Y A-T-IL ENCORE UNE PLACE POUR L’INDUSTRIE DANS LES VILLES ?
Au MIPIM, les élus des grandes villes, agglomérations et métropoles se sont réunis pour présenter leurs stratégies industrielles et les propositions de France urbaine.
Le 15 mars 2023, pour la deuxième année consécutive, les élus des grandes villes, agglomérations et métropoles françaises se sont réunis, sous la bannière de France urbaine, au marché international des professionnels de l’immobilier (MIPIM), sur le stand de la Métropole du Grand Lyon. Après un état des lieux des nouveaux paradigmes de l’attractivité en 2022, les élus urbains ont, cette année, échangé sur leurs propositions et leurs actions en faveur de la réindustrialisation verte du pays.
Une réindustrialisation sous conditions
En ouverture, Jean-Luc Moudenc, 1er vice-président de France urbaine, maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole, a rappelé quelques chiffres clés : 77% des emplois industriels sont concentrés dans les territoires urbains, et 48% dans les métropoles. La Cour des comptes, dans son récent rapport annuel consacré à la décentralisation, a souligné le rôle majeur que jouent les intercommunalités dans le développement économique : elles y consacrent 2,5 milliards d’euros, soit autant que les régions : « Foncier et immobilier, développement économique, gestion des mobilités (personnes et marchandises), énergie, eau et déchets.. : les EPCI ont tous les outils en main pour être au cœur de la réindustrialisation verte de la France, au plus près des entreprises. Mais cette réindustrialisation ne doit pas se faire à n’importe quel prix ; les territoires urbains sont pleinement engagés dans la construction d’un double équilibre : entre reconquête industrielle et transformation durable de l’appareil productif d’une part ; entre implantation des entreprises et respect des principes du ZAN d’autre part » indique la Cour des comptes.
La première vice-présidente en charge du développement économique et de l’achat public de la Métropole du Grand Lyon et co-présidente de la commission « Economie circulaire et ESS » de France urbaine, Emeline Baume, a, quant à elle, rappelé les principales propositions avancées par France urbaine dans le cadre des concertations engagées sur le projet de loi « réindustrialisation verte » : « Nous appelons à une fiscalité engageant les entreprises sur les territoires, après la suppression de la CVAE à laquelle France urbaine s’est opposée mais aussi plus de moyens dédiés aux différents outils permettant de mobiliser le foncier économique et de densifier les implantations industrielles » a-t-elle affirmé.
L’expansion de l’éco-incitativité des aides économiques, telle qu’expérimentée actuellement dans les territoires, la mobilisation des collectivités du bloc local dans leur capacité à travailler en proximité avec les demandeurs d’emploi pour les orienter vers les métiers de l’industrie sont également des propositions portées par France urbaine. « Nous ne ferons rien tout seuls ! La reconstitution des chaînes de valeur industrielles suppose une mobilisation de tous les acteurs et une coopération qui déborde de nos périmètres institutionnels » a conclu Emeline Baume.
Logistique, PLUi, maîtrise foncière : les EPCI peuvent mobiliser tous leurs outils
A Strasbourg, Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole, a présenté le dispositif d’amodiation appliqué sur le domaine portuaire. Ce dispositif permet de sélectionner les entreprises en fonction de leur pertinence économique et de leur capacité à valoriser des moyens de desserte massifiés pour leurs marchandises, par voie d’eau et voie ferrée. Pour Anne-Marie Jean, « la mise en place progressive des Zones à Faibles Emissions nous incite en effet à jumeler développement industriel et gestion décarbonée des transports de marchandises en ville. Nous devons pouvoir nous développer et respirer ! ».
Pour la Métropole Européenne de Lille, le rôle clef des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) comme outils de sanctuarisation de la place des activités en ville. « C’est aussi à la collectivité de s’engager pour garantir une véritable mixité fonctionnelle et pérenniser la présence de l’industrie dans les villes » a affirmé Mathieu Corbillon, conseiller en charge des parcs d’activités.
Du côté de la Métropole Aix-Marseille Provence, l’implantation provisoire d’activités artisanales et productives au cœur de l’opération Euromed2 a permis de démontrer qu’il existe une attractivité réelle et une pertinence à créer les conditions d’un développement industriel en ville. Présidente d’Euro-méditerranée, Laure-Agnès Caradec, a indiqué que cette opération éphémère allait se transformer en une implantation durable et amplifiée : ce sont près de 250 000 m² qui seront dédiés aux activités productives au cœur d’un projet urbain mixte.
De nouveaux modèles immobiliers ?
Le vice-président de la Métropole du Grand Paris, Geoffroy Boulard, a évoqué « l’effet levier » joué par le développement d’une nouvelle offre de transports collectifs. En proposant par appel à projets la mise sur le marché de terrains dédiés pour certains à l’activité productive, la collectivité joue un rôle actif dans la réimplantation d’activités en territoire urbain, y compris pour des espaces dédiés à la logistique urbaine. La nouvelle foncière de la Métropole accompagnera ces implantations en permettant d’accueillir des activités commerciales et artisanales en pieds d’immeubles.
« Nous devons sortir du flou sur le Zéro artificialisation nette ! » s’est exclamée Danielle Juban, Vice présidente de Dijon Métropole. « Les territoires urbains sont vertueux depuis plusieurs années dans la gestion sobre de leur foncier, ils ne doivent pas être pénalisés pour leur anticipation » a ajouté l’élue dijonnaise.
L’animation des parcs d’activités par les développeurs économiques locaux comme les efforts engagés sur la qualité de vie concourent à l’attractivité industrielle des territoires. Ludovic Bustos, vice-président de Grenoble Alpes Métropole, finalise actuellement une délibération cadre qui vise à faire de la maîtrise du foncier par la collectivité une « politique publique à part entière ». A Montpellier, pour faire face aux tensions foncières actuelles et en l’absence de friches industrielles, la Métropole, représentée par Maryse Faye, travaille aux nouvelles formes immobilières que peut prendre l’activité en secteur urbain : construction sur plusieurs niveaux, soutien public aux tiers-lieux productifs, engagement majeur sur les incubateurs en santé. Mais ces développements n’ont de sens qu’à une échelle inter-territoriale et suppose une mobilisation des intercommunalités voisines : une nouvelle déclinaison et preuve de la nécessaire alliance des territoires, portée par France urbaine.