Systèmes alimentaires durables et commande publique : des inquiétudes sur l'aboutissement d'une nouvelle réglementation européenne

Le projet de règlement européen sur les systèmes alimentaires durables de l’Union européenne prévu dans le cadre de la stratégie “De la ferme à la table”, n’apparaît pas dans le programme de travail de la Commission européenne pour 2024. Ce règlement devait intégrer des éléments sur la commande publique et le cas échéant sur l’information et la traçabilité. Les conditions et le tempo de sa mise à l’agenda restent peu clairs, ce qui représente un motif d’inquiétude pour nos territoires en attente de décision permettant de soutenir une commande publique responsable et durable “nouvelle génération” en matière d’alimentation. Un travail se poursuit entre plusieurs organisations pour affiner une proposition technique en ce sens.
Des attentes fortes de France urbaine vis-à-vis du projet de règlement en cours d'élaboration
Aux côtés d'autres réseaux français, parmi lesquels l'Association des maires de France, Un Plus bio, Agores mais également belges (Manger Demain), France urbaine souhaite faire de ce règlement le support d'une commande publique nouvelle génération et permettre ainsi de porter un regard nouveau sur les directives européennes sur les marchés publics. L'absence du projet de règlement dans le programme de travail de la Commission européenne pour 2024 constitue un signal préoccupant quant à la suite donnée à une démarche innovante et ambitieuse qui mettait l'accent sur l'alimentation comme enjeu de santé globale (“one health”).
Une mutation du cadre de la commande publique - à rebours des idées reçues, un cadre juridique insuffisant facilitant
Les travaux se poursuivent au niveau technique pour penser un cadre renouvelé et facilitant pour l'achat public. Classiquement, trois arguments sont opposés pour nier l'utilité d'une évolution du cadre réglementaire :
- celui le plus classiquement invoqué est que les outils existants offrent suffisamment de souplesse et de marges de manœuvre, et qu’il suffirait simplement de choisir les bons critères et les bonnes spécifications (droit de visite des exploitations, saisonnalités, produits bruts) ou d'allotir les marchés pour atteindre l’objectif recherché ;
- en complément à cette agilité contractuelle, il conviendrait en deuxième lieu de soutenir l'accès des producteurs à la commande publique en facilitant leur structuration aussi bien sur la logistique que sur la réponse aux appels d'offre, le cas échéant via la mise en place de plateformes ;
- dernier argument, le critère local ne serait pas pertinent au fond, et serait formellement exclu au nom du principe de libre accès à la commande publique.
Une exception pas si exceptionnelle : de l'exception alimentaire et agricole à un cadre doctrinal renouvelé - Repenser la notion de lien direct avec l'objet du marché
Une commande publique réencastrée dans le territoire, avec quel modèle émergent ?
- la nécessité d’un règlement au niveau européen définissant quelques prescriptions, constituant un socle pour orienter l'achat public dans le sens de pratiques renforçant la souveraineté alimentaire et la sécurité d'approvisionnement de l'Union européenne, ainsi que son rôle comme garante de la solidarité entre territoires, mettant l'accent sur les enjeux de relocalisation et de diversification à l'échelle européenne, nationale et infranationale ;
- des stratégies territoriales orientant l'acte d'achat, fondées sur un diagnostic des leviers à activer pour garantir sa contribution à une démarche de résilience plus globale (quelles productions, quel soutien à la relocalisation, dans quelles proportions, à quelle échelle ?...) ;
- une gouvernance partenariale ;
- la faculté pour le pouvoir adjudicateur de choisir librement la procédure d’achat pour 50 % de son volume d’achat annuel, dès lors que cet achat s'inscrit dans la stratégie alimentaire territoriale.
La priorité reste à ce stade de préciser ces orientations et travaux au niveau technique, mais également de soutenir politiquement l'enjeu d'une remise à l'agenda du texte dans le programme de travail de l’actuelle Commission européenne avant son renouvellement à la suite des élections européennes de juin 2024.