Actualité Urbanisme et logement

UN PROJET DE LOI POUR DÉVELOPPER L’OFFRE DE LOGEMENTS ABORDABLES

Le 10 avril 2024, Guillaume Kasbarian, ministre délégué au Logement, a dévoilé devant des élus communaux et intercommunaux et des associations d’élus le calendrier et les grandes orientations des travaux législatifs qu’il compte mettre en œuvre. Afin de répondre à la demande du Premier ministre de susciter un “choc de l’offre” pour endiguer la crise actuelle du logement, le ministre priorise la formalisation d’un projet de loi pour développer l’offre de logements abordables – ou projet de loi pour le logement des classes moyennes.  

 

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Ce projet de loi, dont la première écriture est en cours de finalisation, devrait être présenté au Conseil d’État sous huitaine, puis au Conseil des ministres mi-mai pour enfin engager son parcours parlementaire, en commençant par le Sénat dès le 15 juin prochain. 

Concomitamment sera mis à la réflexion un projet de loi pour la décentralisation de la politique du logement en continuité des réflexions déjà engagées. Ce dernier sera construit jusqu’à l’automne 2024 pour une approbation prévisionnelle d’ici la fin de l’année 2024. 

Un projet de loi autour de 4 axes pour relancer et/ou simplifier la production de logements

En tout premier lieu, le ministre souhaite que des outils soient élaborés pour faciliter la production de logements. C’est notamment dans ce cadre qu’il est envisagé d’intégrer les volumes de production de logements intermédiaires aux objectifs de production de logements sociaux au titre de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU). Le ministre précise que seuls les flux de production de logements intermédiaires seront pris en compte mais que ces derniers ne seront évidemment pas comptabilisés comme des logements sociaux. Ils devront être, à tout le moins, considérer comme des éléments leviers pour solvabiliser des opérations mixtes intégrant les Logements locatifs sociaux (LLS) et les Logements locatifs intermédiaires (LLI) et porter une plus grande mixité sociale à l’échelle des opérations.

Par ailleurs, la proposition de loi de Sophie Primas préconisant un droit de véto et une priorité des maires pour les premières attributions de LLS neufs en Commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (CALEOL) sera reprise. Enfin, une expérimentation en préemption foncière visant à juguler les phénomènes spéculatifs sera mise en œuvre. 

Le second axe consistera à mettre en œuvre une simplification des procédures en vue de l’accélération des projets et de leur mise en production : raccourcissement des délais de recours contre les autorisations d’urbanisme, densification douce des zones pavillonnaires, assouplissement des processus de modification des règles de lotissement pour densification, création d’un permis d’aménager multisites.  

Le troisième axe vise à libérer l’investissement des bailleurs, à savoir leur redonner des marges de manœuvre financière pour mieux financer la production de logements sociaux : assouplissement des règles et quotas de productions de logements libres et intermédiaires, développement des surfaces commerciales, déploiement de services aux habitants, co-promotion avec les acteurs de la promotion immobilière. Surtout, aucun retour n’étant envisagé sur le dispositif de Réduction de loyer de solidarité (RLS), ce sera aux bailleurs de réviser les loyers du parc existant à la relocation, dans le respect des plafonds réglementaire, le constat étant fait que près de 50 % des loyers pratiqués sont inférieurs aux plafonds réglementaires. Ce sont donc les bailleurs qui devront mettre en œuvre une politique de loyers proactives et génératrices de ressources nouvelles. 

Enfin, le projet de loi vise à faciliter l’accession à la propriété. Un examen patrimonial périodique de la situation des locataires sera notamment effectué par les bailleurs sociaux pour inciter à une mobilité résidentielle plus active, par exemple avec des surloyers réévalués. Les baux mobilité au sein du parc seront encouragés et l’accession à la propriété des logements intermédiaires dès 5 ans d’occupation. La vente du patrimoine HLM sera accélérée en supprimant l’autorisation préfectorale au profit de la seule autorisation du maire et en encourageant la gestion de la future copropriété par le bailleur social après la vente. 

Le ministre insiste donc sur les principes fondateurs de cette future loi : simplification, main aux élus locaux dans la gestion de la production de logement, intégration des projets de loi en cours (meublés touristiques, transformation des bureaux en logement, traitement des copropriétés dégradées) et poursuite du processus de décentralisation de la politique du logement. 

France urbaine appelle à la vigilance

Honoré Puil, vice-président délégué à l’habitat et au logement à Rennes Métropole représentait France urbaine lors de la réunion du 10 avril dernier. 

Il s’est d’abord étonné de l’absence de mention du Programme local de l’habitat (PLH) dans le projet de loi, alors même que ce dernier constitue le pivot des politiques locales du logement, dont la dimension intercommunale ne fait plus débat. Aussi, la communalisation des décisions en matière de logement ne peut qu’inquiéter à l’heure où l’effort de production doit s’asseoir sur des objectifs clairs et qui font consensus entre maires d’une même intercommunalité. 

Surtout, le projet de loi doit strictement anticiper la mise en œuvre d’un mouvement de décentralisation/différenciation territoriale avec des Autorités organisatrices de l’habitat (AOH) formées sur la base du volontariat et de l’implication dans les politiques locales du logement, organisant des parcours résidentiels cohérents (hébergement, LLS, LLI, accession sociale, accession) et assurant la définition des périmètres de zonage, la gestion des crédits MaPrimeRénov’ et l’encadrement des loyers. 

Ces préalables posés, il convient d’interroger les premiers principes exposés et ce dans la continuité et en cohérence avec les autres associations d’élus. 

L’intégration en flux de la production de LLI reste floue à ce stade et nécessitera une analyse précise du dispositif proposé (le texte dans sa version initiale sera proposé aux associations après retour du Conseil d’État). Au demeurant, eu égard aux retours des territoires sur ces produits, pourquoi ne pas privilégier des offres valorisant des logements intermédiaires véritablement abordables que sont le Prêt locatif social (PLS) pour le locatif et le Bail réel solidaire (BRS) pour l’accession, notamment depuis l’assouplissement des plafonds. C’est bien là que ce place potentiellement une part substantielle de la demande des classes moyennes.

Quant au financement des LLS – en lien avec la décentralisation de la politique du logement – la sanctuarisation de moyens dédiés à la production et à la rénovation de LLS doit indispensablement être portée. La majoration des loyers et la pratique renforcée des surloyers risquent de relever de simples effets d’annonce… Les loyers déplafonnés sont souvent rendus nécessaires par les revenus des locataires. Ce ne sont pas des choix mais des impératifs pour loger dans des conditions décentes des locataires aux revenus modestes, fussent-ils en situation d’emploi. Quant aux surloyés, l’exemple d’Archipel habitat à Rennes Métropole est parlant : sur un parc de 17 000 logements, 125 sont soumis à un surloyer… L’effet levier est donc faible, voire inexistant, alors même que Rennes compte parmi les territoires les plus dynamiques de France. Sans doute une vision moins court termiste s’appuyant sur l’expérience du loyer unique permettrait-elle une meilleure équité entre parcs neufs et anciens ?

Si les mesures de simplification ne peuvent être que saluées, leur capacité à porter un mouvement haussier de la production interroge. Car la problématique ne peut se poser qu’en termes d’une offre qui serait insuffisante pour détendre un marché en crise. Fondamentalement, ce sont aussi les leviers de la demande et de sa solvabilisation qui doivent être interrogés et activés. 

Ce ne sont là que les premières remarques de France urbaine dont Honoré Puil a rappelé la volonté de participer activement aux débats, dans un souci de dialogue et de prise en compte des besoins des territoires. 

En résumé

  • Le calendrier et les orientations du projet de loi pour le logement des classes moyennes : le ministre délégué au logement, Guillaume Kasbarian, a annoncé le 10 avril dernier, préparer un projet de loi pour développer l’offre de logements abordables, qui devrait être présenté au Conseil d’État fin avril, au Conseil des ministres mi-mai et au Sénat mi-juin.
  • Les 4 axes d’action du projet de loi : le projet de loi vise à faciliter la production de logements, à simplifier les procédures, à libérer l’investissement des bailleurs et à favoriser l’accession à la propriété. Il prévoit notamment d’intégrer les logements intermédiaires aux objectifs de la loi SRU, de raccourcir les délais de recours, de développer les services aux habitants et de vendre le patrimoine HLM.
  • La réaction de France urbaine : l’Association, représentée par Honoré Puil, vice-président délégué à l’habitat et au logement à Rennes Métropole, a exprimé ses réserves sur le projet de loi. Honoré Puil a notamment regretté l’absence de mention du PLH, la communalisation des décisions en matière de logement, le flou sur l’intégration des logements intermédiaires et le risque de fragiliser les locataires aux revenus modestes. France urbaine plaide pour une décentralisation de la politique du logement avec des AOH volontaires et impliquées.
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