TROIS QUESTIONS À FRÉDÉRIQUE BONNARD-LE FLOC’H, COPRÉSIDENTE DE LA COMMISSION ALLIANCE DES TERRITOIRES DE FRANCE URBAINE.
Alors que les collectivités locales font face à un mur d’investissement pour répondre à l’urgence climatique et sociale, Frédérique Bonnard-Le Floc’h, coprésidente de la commission « Alliance des territoires » de France urbaine, plaide pour une contractualisation renouvelée entre l’État et les territoires, fondée sur la responsabilité partagée, la prévisibilité des ressources et la solidarité interterritoriale.

France urbaine : L’urgence climatique et sociale se heurte à un mur d’investissement et à un contexte d’extrêmes contraintes budgétaires. La contractualisation Etat-collectivités a-t-elle encore un avenir dans ce contexte ?
Frédérique Bonnard-Le Floc’h : Oui, plus que jamais. Nous avons pu défendre au Sénat, lors d’un colloque organisé par Bernard Delcros, Sénateur du Cantal, Président de la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat, et Philippe Laurent, Maire de Sceaux et Président de l’AFCCRE notre philosophie historique : « du projet partagé au contrat qui engage ».
Ce ne sont pas que des mots, c’est une éthique de la responsabilité, de l’efficacité et de la maturité. Nous sommes face à un mur d’investissement. I4CE l’a démontré : les collectivités doivent investir 11 milliards d’euros supplémentaires (c’est important !) d’euros par an d’ici 2030 pour tenir la trajectoire des Accords de Paris.
Grandes villes, agglomérations et métropoles : nous nous sentons une responsabilité particulière : près de 60 % de la population française, 70 % des emplois, plus de 80 % du PIB national1. Mais aussi deux tiers des émissions de gaz à effet de serre et des personnes en situation de précarité. Mais notre responsabilité, c’est donc de faire ensemble : Etat, région, département, intercommunalités, Europe. C’est un mandat impératif parc que la raréfaction des moyens, des ressources et du temps utile nous y pousse.
Alors quels sont les principes fondateurs et concrets de cette philosophie ?
Ils sont simples et connus de longue date. Il n’y a qu’à relire la Charte interministérielle de la contractualisation élaborée en 2019, à laquelle France urbaine avait très largement contribué.
Pluriannualité des engagements : nos programmations pluriannuelles d’investissement structurantes s’accommodent très mal de soutiens au coup par coup, par appels à projets : il faut passer de l’effet d’opportunité à l’effet-levier. Nous avons engrangé de premières avancées avec un début de pluriannualisation des dotations d’investissement (circulaire de mai 2024) mais il faut aller beaucoup plus loin !
Prévisibilité des ressources : nous devons savoir avec certitude ce que l’Etat mettra sur la table pour soutenir nos efforts. C’est le principe initial du Fonds territorial climat que nous portons très fortement. Il a connu une première concrétisation en février 2025 mais il doit encore gagner en automaticité :ceux qui font doivent savoir avec certitude à quelle hauteur ils seront soutenus !
Soutien à l’autofinancement : la sécurisation de nos capacités d’autofinancement est devenue une priorité absolue, l’Etat ne pense son soutien aux territoires que sous l’angle de l’investissement. Sans capacité d’autofinancement, toutes les dotations d’investissement du monde n’auront aucun effet sur nos territoires…
Enfin, l’articulation avec l’Europe ! L’avenir de la politique de cohésion, qui est aussi un lien démocratique fort et concret avec l’Europe, se pense aujourd’hui et la voix des villes doit être entendue : nous assumons de dire que parce que c’est nous, grandes villes, agglomérations et métropoles, qui mettrons en œuvre, « pour de vrai », les politiques publiques permettant d’atteindre les objectifs que s’est fixée l’Union européenne, alors nous devons avoir voix au chapitre pour déterminer de quelle manière les crédits seront le mieux employés sur nos territoires, avec quels outils, autour de quelles priorités thématiques…
Vous êtes coprésidente de la commission « Alliance des territoires » de France urbaine, aux côtés de Louis Nègre, président délégué de la métropole Nice Côte d’Azur. Comment encourager une solidarité concrète entre territoires très différents, afin que chacun puisse contribuer à la transition sans être laissé de côté ?
Pour France urbaine, contractualisation et Alliance des territoires vont de pair. Tout simplement parce que plus aucun enjeu de politique publique, plus aucune demande sociale ne peut réellement se traiter dans des frontières administratives closes et hermétiques. Tensions sur les ressources, conflits d’usages (quand la ressource se raréfie, soit on la partage soit on crée des tensions), acceptabilité sociale de la transition : pour réussir, et nous n’avons pas trop le choix, il faut faire ensemble. Cela suppose un discours d’appui et de reconnaissance à l’apport de l’intercommunalité pour nos services publics et nos concitoyens : nous avons eu l’occasion de le rappeler au Sénat dans le cadre de la mission d’information sur les 10 ans de la loi NOTRe et de la loi MAPTAM. Cela suppose aussi un soutien permanent à ce qui relie et rassemble. Nous déployons une myriade de coopérations avec nos territoires voisins, parce que nous avons besoin les uns des autres. Ils doivent être reconnus et soutenus dans leur diversité. Cela suppose enfin d’en finir avec des méthodes qui fragmentent : le temps court, la multiplication d’appels à projets qui mettent en concurrence là où il faut mettre en convergence l’ensemble des énergies et des moyens. Les principes que nous appliquons à la contractualisation, ce sont aussi des principes qui s’appliquent à l’interterritorialité.
Tout ce qui permet de faire ensemble, à l’heure où par ailleurs le Sénat travaille sur les 10 ans des lois NOTRe et MAPTAM et que nous avons eu la chance d’être auditionnés pour rappeler notre attachement à une construction intercommunale porteuse de solidarité et , est ce qui permet de faire mieux.