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PROPOSITION DE LOI SUR LE NARCOTRAFIC : LA PRÉSIDENTE JOHANNA ROLLAND AUDITIONNÉE PAR LE SÉNAT

Dans la continuité des travaux la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic, qui a rendu ses conclusions en mai dernier, une proposition de loi été déposée le 12 juillet. Le 17 décembre, dans le cadre de leurs travaux préparatoires à l’examen du texte, les sénateurs ont auditionné Johanna Rolland, présidente de France urbaine. L’occasion de rappeler la gravité de la situation et de réitérer les propositions de l’association, tout en saluant la qualité des travaux du Sénat sur cette question.

 

 

Le Jardin du Luxembourg in Paris. France.
Des publications et annonces convergentes

Alors que France urbaine en avait appelé, dans toute sa diversité politique, à un plan d’action national et européen contre le narcotrafic, dans le cadre d’une tribune publiée dans le journal Le Monde le 20 septembre 2023, et signée par une cinquantaine de maires, les rapports, initiatives et annonces se multiplient sur le sujet.

Le 14 mai dernier, au terme d’un travail mené par une commission d’enquête « sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier », présidée par le sénateur Jérôme Durain (groupe SER – Saône-et-Loire) et dont le rapporteur était Étienne Blanc (groupe LR – Rhône), les sénateurs ont publié un rapport comportant un ensemble de recommandations allant du renforcement des moyens d’enquête à celui de l’arsenal pénal et juridique, en passant par la création d’un parquet national dédié et la mise en place de leviers pour frapper le « haut du spectre » et les actifs des trafiquants ainsi que les circuits financiers du trafic du renforcement des moyens d’enquête à celui de l’arsenal pénal et juridique, en passant par la création d’un parquet national dédié et la mise en place de leviers pour frapper le « haut du spectre » et les actifs des trafiquants ainsi que les circuits financiers du trafic.

Le 12 juillet, cette publication a trouvé sa continuité dans le dépôt par les mêmes sénateurs d’une proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic ». Celle-ci propose de traduire au plan législatif les mesures du rapport de la commission d’enquête qui le nécessitent.

Le 8 novembre dernier, Bruno Retailleau et Didier Migaud, respectivement ministre de l’Intérieur et garde des Sceaux – désormais démissionnaires – présentaient à Marseille un plan dédié comprenant aussi bien des mesures immédiates (moyens supplémentaires, campagnes « chocs » de communication, etc.) que de plus long terme nécessitant de nouveaux outils législatifs (création d’un parquet national dédié, cours d’assises spéciales composées de juges professionnels et recours accrus aux « repentis), reprenant ainsi pour partie des propositions de la commission d’enquête sénatoriale.

Le 27 novembre dernier, c’était au tour de la Cour des comptes de publier un rapport qui pointait précisément le manque d’un nouveau plan de lutte contre le narcotrafic depuis celui de 2019 et soulevait d’importantes carences dans le suivi et la formalisation de priorités d’actions. Le rapport en appelait aussi à accroître les moyens de l’Office antistupéfiants (Ofast) sur le « cyber » et la lutte contre le blanchiment ainsi qu’à renforcer la coordination du renseignement criminel. 

Plus aucun territoire épargné et des interdépendances

Invitée, le 17 décembre, dans le cadre d’une table ronde, par les rapporteurs Jérôme Durain et Muriel Jourda (groupe LR – Morbihan), présidente de la commission des Lois, à faire état de la menace et à se prononcer sur les principales dispositions du projet de texte, Johanna Rolland, présidente de France urbaine, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, a tout d’abord souligné une réalité : « 80 % des règlements de comptes par armes à feu sont le fait du narcotrafic ».

Rappelant que les communes rurales comptent pour 50 % des communes membres des EPCI adhérents de France urbaine, Johanna Rolland a témoigné du fait que « plus aucun territoire n’est désormais épargné par ce fléau » et a tenu à mettre en lumière les « interdépendances » entre territoires face à ce phénomène, loin des oppositions artificielles entretenues entre territoires urbains et ruraux.

Un texte nécessaire et ambitieux

S’exprimant aux côtés des représentants de l’Association des maires de France (AMF), de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et de l’Association des petites villes de France (APVF), la présidente de France urbaine a salué la qualité des travaux des sénateurs sur cette question et insisté sur le fait que France urbaine, dans tribune publiée en septembre 2023, « interpellait déjà les pouvoirs publics sur la gravité de situation et la nécessité de nous doter d’un plan national et européen » et « pointait déjà les freins à l’action des enquêteurs et des magistrats, mais aussi les limites de l’action des élus locaux dans l’exercice notamment de leurs pouvoirs de police administrative, en particulier face au phénomène des commerces dits « blanchisseuses » ».

Et Johanna Rolland de rappeler que « les élus locaux n’ont pas à proprement parler de prérogatives pour lutter directement contre le trafic de drogue » mais qu’« ils constatent en première ligne l’emprise du trafic sur certains quartiers et doivent gérer ses conséquences sur la tranquillité publique et les troubles générés pour les habitants »

Saluant l’ambition de la proposition de loi et indiquant que France urbaine porte « un regard très favorable sur l’ensemble de ses dispositions, qu’il s’agisse de réaffirmer les moyens dédiés (autour de l’Ofast et d’un parquet national spécialisé), de lutter contre le blanchiment, de frapper les avoirs financiers des trafiquants, de renforcer notre arsenal pénal mais aussi les moyens et les procédures d’enquête ou encore de lutter contre la corruption », la Présidente a réaffirmé la nécessité prioritaire de viser ce que le Sénat appelle « le haut du spectre » du narcotrafic, c’est-à-dire ses circuits financiers, mais aussi les actifs des trafiquants.

Aussi s’est-elle réjouie que cette dimension ait une place importante dans le texte proposé avec de nouveaux leviers à disposition pour « frapper au portefeuille » : procédures de saisie, enquêtes patrimoniales, partage d’informations, etc.

Des moyens mieux territorialisés et une meilleure coordination

Lors de son audition, Johanna Rolland a réitéré la revendication, exprimée dans la tribune publiée en 2023, d’une meilleure territorialisation des moyens – notamment judiciaires – en fonction de la pression démographique et du nombre de délits constatés mais aussi la mise en place d’une « task force » rassemblée autour du préfet, du procureur de la République et du maire, dans le cadre d’un réel échange d’informations.

Au sujet de la coordination, et interrogée sur la consécration, dans le texte proposé, des cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross), la Présidente a appelé à « bien distinguer la nature des cadres d’échanges selon qu’elle est stratégique ou opérationnelle » et souligné que les besoins exprimés d’instances de partage d’informations avec l’État renvoyaient beaucoup aux différences d’appréciations selon les territoires sur le fonctionnement des outils existants, et en particulier des groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD).

La prévention, percutée par la menace budgétaire ?

Johanna Rolland a tenu également à ajouter que « la lutte contre le narcotrafic ne peut s’appréhender sans une approche ambitieuse de la prévention, qu’il s’agisse de la prévention de la délinquance ou de celle des conduites addictives » et que « cela plaide pour porter un continuum de sécurité qui ne se limite pas à la police et aux autorités judiciaires, comme on l’entend traditionnellement, mais qui intègre l’ensemble des politiques publiques impliquées, en particulier en matière de santé alors que les enjeux d’addiction et de santé mentale apparaissent plus que jamais comme une urgence. »

L’occasion pour la présidente de France urbaine de rappeler le contexte inédit d’incertitude budgétaire et d’attirer l’attention sur les conséquences néfastes que pourraient avoir « d’un côté, des tentations d’arbitrage de court terme, avec des gels voire des suppressions de crédits interministériels sur la prévention notamment, et de l’autre, des contraintes budgétaires pour les collectivités telles qu’elles seraient contraintes d’opérer des choix touchant au financement des structures associatives qui interviennent dans le champ de la prévention et de la médiation. »

Face à la menace, l’opportunité d’un consensus transpartisan

Enfin, faisant référence au plan annoncé le 8 novembre dernier à Marseille par le ministre de l’Intérieur et le garde des Sceaux, et au fait qu’il puisse constituer une première étape, Johanna Rolland a exprimé le vœu que la proposition de loi sénatoriale soit « l’opportunité d’un consensus partisan face à une menace fondamentale et dans un contexte politique difficile et incertain ».

L’examen du texte et de ses 24 articles pourrait débuter fin janvier 2025.

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