LOI ADOPTÉE SUR LES POLLUANTS ÉTERNELS : DES AVANCÉES SUR LE PARTAGE DES DONNÉES
Le 4 avril dernier a été adoptée en première lecture, à l’Assemblée nationale, la proposition de loi “ visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées” (PFAS) portée depuis plusieurs mois par Nicolas Thierry, député de Gironde.
C’est un sujet que la Commission Santé de France urbaine, et notamment son groupe de travail ”Santé environnementale”, avaient mis à l’agenda de leurs travaux dès l’été 2023. Les habitants demandent une information et une transparence, que ce soit sur les taux de contamination ou leurs impacts en matière de santé publique.
Dans ce contexte, France urbaine s’est mobilisée dans le débat pour renforcer le partage systématique des données entre État et collectivités : des propositions d’amendements pour certaines reprises par les parlementaires, et qui pourraient permettre un dialogue renforcé avec les Agences régionales de santé (ARS).
Focus sur les enjeux territoriaux de ce texte, qui fixe par ailleurs une trajectoire de réduction des émissions à 5 ans, prévoit de premières interdictions de mise sur le marché en 2016 et introduit le principe du “pollueur-payeur”.
Un contrôle renforcé de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine
Par l’observation, avec l’obligation pour le ministre de la Santé et de la Prévention de publier et actualiser chaque année la carte (et non plus la cartographie, qui présentait pourtant l’avantage d’une approche dynamique et en temps réel) “des sites ayant pu émettre ou émettant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans l’environnement“. Il s’agit donc, suivant la méthode déployée par le consortium de journalistes dont Le Monde était partie prenante, de cartographier la probabilité d’émissions encore aujourd’hui peu documentées par la donnée.
Par le règlement, avec la fixation par arrêté des actions de dépollution, mais aussi des seuils maximaux d’émission de PFAS, sur l’ensemble des sites émetteurs. À cela s’ajoute, dans un délai d’un an suivant la promulgation de la loi, la remise d’un rapport gouvernemental “proposant des normes sanitaires actualisées pour les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine“.
Par la publication de la liste des communes les plus exposées, sur la base de la carte et des seuils fixés. Elle sera rendue publique et donnera lieu à des recommandations des Agences régionales de santé sur les mesures de prévention à appliquer pour les habitants de ces communes. C’était l’esprit des amendements déposés par France urbaine, dont l’un avait été adopté le 27 mars en commission développement durable et aménagement du territoire.
Une trajectoire de réduction progressive des rejets industriels à 5 ans, précisée par décret
L’article 1er bis prévoit désormais une trajectoire nationale de ”réduction des rejets aqueux de PFAS“ par les industriels : il s’agit par ailleurs davantage d’une orientation que d’une interdiction, puisque le texte précise à ce stade que “la France se dote d’une trajectoire nationale […] de manière […] à tendre vers la fin de ces rejets dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation” de la loi. Une étape intermédiaire – qui visait en revanche ”à atteindre une réduction d’au moins 90 % du total de ces rejets dans un délai de deux ans” – a été supprimée.
L’introduction d’un principe de “pollueur-payeur”
L’article 2 du texte prévoit une redevance acquittée par l’exploitant de l’installation émettrice, à hauteur de 100 euros pour 100 grammes de PFAS émis. Sont pris en compte aussi bien les rejets dans le milieu naturel que les rejets dans un réseau de collecte.
Renforcer la transparence et l’information de la population : un enjeu majeur pour France urbaine qui s’est mobilisée dans le débat parlementaire pour renforcer l’accès des collectivités aux données
L’ouverture ou la co-construction de données en santé constitue une nécessité pour travailler à l’exposomique, dans une perspective de santé globale. Il faut aux collectivités un tableau de bord permettant de savoir les leviers dont on dispose (ou non), dans une logique comparatiste d’un territoire à l’autre. Il s’agit de permettre ensuite aux collectivités d’engager le dialogue avec les ARS et au sein des instances territoriales existantes, en fonction des résultats mis en évidence, via ce tableau de bord.
C’est pourquoi, dès juillet 2023, France urbaine s’est saisie du sujet des polluants éternels, qui constituent bien sûr un enjeu de santé publique, mais également de transparence démocratique au vu des difficultés à mesurer, de manière précise, l’extrême diversité de ces substances, et donc limiter leur impact sur les milieux naturels et la santé humaine.
- Nicolas Thierry, porteur du texte et député de Gironde, a été auditionné par la Commission Santé de France urbaine à l’automne 2023 ;
- Stéphane Horel est intervenue le 12 mars 2024 devant le bureau de France urbaine, autour de l’enjeu de l’accès aux données de contamination.
C’est donc par l’enjeu de la donnée – qui par ailleurs constitue une priorité portée pour les territoires urbains sur l’ensemble des sujets de santé environnementale, de prévention et d’accès aux soins – que France urbaine s’est investie dans le débat parlementaire et a permis de renforcer l’accès des collectivités et de leurs populations aux données existantes ou à construire.
Au-delà de l’élaboration d’une liste des communes les plus impactées, les ARS devront rendre “publics le programme d’analyses des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine ainsi que les résultats de ce programme sous la forme d’un bilan annuel régional. À partir de ces résultats, le ministère chargé de la santé publie chaque année un bilan national de la qualité de l’eau au robinet du consommateur en France au regard des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.”
L’adoption de ce texte à l’Assemblée nationale constitue donc un jalon important, à partir duquel France urbaine entend continuer à construire, en appelant notamment les sénateurs à l’inscrire à l’ordre du jour de la Chambre Haute.
France urbaine aura l’occasion de faire valoir cette position mesurée et pragmatique : l’importance des données en santé pour donner aux territoires les moyens d’œuvrer en faveur d’une santé globale.
L’Association continuera à plaider pour renforcer la capacité d’observation collective – plus globalement en matière de santé environnementale, de prévention, d’accès aux soins – auprès du Gouvernement, pour un dialogue nourri, constructif et exigeant au bénéfice des habitants.