 2023, l’exécutif était formé à la question du validisme par la présidente de l’association « handi-social », très active sur les droits des personnes handicapées. Laurent Bosetti élu en charge de la promotion des services publics, du handicap et de la politique funéraire le rappelait à l’occasion de la concertation tenue le 28 janvier autour de la loi du 11 février de 2005.
“C’est en ce sens que nous avons célébré, et rendu hommage en décembre dernier, à Judith Heumann, militante activiste américaine, engagée en faveur des droits des personnes handicapées. Elle est pour nous un modèle, une source d’inspiration et surtout un espoir. (…)”A tous ceux qui nous parlent aujourd’hui de manière obsessionnelle de « dépense publique », il nous faut leur répondre en matière de besoins réels des personnes handicapées et de respect du droit.”
Un enjeu de rattrapage massif, quels leviers engagés par la ville de Lyon ? “La Ville de Lyon a elle-même pris conscience de son retard, de ses retards, et s’est engagée dans un Plan handicap volontariste pour rattraper sa dette d’accessibilité.” rappelle Laurent Bosetti. On recense environ 4 320 ERP publics et privés (plus de 800 municipaux) sur le territoire de Lyon dont 10% du patrimoine est par ailleurs inscrit au patrimoine mondial UNESCO. L’agenda d’accessibilité programmé sur une durée de 9 ans est évalué en 2015 à 39 millions d’euros et représente 680 ERP.
Seuls 6,5 millions d’euros sont engagés sur la période 2015-2020, ce qui resserre l’enjeu de rattrapage sur une période courte ce qui représente outre des enjeux financiers un défi humain et technique. L’effort budgétaire est accru et la recherche de financements renforcée. 8 millions sont votés en 2020 puis 8 millions complémentaires de nouveau délibérés en 2023. 300 000 euros de DSIL obtenus en 2023 s’ajoutent aux 375 000 euros obtenus en 2016. Fin 2023, un peu plus de 20% de l’agenda est réalisé et bientôt 30% début 2025. L’accent est porté en priorité en première période sur l’accès localisé dans chaque quartier à un panier de services : au moins une école, une crèche, un établissement social-jeunesse, un parc, un terrain sportif de proximité.
Un Notre-Dame de l’accessibilité, quelle pistes pour Lyon ?
Que peut une municipalité pour résorber son retard ? La ville de Lyon se caractérise comme de nombreuses grandes villes par un patrimoine complexe. Le besoin d’études, important, est sous-estimé au démarrage. De nombreux acteurs, entreprises ou bureaux de contrôle, sont peu disponibles et peu formés à l’accessibilité. Les durées d’instruction sont longues et la stratification des contraintes réglementaires tend à complexifier les opérations (conservation du patrimoine, efficacité énergétique, qualité de l’air intérieur…).
A l’échelle de la ville de Lyon, l’accélération passe par la planification et les moyens humains : 4 postes auront été créés depuis 2022, deux ingénieurs et deux techniciens en charge de piloter ce vaste chantier. Lyon met l’accent sur un travail de programmation fin, la stratégie patrimoniale constituant l’ossature d’un projet de territoire plu vaste axé sur la transition écologique et les enjeux de citoyenneté. En dépit de cette augmentation massive, la ville ne sera pas en capacité de rattraper en un mandat, une programmation prévue sur 9 ans.
Un dilemme est donc posé au niveau national et local. Face au Notre-Dame de l’accessibilité revendiqué par le président du CNCPH, l’élu lyonnais s’interroge « Faut-il sanctionner au risque de ponctionner dans des finances locales nécessaires pour assumer les investissements mais envoyer ainsi un signal clair à chaque maître d’ouvrage après près de 40 ans de législation infructueuse ? Ou peut-on envisager d’arrêter en lien avec la préfecture une programmation inscrite financièrement dans un budget pluriannuel opposable et programmer la trajectoire d’accélération en allégeant l’ensemble des contraintes existantes via le cas échéant un pouvoir de dérogation des préfets (commande publique, attestation de fin de travaux, prescriptions des ABF et de la DRAC…)? ».
Dans la foulée des rencontres territoriales plusieurs pistes de réforme ont été lancées par le CNCPH le 4 février
1. redéfinir le handicap en vue de l’aligner sur la définition retenue dans la Convention internationale des droits des personnes handicapées et garantir un processus législatif prenant en compte la situation de tous les Français
2. une loi de programmation en vue de rendre effectives et échéancées dans le temps les transformations annoncées
3. un choc de participation en garantissant notamment l’accessibilité des partis politiques et l’autodétermination des personnes
4.une seule école pour tous
5. un plan Notre-Dame de l’accessibilité
6. des aménagements raisonnables au-delà du seul secteur de l’emploi
7. faire des MDPH un allié dans l’accès aux droits
8. mettre fin à la liste des emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières
9. ouvrir la voie à l’assistance sexuelle
10. reconnaître la langue des signes française comme une langue de la République et ériger la communication alternative et améliorée comme standards d’accessibilité et d’autonomie dans la loi
Quelle suite pour France urbaine ?
Certaines de ces propositions font écho aux travaux de France urbaine en matière de handicap : renforcer le lien avec les sous-préfets à l’accessibilité et leur donner un rôle pivot de facilitateur, renforcer la faculté des collectivités à se faire le relai du fonds territorial d’accessibilité, soutenir le financement et la mise en place d’une maîtrise d’œuvre globale, faciliter les attestations de fin de travaux, figurent parmi les propositions avancées depuis la conférence nationale du handicap en 2023.
Dans un courrier récent, la présidente de France urbaine Johanna Rolland faisait à nouveau part à la ministre Elisabeth Borne, de la volonté d’avancer des élus des territoires urbains sur le champ de l’éducation, sollicitant la mise en place d’un pacte Etat/collectivité en vue de garantir l’effectivité de l’école pour tous. Alors qu’un comité interministériel du handicap est annoncé dans les prochaines semaines et un comité national de suivi de l’école inclusive, France urbaine reste dans l’attente de suites opérationnelles à la charte Etat / collectivités pour une société pleinement accessible signée en 2023.