FACE AUX FRAGILITÉS DE LA FILIÈRE BIO, DES TERRITOIRES URBAINS MOBILISÉS
Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio intervenait le 16 octobre dernier lors d’un webinaire auprès des territoires membres de France urbaine. Face à des constats préoccupants sur la filière bio, que peuvent les territoires fortement engagés dans la transition vers des systèmes alimentaires durables ?
Une filière aux externalités positives démontrées en faveur de la qualité de l’eau, de la résilience des territoires et de la qualité de l’emploi
France urbaine a mis en avant dans sa contribution au projet de loi orientation et avenir agricoles et dès sa déclaration de 2019 la volonté des territoires urbains de soutenir la transition vers des systèmes alimentaires durables. Dans ce cadre, une attention de plus en plus forte est portée à la dimension globale des modes de production et leurs effets notamment sur les sols, l’eau et la résilience du territoire. Un atelier dédié lors des journées nationales traduit cette préoccupation. Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio, rappelle que la filière biologique contribue à ces objectifs : en favorisant une meilleure qualité de l’eau et en soutenant activement la relocalisation des productions : 70 % des denrées bio sont constituées de productions françaises moins sensibles à l’inflation, du fait de l’absence d’engrais azotés importés. La qualité des emplois est également ressentie comme meilleure.
“Un marché, ça se crée !”, la nécessité d’un discours lisible pour favoriser les installations dans un contexte de renouvellement des exploitants
Près de 50 % des exploitants pourraient partir en retraite à horizon dix ans. La fragilité de la filière bio est hétérogène et a touché particulièrement les enseignes spécialisées, moins la vente directe. Toutefois le manque de lisibilité pour le consommateur et certains signaux récents constituent un frein à une installation déjà rendue plus difficile par des mécanismes de subventionnement insuffisamment favorables ainsi que le pointait récemment la Cour des Comptes. Laure Verdeau appelle à l’inversion de la logique : il ne s’agit pas de déplorer l’insuffisance du marché mais de garantir sa montée en puissance : “un marché ça se crée”, un raisonnement qui fait largement écho aux démarches mises en œuvre pas les territoires urbains dans leurs stratégies de relocalisation.
Subventions, restauration, stratégies alimentaires, différents leviers à mobiliser à différentes échelles avec à court terme un accent à porter sur la communication auprès du consommateur
Plusieurs millions de consommateurs sont en situation d’insécurité alimentaire pour raisons financières ce qui pose des questions spécifiques d’accès à une alimentation de qualité pour tous, comme le rappelaient les travaux du Conseil National de l’Alimentation auxquels France urbaine contribuait en 2022. Toutefois, une proportion non négligeable de la population est en mesure de faire des choix.
A court terme, la communication auprès du consommateur constitue donc un enjeu clé. La campagne bioreflex, dont se saisissent différentes régions et métropoles, vise une diffusion à toutes les échelles. L’éducation à l’alimentation constitue aussi un levier mobilisé dans la restauration collective publique. Dans ses plaidoyers, France urbaine met aussi l’accent sur le renforcement des projets alimentaires territoriaux et la réorientation des subventions à destination des modes de production les plus durables, action déjà menée par de nombreux territoires urbains incitant les producteurs à faire muter leurs pratiques et entrer dans des démarches de progrès via une ingénierie dédiée et une politique achat soutenante, à l’exemple du modèle Terres de source sur le territoire de Rennes.
Cet échange avec l’Agence bio s’inscrit dans une volonté de monter en puissance des territoires urbains sur la structuration des filières de production.
La commission stratégies alimentaires se réunissant au Havre le 30 novembre prochain sera ainsi intégralement consacrée à cette thématique.