L’EAU, UN ENJEU À RÉINSCRIRE (VITE) À L’AGENDA POLITIQUE
Le 1er mars 2023, la commission “Transition écologique” de France urbaine a consacré sa réunion aux enjeux stratégiques de l’eau, en présence de sénateurs de la délégation à la prospective.
Le 1er mars 2023, lors de la commission “Transition écologique” de France urbaine, les élus des grandes villes, agglomérations et métropoles ont échangé avec trois sénateurs autour de leur rapport sur l’avenir de l’eau et ont ensuite fait le point sur la mobilisation de France urbaine autour de cette thématique à travers sa représentation au Comité national de l’eau et les travaux de son groupe de travail “Eau et Assainissement”.
Comment éviter la panne sèche : 8 questions sur l’avenir de l’eau en France
La première séquence de la réunion a été occupée par la présentation du rapport d’information de novembre 2022 « Comment éviter la panne sèche – Huit questions sur l’avenir de l’eau en France », fruit du travail de la Commission prospective du Sénat qui avait auditionné France urbaine en septembre 2022, mené par les sénatrices rapporteures Catherine Belrhiti et Cécile Cukierman, et les sénateurs rapporteurs Alain Richard et Jean Sol.
L’état des lieux qu’ils ont dressé sur la disponibilité de la ressource en France métropolitaine dresse le constat d’un manque de pluie en été, et celui de précipitations, sans être moins importantes annuellement, plus violentes et plus concentrées dans le temps, avec une baisse notable des débits des cours d’eau. Une vigilance sur les conflits d’usage a été soulevée.
Alors que les Assises de l’eau de 2019 ont fixé un cap avec un objectif de baisse des consommations de 10 % en 5 ans et de 25 % en 15 ans, la sobriété des usages apparaît comme une priorité incontournable qui n’est cependant pas suffisante. De plus, une vigilance a aussi été pointée sur la qualité de l’eau, dans un contexte où la France n’atteindra pas l’objectif de bon état chimique et de bon état écologique de l’ensemble des masses d’eau en 2027, comme l’impose la Directive cadre sur l’eau. Partant de ces observations et sans remise en cause du système institutionnel de l’eau que les rapporteurs estiment solide avec la planification à l’échelle des bassins jugée indispensable, les huit recommandations et de nombreuses pistes de réflexion du rapport ont été discutées avec les membres de France urbaine.
L’eau, un enjeu à réinscrire à l’agenda politique
La cinquième proposition des sénateurs qui fait le constat, partagé par plusieurs élus, de la tendance à envisager l’eau comme un sujet purement technique, a animé une partie du débat. L’importance politique du sujet, au sens de l’intérêt général, a été rappelé à plusieurs reprises. Pour Nicolas Mayer-Rossignol, Maire de Rouen, président de la Métropole Rouen Normandie et co-président de la commission “Transition écologique” de France urbaine, “l’enjeu est global, systémique, urgent, intense, et il impacte de nombreuses politiques publiques locales au cœur de la transition écologique”.
Les sénateurs et les élus de France urbaine se sont ainsi accordés sur la nécessité de rehausser le niveau de priorisation politique du sujet dans son traitement par les élus locaux, pouvant, par exemple, passer par une plus grande mobilisation au sein des instances de gouvernance, au niveau des bassins comme au niveau local. Les commissions locales de l’eau, en ce qu’elles permettent aux acteurs locaux de discuter ensemble et de concilier les points de vue malgré des intérêts parfois opposés, pourraient par exemple être mieux investies par les collectivités territoriales.
Végétaliser les milieux urbains à l’heure de la raréfaction de la ressource en eau
Les enjeux autour de la politique de végétalisation des espaces urbains dans laquelle l’eau est un élément clé, ont été abordés. Fortement plébiscitée par les citoyens, la renaturation répond à de nombreuses dimensions de la ville durable (adaptation, rafraîchissement, biodiversité, cadre de vie…) mais pose des nombreuses questions dans un contexte où la ressource en eau se raréfie et où la sobriété des usages est indispensable. L’idée d’ouvrir une réflexion prospective sur les politiques d’adaptation notamment via la végétalisation a notamment été émise. Par ailleurs, l’importance de l’aménagement des espaces urbains fortement artificialisés pour faciliter l’infiltration et permettre à l’eau de pluie de retourner dans les nappes phréatiques, réduisant ainsi l’engorgement des réseaux d’assainissement par temps de pluie, a fortement nourri les discussions. Développer de nouvelles formes d’aménagement pour une nouvelle circulation de l’eau permettrait ainsi, non seulement de diminuer les besoins en eau, mais œuvrerait également pour la biodiversité, la séquestration du carbone ou la résilience agricole.
De nombreux autres enjeux à approfondir
D’autres pistes de réflexion liées à la gestion de l’eau sur les territoires ont été abordées, comme celle d’améliorer fortement la réutilisation des eaux non conventionnelles dont les eaux usées traitées, de mieux anticiper la sécheresse en plaçant les comités de sécheresse, non plus dans la réaction, mais dans l’anticipation, de mieux stocker l’eau sans détruire les milieux, de repenser la tarification de l’eau pour inciter à réduire les consommations en s’assurant du caractère social de la démarche ou encore, de renforcer les connaissances quantitatives et qualitatives de la ressource.
Au-delà de ces questions, le rôle des collectivités est essentiel. Les collectivités peuvent être de véritables démonstrateurs territoriaux qui alimentent les réflexions pour les politiques nationales, par la recherche et l’innovation, en dialogue avec les acteurs locaux dont notamment les agriculteurs, et par des politiques décloisonnées qui permettent la convergence des financements et prônent des solutions basées sur la nature.
Nicolas Mayer-Rossignol a clôturé la réunion en insistant sur les mots planification, urbanisme, et adaptation, terminant son propos sur l’enjeu des financements, en particulier le mur financier et technique du renouvellement des systèmes d’assainissement, et sur la problématique de recrutement face à un manque d’attractivité constaté sur les métiers très techniques de l’assainissement.
France urbaine se mobilise au sein du Comité national de l’eau
Delphine Michel, Vice-présidente de la Métropole du Grand Nancy, et représentante de France urbaine au sein du Comité national de l’eau (CNE) depuis fin 2022, s’est exprimée lors de la deuxième séquence de la réunion, aux côtés d’Antoine Hoareau, Vice-président de Dijon Métropole délégué à l’eau, l’assainissement et la prospective territoriale qui représente aussi les grands territoires urbains au sein du CNE. Les deux élus ont fait le point sur la contribution de France urbaine dans le cadre du plan Eau de la planification écologique qui a été lancé en septembre 2022, avant de parler de la mobilisation forte de France urbaine sur le projet de réforme des redevances des agences de l’eau en cours. Ils ont notamment soulevé les réserves concernant le fond et la forme de ce projet, exprimés dans le communiqué de presse conjoint entre France urbaine et Intercommunalités de France.