TROIS QUESTIONS À THIERRY MALLET, PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DU GROUPE TRANSDEV
Thierry Mallet est Président-directeur général du groupe Transdev, leader des transports publics en France et à l’international. Il est également président de l’Union des Transports Publics et Ferroviaires (UTPF), qui fédère 170 acteurs du transport public en France (opérateurs de bus, tramway, métro, ferroviaire et mobilités partagées).
Transdev collabore étroitement et depuis de nombreuses années avec France urbaine pour relever les défis sociétaux, environnementaux et économiques liés à la mobilité du quotidien, afin de renforcer la cohésion territoriale et répondre aux besoins des zones périurbaines et rurales.
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Quelles sont les grandes actualités pour Transdev, quels enjeux à la suite de la conférence Ambition France Transports ?
« Transdev salue la dynamique engagée par la conférence Ambition France Transports, qui a permis de poser les bases d’un financement durable et d’une stratégie de développement des mobilités à l’horizon 2040. Les conclusions donnent le cap : améliorer l’efficience de la dépense publique, renforcer l’attractivité du mode ferroviaire et mieux intégrer les mobilités dans les politiques d’aménagement du territoire.
Pour Transdev, cela signifie contribuer à un véritable choc d’offre en périphérie, notamment via les SERM, afin de réduire la dépendance à la voiture individuelle et favoriser l’accès à l’emploi. Nous travaillons aussi à des solutions de financement innovantes, en lien avec les autorités organisatrices, pour garantir la soutenabilité des projets.
En parallèle, nous concrétisons ces ambitions sur le terrain. En juin dernier, nous avons commencé l’exploitation de la première ligne ferroviaire régionale ouverte à la concurrence, Marseille–Toulon–Nice, qui illustre des bénéfices significatifs : doublement de l’offre, amélioration de la ponctualité, hausse de la satisfaction des usagers et de la fréquentation. Nous développons également des lignes de cars express pour relier avec de la fréquence les métropoles à leurs couronnes périurbaines, comme celles entre Pont-Audemer et Le Havre ou Rouen, celles entre Créon et la Métropole de Bordeaux, ou encore la liaison Troyes–Châlons-en-Champagne–Reims ».
2. Transdev a lancé Geonexio, pourquoi était-ce important pour vous d’investir dans cet outil ?
« Dans un contexte de fractures territoriales persistantes, le choc d’offre en matière de transport apparaît comme un levier stratégique pour mieux relier les territoires. Il s’agit de renforcer l’offre là où elle est insuffisante, et notamment entre les zones périurbaines et les pôles urbains, en s’appuyant sur une approche centrée sur les besoins réels des territoires (transport à la demande, cars express, TER…). Dans un cadre budgétaire contraint, cette ambition suppose de mobiliser les bons modes au bon endroit, et au bon moment.
C’est précisément la vocation de Geonexio, en utilisant notamment les données téléphoniques anonymisées d’Orange : pour objectiver les choix ; identifier les zones à fort potentiel de report modal et orienter les investissements vers les solutions les plus pertinentes. Il s’agit de privilégier une vision globale et pluridisciplinaire (géographie, économie, sociologie, psychologie, urbanisme) pour analyser les usages réels et comprendre les freins au changement.
Grâce à des diagnostics territoriaux précis, basés sur des données fines et agrégées (données numériques et statistiques, études de terrain, indicateurs innovants comme l’« habitant.année »), nous pouvons quantifier les flux, comprendre les pratiques et proposer des offres adaptées aux besoins.
Notre ambition est de renforcer les liens entre les territoires par un choc d’offre de transport : faire de la mobilité un outil de justice sociale et de cohésion territoriale, mais également un levier de transition écologique ».

3. Quels besoins de mobilité les données mettent-elles le plus nettement en lumière et comment ces données changent-elles votre façon de concevoir l’offre ? Quelles implications pour les projets de SERM sur les territoires ?
« Nos travaux sur les données mobiles mettent en exergue un besoin primordial de construction d’alternatives à la voiture individuelle, notamment pour les trajets entre zones périurbaines et centres urbains. Elles soulignent également l’importance de créer des connexions efficaces vers les pôles multimodaux. Ce constat confirme que la mobilité est un enjeu de cohésion sociale autant qu’un défi écologique : 1 français sur 4 a déjà refusé une offre d’emploi ou de formation par manque de solution pour s’y rendre ; la voiture représente 18 % des émissions nationales, dont la moitié provient des déplacements entre les zones périurbaines et les pôles urbains, ainsi que des trajets entre différentes aires urbaines.
Ces analyses révèlent souvent l’ampleur du fossé entre la demande et l’offre de transport public. Dans les liens entre les zones périurbaines et les pôles périurbains, la demande est en moyenne 5 fois supérieure à l’offre, avec des agglomérations où ce ratio monte à 15. Concrètement, les analyses nous donnent à voir parfois près de 150 000 entrées quotidiennes sur une aire urbaine, pour 15 000 places disponibles dans les trains régionaux qui la desservent. Ce constat nous offre la possibilité de revoir notre manière de concevoir l’offre alternative à la voiture en mettant le bon mode au bon endroit, au bon moment.
Cela permet ainsi d’ajuster les fréquences et d’organiser les interconnexions en fonction des flux réellement observés : localisation des parcs relais, dimensionnement des infrastructures et déploiement des différents modes (train régional, cars express, transport à la demande, covoiturage, vélo). L’objectif est clair : proposer des services adaptés aux usages tout en optimisant les coûts publics. C’est un levier central pour la réussite des SERM ».