Actualité Finances et fiscalité

L’INDISPENSABLE ACCÉLÉRATION DES INVESTISSEMENTS CLIMAT LOCAUX RÉAFFIRMÉE

I4CE et la Banque Postale viennent de publier leur Panorama des financements climat des collectivités locales, qui vient opportunément actualiser les estimations de l’effort d’investissement à réaliser par les collectivités pour respecter leurs objectifs de transition écologique, et préciser les différents scénarios de financement envisageables. 

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La bonne nouvelle, c’est que les collectivités investissent de plus en plus en faveur du climat : 8,3 milliards en 2022, et probablement une dizaine de milliards en 2023. L’amélioration est significative si l’on considère qu’on en était encore à un peu moins de 6 milliards en 2017, mais la marche à gravir est encore haute pour atteindre les 19 milliards annuels nécessaires sur les six prochaines années.  

Pourtant, si l’effort restant à accomplir demeure important, il n’a rien d’inatteignable et plusieurs leviers peuvent être mobilisés pour y parvenir : priorisation des investissements climat (« redirection »), augmentation des recettes propres (fiscalité, produits tarifaires), renforcement des concours financiers de l’État, et recours plus important à l’emprunt.  

L’un des grands mérites de l’étude est de montrer qu’indépendamment de la situation individuelle de chaque collectivité, ces quatre leviers devront, de façon macro, être mobilisés simultanément, aucun n’étant de nature à lui seul à permettre de mobiliser les 9 milliards d’euros supplémentaires nécessaires au respect des objectifs climatiques (comme cela avait déjà été souligné dans une précédente étude de novembre 2023).

De façon globale, nous ne sommes donc pas en situation de choisir les ingrédients, mais uniquement de leur proportion relative dans le « mix » final, un mix qui, quel que soit sa composition, induira nécessairement une augmentation de l’encours de dette des collectivités de 40 à 100 milliards d’euros en 2030. Ce n’est pas une « opinion » : c’est un constat mathématique, absolument (et malheureusement) implacable. Et si le chiffre peut paraître à lui seul important, il est à rapporter au poids de la dette des collectivités, qui ne pèse que 8,9% du PIB lorsque la dette publique en totalise 110,6%, sachant par ailleurs que cette « dette locale » est globalement stable depuis trente ans1.  

Or nous sommes aujourd’hui dans impasse : le gouvernement sortant envisageait une réduction de 60% en 2025 d’un fonds vert dont la pérennité promise n’aura duré que deux ans, et le dérapage du déficit du budget de l’État laisse augurer d’un nouveau tour de vis sur les concours financiers aux collectivités.

Des optimisations sont certes possibles çà et là, mais comme le rappelle très bien Damien Demailly dans sa tribune des Échos, « on peut concilier réduction des déficits publics et réduction du déficit d’investissement pour le climat… jusqu’à un certain point seulement. L’État peut et doit être plus efficient, mieux cibler ses dépenses, mais il ne peut réussir la transition s’il baisse les crédits qu’il lui alloue. » 

D’autant que cette réduction plus ou moins importante des concours financiers aux collectivités s’accompagne d’une injonction de diminution de leur encours de dette, ainsi qu’indiqué dans le programme de stabilité 2024-2027 que l’État a transmis à la Commission européenne, et dans lequel il prévoit de compenser son déficit par une augmentation des excédents de financement des collectivités parfaitement incompatible d’un accroissement de leurs investissements2. 

Sous cette double contrainte, l’équation de financement est insoluble, car les termes en sont incompatibles. Ne restent dans ces conditions que deux voies pour la résoudre, qui sont autant de non-dits.  

Le premier consiste à faire accroire que la « redirection », c’est-à-dire la priorisation des seuls investissements climat au détriment de tous les autres, pourrait tout résoudre. Cette hypothèse d’une fongibilité totale entre dépenses « neutres ou brunes » et « dépenses vertes », qui semble avoir cour dans certains bureaux de Bercy, ne résiste pourtant pas à l’analyse : qui peut sérieusement imaginer que l’on pourrait sacrifier les dépenses liées à la culture, à l’enseignement, à l’entretien de la voirie existante, ou à l’urgente rénovation des réseaux d’adduction d’eau, pour ne citer que quelques exemples ? 

D’autant que les 19 milliards évalués par I4CE et la Banque postale constituent un minimum qui ne tient pas compte des dépenses d’adaptation, ou celles nécessaires à la préservation de la biodiversité. 

Dernière option (ou conséquence de ce qui précède) : réviser à la baisse nos objectifs climatiques. Dans ce cas, l’État devra clairement assumer qu’il aura bien fait un choix entre dette financière et dette écologique. Ce n’est pourtant pas comme si nous avions le temps : chaque année de retard augmente les tonnes de gaz à effet de serre émises, dont la durée de vie est de plus d’une centaine d’année. Comme le déclarait Christophe Béchu en février 2023  « le climat est un usurier [et] tout ce qui n’est pas fait aujourd’hui coûtera plus cher demain ». 

 

Christophe Amoretti-hannequin
c.amoretti-hannequin@franceurbaine.org
Louise Cornillere
l.cornillere@franceurbaine.org
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