Actualité Solidarités et cohésion sociale

UNE DÉCLINAISON ACCÉLÉRÉE DES COMITÉS LOCAUX ? ÉCHANGES AVEC LE DIRECTEUR GÉNERAL DE FRANCE TRAVAIL

Le 13 mars dernier, Intercommunalités de France et France urbaine ont organisé un webinaire réunissant plus de 230 participants, en présence de Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail, animé par Mathieu Klein, maire de Nancy, président du Grand Nancy, coprésident de la Commission Solidarités de France urbaine et Olivier Gacquerre, vice-président, chargé de l’emploi et des compétences d’Intercommunalités de France et président de la communauté d’agglomération Béthune-Bruay, Artois-Lys Romane. Une belle affluence qui témoigne de l’intérêt mais également des inquiétudes que suscite le projet.

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La loi pour le Plein emploi du 18 décembre 2023 prévoit un ensemble de mutations dans les politiques de l’emploi :

  • système d’information partagé,
  • généralisation de l’inscription des demandeurs d’emploi auprès de France Travail,
  • déploiement de nouveaux droits et obligations pour les bénéficiaires du RSA,
  • mutation de la gouvernance.

Le décret sur la gouvernance nationale doit préciser le fonctionnement du Comité national de l’emploi.
Le décret sur les comités locaux est également à paraître.
Pour une approche plus détaillée, cf. nos précédents articles ci-dessous.

Si l’objectif du plein emploi et d’un accompagnement de qualité est partagé en articulation étroite avec les enjeux d’aménagement et de cohésion sociale de chaque territoire, de nombreuses questions ont été soulevées lors des échanges qui traduisent les préoccupations du bloc communal.

Les délais et la co-construction : le choix de leur composition va s’opérer sur décision du préfet de département, ainsi que la définition des périmètres des comités locaux, après avis des présidents de région et de département. Alors que le calendrier annoncé à date évoque une déclinaison dès le 1er juillet 2024, de nombreuses interrogations sont émises sur les conditions d’association à ces découpages et le devenir des périmètres de projet déjà en place : quels effets du passage d’une intercommunalité à quatre au sein d’un nouveau périmètre ? Quel redécoupage des bassins d’intervention des agences France Travail ?
Les enjeux du bloc communal : la garantie d’être pleinement associé aux réflexions en cours avant que les périmètres soient arrêtés.

La gouvernance et l’articulation avec les instances existantes : comités techniques d’animation, comités de bassin, cités de l’emploi, les gouvernances existantes sont nombreuses, certaines particulièrement actives, d’autres plus atones. Par ailleurs, la représentation du bloc communal est un enjeu également au niveau départemental et au niveau régional en particulier les métropoles.
Les enjeux du bloc communal : rassembler et articuler, sans dévitaliser les coordinations qui fonctionnent, garantir la juste place du bloc local dans les instances à tous les niveaux.

Les moyens : la loi évoque des conférences des financeurs, les financements qu’elles seront amenées à coordonner sont à préciser. Un risque pourrait résider dans une forte centralisation et massification non négociée des financements au bénéfice d’un très faible nombre d’acteurs, ce qui, sous couvert d’efficacité et de simplification, pourrait avoir des effets inattendus sur le niveau de coopération et l’approche pluridisciplinaire. Par effet de structure, un acteur en situation de quasi monopole pourrait être mis en situation de définir seul l’offre de service.
Les enjeux du bloc communal : clarifier les financements, éviter une hypercentralisation non négociée pour garantir l’effectivité de la coopération, la diversité et l’adaptation de l’offre de services

La coopération : France Travail s’inscrit dans un environnement qui pourrait être marqué par la concurrence. Cette concurrence a pu s’observer dans la première phase de mise en place du contrat d’engagement des jeunes avec des enjeux de partage de file active ou encore des biais de sélection des publics, la prise en charge des publics les moins complexes étant susceptible d’améliorer certains indicateurs de performance (le taux d’accès à l’emploi durable) et de justifier une modification de l’allocation des moyens à destination de certaines structures au détriment des autres. La qualité du cadre partenarial, la pertinence des indicateurs de performance et des critères d’orientation jouent un rôle clé pour garantir un esprit de coopération.
Les enjeux du bloc communal : garantir l’effectivité de la coopération via des critères d’orientation garantissant l’équité de traitement entre acteurs et une répartition claire entre le rôle de décideur/commanditaire et celui d’opérateur.

Un enjeu de mobilisation locale : le suivi du projet s’opère en étroit partenariat entre Alliance Ville Emploi, France urbaine et Intercommunalités de France en vue de porter ces principes. Au vu des délais de constitution des comités locaux, chaque territoire est invité à saisir ses référents locaux (préfets, département, régions…) pour négocier les périmètres. Deux modèles de courrier ont été proposés respectivement par Intercommunalités de France et France urbaine.

Questionnements et verbatims des collectivités lors de l'échange

  • Délais, co-construction, négociation des découpages

“les services de l’État ont donc trois mois pour nous contacter et décider ?”

“pour l’instant les préfets ne contactent pas les missions locales pour les contours des bassins de vie et la gouvernance, est-ce normal ?”

“À quel moment connaitrons-nous le découpage en bassin de vie ?”

“En tant qu’EPCI, qui solliciter pour savoir où en sont les réflexions entre services de l’État et France Travail à ce sujet ?”

“Il serait intéressant que chaque agence France Travail sollicite le réseau de partenaires envisagés pour informer du niveau d’avancement des comités locaux sur chaque territoire”

“Nous avions déjà un comité local pour l’emploi à l’échelle de notre communauté de communes. La projet nous intègre dans un comité regroupant quatre EPCI, en zone de montagne avec des problématiques différentes et temps de trajet parfois très longs. Notre instance locale est-elle amenée à disparaitre ?”

  • Gouvernance et articulation avec les instances existantes

“Quelle articulation avec les instances déjà existantes en termes d’animation des politiques formation et emploi (Région/Pôle Emploi/Département/Maisons de l’Emploi/Mission Locale…)” ?

“Quelle articulation et déclinaison opérationnelle entre les différents comités locaux, départementaux, régionaux ?”

“En Région Centre Val de Loire, que deviennent les Comité de développement de l’emploi qui réunissent acteurs publics et privés sur les tensions de recrutement entreprises et accès à l’emploi des publics et qui fonctionnent bien ?”

“Est-il prévu de conforter le rôle des intercommunalités dans le pilotage et la gouvernance stratégique (outre le volet opérationnel), particulièrement avec la compétence développement économique ?”

“Quelle prise en compte et rôle des Missions Locales au sein des Comités locaux ?”

“Quid des Comités techniques d’animation ?”

“Quel avenir pour les Cités de l’Emploi ? Les services d’insertion par l’activité économique pourront-ils participer à ces comités locaux ?”

“Les zones d’intervention des Agences France Travail seront-elles amenées à évoluer dans la mesure où ces dernières ne correspondent pas au bassin de vie, ni même aux zones d’emploi définies par l’INSEE ?”

“Quelle place pour les Centres d’animation, de ressources et d’information sur la formation (Carif) et des Observatoires régionaux de l’emploi et de la formation (Oref) sur l’observation partagée des données emplois et compétences et dont les études peuvent différer des données de France Travail ?”

“Est-ce que les structures associatives d’aide aux chercheurs d’emploi seront associées aux comités locaux ?”

“Les représentants des entreprises peuvent-ils siéger ?”

“Quelle articulation avec les comités locaux d’expérimentation des territoires zéro chômeur longue durée ?”

“L’Outre-mer sera-t-il soumis aux mêmes modalités de mise en œuvre ?”

“Est-ce que des demandeurs d’emploi pourront être associés aux comités locaux ? Et comment proposer ou “choisir” des demandeurs d’emploi ?”

“Quelle articulation avec les autres politiques publiques et leurs instances de contractualisation et de gouvernance ? Politique de la ville, transition écologique, etc. ?”

  • Les moyens

“Quels moyens supplémentaires vont être apportés pour renforcer les coordinations locales ?”

“Des budgets de programme et de soutien aux expérimentations seront-ils délégués aux comités locaux ?”

  • La coopération

“Comment atténuer le phénomène concurrentiel souligné par le rapport de l’IGAS ?”

“Quelle articulation pour l’accompagnement des publics avec un algorithme qui décidera de l’opérateur en charge du suivi ? N’y a-t-il pas le risque d’une perte de temps et de captation de certains publics par France Travail au détriment des autres opérateurs ?”

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