VIOLENCES INTRAFAMILIALES : TROIS QUESTIONS À PERRINE GOULET, DEPUTÉE DE LA NIÈVRE ET PRÉSIDENTE DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES ENFANTS DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Il y a un mois, France urbaine organisait la Biennale de la Sécurité et de la Prévention. À cette occasion, Perrine Goulet, députée de la Nièvre et Présidente de la délégation aux droits des enfants à l’Assemblée nationale, est intervenue lors de la table ronde consacrée à la lutte contre les violences intrafamiliales. Place des collectivités, politiques du logement, rôle de la médecine scolaire : découvrez sa vision et ses propositions à travers cet article.

Quelle place des collectivités selon vous dans la détection, la prévention des violences intrafamiliales (VIF) et l’accompagnement des victimes de VIF ?
La protection de l’enfance et la détection des violences intra-familiales (VIF) doivent-être l’affaire de tous. Les collectivités, et principalement les élus et personnels des communes sont en lien direct avec les familles et les jeunes parents, ils sont indispensables à la détection et à la prévention des VIF.
La délégation aux droits des enfants que je préside a émis en novembre 2024 une centaine de recommandations concernant la protection des enfants. Je suis convaincue que chaque personne travaillant aux côtés des enfants doit-être formée et sensibilisée au repérage des VIF.
L’arrivée d’un enfant dans un couple est un changement et nous devons accompagner les parents dans ce bouleversement et ce dès les premiers rendez-vous prénataux.
Et quand on est face à des violences éducatives ordinaires, qui rappelons le sont interdites depuis 2019, je pense qu’il faut créer une obligation pour les parents de suivre un stage de parentalité.
Permettez-moi également de partager une bonne pratique que j’ai eu l’occasion découvrir lors d’un de mes déplacements dans une micro-crèche des Yvelines, l’établissement dédie un berceau pour les enfants victimes de VIF. Cette démarche consacre un berceau pour l’accueil occasionnel d’un jeune enfant dont un parent est victime de VIF et qui ne dispose pas de mode de garde. Le parent peut ainsi effectuer librement les démarches judiciaires, médicales et sociales nécessaires à la sortie de ces violences.
Comment imaginez vous l’articulation entre le traitement des VIF et les politiques de logement menées par l’Etat, les départements et les collectivités ?
La loi nous indique que c’est à l’agresseur de s’éloigner. Mais faut-il encore que cela soit faisable. L’accompagnement de l’auteur, y compris dans sa relocalisation, dans son suivi judiciaire ou psycho-social, peut contribuer à prévenir les récidives. Les politiques de logement doivent être pensée de manière globale, en tenant compte à la fois des victimes et des auteurs. Le logement est un levier essentiel pour garantir la sécurité et l’autonomie des victimes, je pense par exemple à la mise en place de l’aide universelle d’urgence et le pack de nouveau départ des victimes. Cette aide financière leur permet de quitter rapidement leur foyer, de se mettre à l’abri et de faire face aux dépenses immédiates. L’État, les départements et les collectivités doivent coordonner leurs actions pour proposer des solutions d’hébergement d’urgence immédiates, mais aussi des relogements durables, adaptés aux besoins des victimes. La création de l’ordonnance de protection des femmes vient mettre en lumière la question du logement avec toutes les difficultés que cela peut comporter. Sur ce point, la mobilisation du secteur associatif, des bailleurs sociaux ainsi que des services sociaux me semble indispensable. Les associations accompagnent les victimes et sont le lien nécessaire avec les différentes collectivités. J’ai déposé une proposition de loi évoquant notamment la création d’une ordonnance de protection provisoire pour les enfants. Un changement de paradigme s’impose : ce n’est plus à la victime de partir mais il s’agit d’éloigner l’agresseur. Ainsi le procureur pourra interdire à des personnes de paraître dans certains lieux déterminés et de rentrer en relation avec l’enfant. La question du logement de l’agresseur doit être prise en compte.
Pensez-vous que l’on peut améliorer la prise en charge en mobilisant mieux la médecine scolaire ? Si oui, quelle place accorder à cet outil aujourd’hui fragile et comment mieux le soutenir ?
Les médecins scolaires et les assistantes sociales sont une des premières lignes pour détecter les VIF et nous avons besoin d’eux. Accroître le personnel médical et infirmier à l’école est une nécessité. En moyenne un personnel infirmier a sous sa responsabilité 1600 élèves. Il faudrait, dans l’idéal, diviser ce nombre par deux par infirmier d’ici la rentrée 2027.
Nous devons travailler à cet accroissement et travailler ce sujet aussi bien avec l’Éducation nationale que la Santé et les collectivités.
Il faudrait également prévoir dans le questionnaire Esculape des médecins scolaires des questions liées aux violences intrafamiliales et sexuelles.
Enfin, afin de soutenir le travail de la médecine scolaire, il me semble important d’assurer la coordination du repérage et de la détection des violences avec le personnel de cantine, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) ainsi que les animateurs périscolaires en les formant aux violences sur les enfants et en mettant en place un partage avec la direction de l’établissement.
Enfin, il faut que l’enfant lui-même puisse savoir que ce qu’il subit est une violence. C’est tout le sens du programme d’Éducation à la Vie Affective et Relationnelle et à la Sexualité (EVARS). Nous devons les déployer pour qu’un enfant sache qu’il n’est, par exemple, pas normal de recevoir des baffes.