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VALORISATION ET TRANSFORMATION DES CAMPUS UNIVERSITAIRES : UNE NOUVELLE ÉTAPE

L’histoire des interactions entre les sites universitaires et les grandes villes connaît, avec les transformations exigées par les défis climatiques et démographiques, une nouvelle étape : gagnant en autonomie depuis une vingtaine d’années, les universités renforcent leur ancrage territorial au moment où les grandes intercommunalités urbaines consolident leurs compétences sur l’enseignement supérieur, l’innovation ou encore le développement économique.

Lernen draußen auf dem Schulhof

Les universités deviennent des acteurs socio-économiques à part entière, parties prenantes des écosystèmes d’innovation (souvent l’un des premiers employeurs du territoire, elles accueillent des étudiants qui peuvent représenter jusqu’à un quart de la population totale…), les grandes intercommunalités urbaines proposent et déploient des stratégies territoriales intégrées (déplacements, urbanisme, espaces publics…) et se dotent de stratégies d’enseignement supérieur et de vie étudiante.

Aujourd’hui, les exigences assumées du ZAN, la nécessité d’une plus grande diversité des usages (sport, culture, coworking, accueil d’entreprises…) ou la crise du logement invitent à repenser la place et l’aménagement des campus dans les villes.

Une journée d’échanges organisée le 6 février dernier au ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a permis de réunir universitaires, représentants des collectivités et opérateurs immobiliers.

Quelques points clefs à retenir des échanges et de la présentation de plusieurs projets récents de réaménagement de campus :

  • dirigeants d’universités et élus locaux apprennent à se connaître et à co-produire ensemble des liens de confiance et des projets : une empathie réciproque est nécessaire pour que chaque partenaire comprenne les logiques et outils de l’autre ; l’autonomie croissante de chacun fait de la coopération une obligation positive, il est indispensable d’intéresser les élus aux stratégies de développement et à la programmation immobilière des sites universitaires que développent actuellement les présidentes et présidents d’universités, comme il est nécessaire que les universitaires s’imprègnent des dynamiques et des contraintes de la gestion des villes,
  • le foncier est une ressource de plus en plus rare, dont la valorisation suppose un projet urbain partagé et une vigilance sur les modalités de “mise sur le marché” : le retour en force des baux emphytéotiques, dissociant la propriété du sol de celle du bâti, et à nouveau pratiqués par les collectivités, peut être une source d’inspiration pour la valorisation des campus ; pratiqués depuis les années 70 sur le campus de l’université de Louvain-la-Neuve en Belgique, ce dispositif garantit une maîtrise publique des usages et propose un modèle économique durable,
  • au-delà, les EPCI et leurs opérateurs (SEM/SPL, agences de développement, acteurs du logement…) ont développé, ces dernières décennies, une capacité d’ingénierie et un savoir-faire dans le montage et le financement de projets complexes qui peuvent et doivent profiter aux projets universitaires de “nouvelle génération”, comme le Hall 6 Ouest de Nantes, pôle universitaire interdisciplinaire des cultures numériques, la Cité de l’Innovation de la Sorbonne ou le Campus Innov de La Rochelle ; l’ouverture de l’université sur le monde socio-économique, via l’innovation, est l’un des leviers majeurs de ces nouvelles collaborations, et les EPCI jouent un rôle clef dans la mise en relation entre l’enseignement supérieur et les entreprises du territoire,
  • ces acquis partagés peuvent demain profiter à la mise en place des stratégies de rénovation énergétique des sites universitaires, renforcer les projets de réalisation de logements étudiants et poser les bases des premières Sociétés Universitaires Locales Immobilières (SULI) où universités et collectivités pourront capitalistiquement co-construire le réaménagement des campus ; l’exercice de la maîtrise d’ouvrage par les universités peut utilement s’appuyer sur l’expérience dans ce domaine des grands EPCI, le droit à l’expérimentation prend ici tout son sens,
  • la vie étudiante devient une politique publique locale à part entière et n’échappe pas à cette reconfiguration des relations villes / universités. Le tiers-lieux ESS Cargo, inauguré en 2022, implanté sur le campus rennais de Villejean, avec le soutien de Rennes Métropole, partie prenant d’un réseau de tiers-lieux universitaires, y compris à Saint-Brieuc, permet de renforcer les liens avec les habitants de quartier politique de la ville et de soutenir les initiatives en matière d’économie circulaire, d’accès à une alimentation durable et d’entrepreneuriat (pour les étudiants comme pour les habitants du quartier). La valorisation des campus peut donc avoir une forte dimension sociale et solidaire,
  • ces nouvelles pratiques ne sont pas réservées aux “grandes” métropoles et agglomérations : les dynamiques d’inter-territorialité amènent les grands EPCI urbains à travailler, comme les universités et certaines grandes écoles, à un déploiement d’antennes dans les villes et agglomérations de taille intermédiaire. Il s’agit autant de maîtriser la croissance des publics étudiants dans les grandes métropoles que de renforcer les interactions entre grands centres urbains et pôles riverains.

Réinventer le campus urbain et ses usages, construire de nouveaux modèles économiques et de nouveaux montages opérationnels : tels sont les enjeux de ces partenariats renforcés entre universités et territoires urbains.

Les prochains échanges du réseau ESR des associations d’élus locaux porteront sur l’expansion de l’enseignement supérieur privé en mars et sur les nouvelles politiques locales de vie étudiante en mai.

En résumé

  • Une nouvelle étape des relations entre universités et métropoles : elles renforcent leurs coopérations pour valoriser et transformer les campus universitaires, face aux défis climatiques, démographiques et économiques.
  • Des exemples de projets de réaménagement de campus : plusieurs projets récents illustrent la diversité des enjeux et des modalités de réaménagement des campus, qu’il s’agisse de créer des pôles d’innovation, de rénover le bâti, de diversifier les usages ou de renforcer la vie étudiante.
  • Des outils et des stratégies partagés entre universités et collectivités : elles s’appuient sur des dispositifs stratégiques, juridiques, financiers et opérationnels communs, tels que les baux emphytéotiques, les “feuilles de route” communes, ou, demain, les Sociétés Universitaires Locales Immobilières.
  • Des opportunités et des défis pour l’ancrage territorial des universités : la valorisation des campus peut avoir des effets positifs sur le développement économique, social et environnemental des territoires, mais elle suppose aussi de concilier les logiques et les intérêts des différents acteurs ; apprendre à se connaître et à se comprendre est essentiel.
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