RETOUR SUR LE DERNIER DÉPLACEMENT DES MEMBRES DE FRANCE URBAINE EN MARTINIQUE
Dans le cadre de la 2nd édition des Biennales de la sécurité et de la prévention de France urbaine, une dizaine de membres, accompagnés de plusieurs représentants ultramarins (Guadeloupe, Réunion ou encore Guyane) se sont déplacés en Martinique du 24 au 26 octobre dernier pour des travaux, visites et temps d’échanges, organisés par la Ville de Fort-de-France, ainsi qu’avec le soutien de l’Association des Communes et des Collectivités d’Outre-Mer (ACCDOM), présidée par Jean-Claude Maes, maire de Capesterre.
Ces rencontres avaient préalablement fait l’objet d’ateliers participatifs dans les quartiers foyalais, où les habitants avaient pu exprimer leurs préoccupations (certaine défiance envers les institutions pour répondre aux enjeux d’insécurité et de réinsertion, entretien et cadre de vie, conséquences du trafic et de la banalisation de l’usage des armes, violences intrafamiliales…).
En présence de tous les acteurs, partenaires du territoire (préfet du département, procureur général, directeur territorial de la police nationale, commandant de la gendarmerie, agence régionale de santé, associations, communes et agglomérations voisines, ainsi que leurs services…) et de France urbaine, plusieurs réunions se sont donc tenues, tant en présentiel qu’en distanciel et ce, malgré le décalage horaire pour la quarantaine d’élus et techniciens qui ont suivi les différents travaux depuis l’hexagone.
Des besoins structurels en matière de sécurité, de tranquillité publique et de prévention
Le premier temps fort de ces journées fut sans nul doute la réunion plénière de la commission « sécurité et prévention » de France urbaine, co-présidée par David Marti, maire du Creusot et président de la communauté urbaine du Creusot-Montceau et qui avait un ordre du jour dense en cette rentrée (sécurisation des établissements scolaires, émeutes urbaines, lien police-population…), laissant apparaitre également le besoin de mener un travail de fond avec l’État et les forces de sécurité.
La porte-parole de la police nationale qui était d’ailleurs partie prenante des échanges, est revenue sur la lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée. Ces phénomènes, véritables fléaux dans les Outre-Mer, provoque quotidiennement des violences graves. Didier Laguerre, maire de Fort-de-France, rappelait que « si vous ne voulez pas que la cocaïne se déverse dans les territoires d’hexagone, si vous ne voulez pas avoir à faire aux problématiques liés au crack comme cela est en train de se dérouler par exemple à Paris ou dans d’autres grandes villes, donnez-nous les moyens afin que la drogue n’arrive pas en Martinique et donc en hexagone !»
Plus tard dans la journée et à l’occasion de visites de quartiers, les acteurs de terrain ont présenté leurs expériences auprès des participants présents : insertion et remobilisation par la culture avec l’association Tanbou Bo Kannal, déconstruction du modèle bad boy/girl avec l’association M7 ou encore l’apport de la prévention de rue avec le bataillon de la prévention foyalaise…
Par ailleurs, une autre réunion de travail dédiée cette fois ci à la lutte contre les squats et le logement insalubre a permis de réunir élus et services foyalais, la sénatrice de la Martinique Catherine Conconne, Maître Lingibé, les membres spécialistes de l’urbanisme et du logement à France urbaine, ainsi que de l’ACCDOM.
Habitats dégradés et menaçant ruine, problématiques d’indivision, appropriation de biens et procédures complexes, intervention des forces de sécurité dans la fermeture de squats, rapport avec différentes communautés, les participants, qui partageaient leurs difficultés à gérer l’occupation illégale des logements vacants et les conséquences induites (risque de feu dans les appartements, dégradations et nuisances, deal et trafic, prostitution…), se sont accordés à dire que les maires souffraient d’une législation parfois longue et complexe.
Comment agir face à des personnes vulnérables en errance à travers le continuum des acteurs : prévention, santé, social, répression et justice ?
Le lendemain, lors d’une commission mixte co-présidée par David Marti entre les élus à la sécurité, la santé et aux solidarités des grandes villes et agglomérations, différents territoires tels que Paris, Nantes ou encore Montpellier, ont partagé leurs constats et leurs expériences, en matière de gestion des personnes vulnérables en errance sur la voie publique.
Jean-Paul Jeandon, président de la communauté d’agglomération de Cergy Pontoise et co-président de la commission sécurité de l’AMF, a rappelé que la crise sanitaire a empêché un accompagnement individualisé optimal et que plusieurs communes sont en proie à des problématiques médicales et sociales protéiformes et profondes, avec le constat d’une augmentation des psychopathologies, des addictions et des stress/fatigue.
Si la plupart des dispositifs de prévention sont articulées autour de l’accompagnement des publics jeunes, des personnes isolées et/ou susceptibles d’avoir des conduites à risques, il conviendrait, pour les rendre plus opérants, de tendre à une simplification des démarches administratives, un renforcement significatif des moyens (humains et financiers), notamment dans le secteur médico-social. Steeve Moreau, élu foyalais chargé de la sécurité et de la tranquillité publique, a d’ailleurs réagi face aux divers exemples de prise en charge possible et a présenté les difficultés réelles d’intervention à l’heure actuelle dans les Antilles françaises.
Peggy Charles, élue à la Ville de Fort-de-France déléguée à l’insertion et à la santé mental, a souligné l’importance du travail partenarial de la collectivité, tout comme le rôle de l’ACISE et du Samu Social, mais aussi les perspectives, avec la mise en place du Contrat Local de Santé Mentale, dans un contexte préoccupant de recrudescence d’individus en crise sur la voie publique.
À noter que le directeur adjoint de l’ARS a dévoilé une expérimentation en cours dans l’accompagnement des personnes vulnérables en errance, avec une nouvelle équipe pluridisciplinaire et des moyens dédiés, ce qui répond à une vraie attente des élus locaux. Par ailleurs, il a été collectivement pointé l’isolement des communes dans la prise en charge des errants et celles-ci ont souhaité interpeller l’État pour que celui-ci soit davantage mobilisé. Les élus locaux présents ont ainsi démontré, sur la base des différentes actions/données présentées par des représentantes de la Croix-Rouge Française qui participaient aux débats, qu’il existe des initiatives à essaimer, notamment avec des lieux d’hébergement adaptés.
Pour Julie Pluton, directrice de la Sécurité et de la prévention à Fort-de-France, « il s’agit d’une véritable charges de centralité qui sont assumées par de nombreuses grandes villes depuis plusieurs années ». En fin de réunion, différents échanges se sont tenus en lien avec la mise en œuvre de la stratégie interministérielle portée par la MILDECA. Il a été présenté l’expérience du RESPECT BUS, outil itinérant en appui de l’équipe de prévention de rue sur les problématiques de consommation de drogues et de rentrée dans le trafic pour les jeunes.
Anticiper et gérer les risques, ainsi que les crises majeures
Lors de la dernière journée des assises c’est la question de la gestion de crise, des risques majeurs et des grands évènements qui ont fait l’objet d’un atelier collectif avec une trentaine de participants d’horizons différents. Le Directeur Général des Services de la ville de Fort-de-France, Maurice Ferne, est revenu sur les expériences de gestion de crise par la ville, notamment les émeutes ou encore la gestion partenariale de grands évènements tels que l’emblématique carnaval.
La concertation territoriale et les tables rondes ont permis ensuite de faire émerger un certain nombre de propositions (participation citoyenne, utilisation des technologies dans la gestion des risques majeurs, maillage des acteurs, accès aux financements nationaux et européens…) qui seront présentées en 2024.
Constat est fait que les collectivités ultramarines s’efforcent de résorber au mieux les écarts et tentent de pallier les nombreux défis dont elles ont à faire face (chômage, insécurité, finances, ingénierie, mobilités, aménagement des espaces, offres de soins, environnement…).
France urbaine tient à remercier l’ensemble des participants, les structures d’accueil pour ces visites professionnelles de grande qualité, l’ACCDOM, ainsi que la Ville de Fort-de-France pour l’organisation de ces trois journées de travail et de découvertes particulièrement enrichissantes.
Rendez-vous le 15 décembre pour la prochaine étape !