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TIERS FINANCEMENT DES CONTRATS DE PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE : QUELS APPORTS POUR LES COLLECTIVITÉS ?

Le texte porté par Thomas Cazenave, qui vise à ouvrir ce type de financement aux établissements publics et aux collectivités territoriales, a été adopté.

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Les députés ont adopté à l’unanimité, le 19 janvier 2023, le texte porté par le député de la Gironde Thomas Cazenave, qui vise à ouvrir ce type de financement aux établissements publics et aux collectivités territoriales, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans.

Ce mécanisme consiste, pour rappel, à faire financer la rénovation énergétique de bâtiments publics par un tiers, qui réalise les travaux, et à lisser son remboursement dans le temps. Un amendement porté par le rapporteur sécurise l’intervention des syndicats d’énergies et des EPCI dans la réalisation des études et des travaux de rénovation et leur assure de pouvoir conduire eux-mêmes des missions de tiers financement.

L’amélioration de la performance énergétique des bâtiments publics est un chantier prioritaire de la stratégie nationale bas carbone. Alors que les prix de l’énergie sont amenés à rester à des niveaux sensiblement supérieurs à ce qu’ils étaient avant la crise, c’est aussi un enjeu budgétaire majeur pour les collectivités, dont les bâtiments représentent souvent le premier poste des consommations énergétiques, soit 76% dans le cas des communes.

Rénovation : la question du financement ralentit les chantiers

Le lancement massif des chantiers de rénovation se heurte toutefois à la question de leur financement. Conscients de ce « mur d’investissements », les députés du groupe « Renaissance » ont déposé une proposition de loi visant à accélérer les mises en chantier en autorisant à titre expérimental pour une durée de cinq ans, leur préfinancement (tiers financement) par les entreprises mandatées pour réaliser les travaux dans le cadre de contrats de performance énergétique (CPE), qui ont la particularité d’engager leurs titulaires sur des performances énergétiques chiffrées et mesurables. L’idée est de renvoyer le remboursement des prêts mobilisés pour ces opérations au moment où les économies d’énergie seront constatées, permettant ainsi d’en lisser la charge. Ce texte avait pour information été adopté dans le projet de loi de finances de 2022, mais retoqué par le Conseil constitutionnel pour cause de cavalier législatif.

Pour mémoire, le tiers financement (ou paiement différé) est interdit dans les marchés publics, car contraire au monopole bancaire. Il est toutefois possible d’y recourir dans le cadre de contrats de partenariats, mais le recours à ces montages est strictement encadré par la loi : il faut non seulement que l’opération dépasse un certain seuil (à savoir, 2 millions d’euros dans le cas de rénovation énergétique), mais également démontrer que le contrat de partenariat présente un bilan plus favorable, notamment sur le plan financier, que celui des autres modes de réalisation du projetLes contrats de partenariat ont également pour conséquence de déléguer la maîtrise d’ouvrage au titulaire.

Le contrat de performance énergétique « tiers financé » introduit par la proposition de loi est donc un objet hybride, à mi-chemin entre un marché « classique » et un contrat de partenariat, avec le paiement différé. Il resterait par ailleurs assujetti aux mêmes conditions de recours que les marchés de partenariat.

Ce projet ne répond pas à la question principale, qui est celle du financement de la stratégie nationale bas-carbone, et nécessite, selon les estimations documentées par I4CE, un doublement des investissements des collectivités en faveur du climat (12 milliards, contre 5,5 milliards actuellement, sans compter les dépenses d’adaptation, ou celles nécessaires à la préservation de la biodiversité) : l’effort est au mieux lissé, mais la charge demeure identique.

Par ailleurs, si ce texte ouvre une nouvelle voie de contractualisation avec les opérateurs privés, il ne dit rien des portages public-public où des structures de mutualisation de type syndicat d’énergie ou EPCI conduisent pour le compte de leurs membres des opérations de rénovation énergétiques à l’échelle intercommunale ou départementale, notamment dans le cadre du programme ACTEE. Ce type de portage, qui permet de massifier et de coordiner les opérations à l’échelle d’un territoire, est certes autorisé par le CGCT, mais dans un cadre juridique imprécis. Lors de son audition par le rapporteur Thomas Cazenave, député de la Gironde, France urbaine a, de concert avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), fait la proposition de compléter la proposition de loi sur ce point, en permettant expressément à ces structures de mutualisation publiques de se voir transférer la maîtrise d’ouvrage des opérations, et leur tiers financement. Cette proposition a été reprise par amendement du rapporteur. France urbaine a par ailleurs demandé à ce que les associations d’élus soient associées au bilan de l’expérimentation, que l’article 2 engage le gouvernement à établir dans un délai de trois ans. 

L’examen en séance a débuté le 19 janvier 2023. France urbaine sera auditionnée au Sénat par la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val-d’Oise, le 2 février prochain.

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