Actualité Fonction publique territoriale

STATUT DE L’ÉLU LOCAL : UN RENDEZ-VOUS LÉGISLATIF TRÈS ATTENDU

La proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, adoptée par les sénateurs le 7 mars 2024 et qui sera le véhicule d’une réforme dont le Gouvernement envisageait un temps de faire un projet de loi, devrait être discutée à l’Assemblée nationale au mois de juillet, dans le cadre de la session extraordinaire. Pour France urbaine, cet examen doit être l’occasion de confirmer les acquis obtenus au cours des débats au Sénat et de donner – enfin – à la prévention de la prise illégale d’intérêts un cadre juridique cohérent, proportionné et adapté.

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Une première lecture fructueuse au Sénat

 Aboutissement de travaux menés dans le cadre de missions d’informations, la proposition de loi déposée au Sénat le 18 janvier 2024 par Françoise Gatel, alors sénatrice et présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (DCTD) du Sénat, a été adoptée à l’unanimité le 7 mars 2024.

Saluée par France urbaine, l’adoption de ce texte aura permis d’entériner des avancées portées par voie d’amendements telles que :

  • l’alignement attendu de longue date des droits des élus d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille sur ceux des élus municipaux;
  • à la suite de l’intervention de Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers, dans le débat public sur le vide juridique lié à la situation des élues en congé maternité ayant renoncé à leur activité professionnelle pour se consacrer à leur fonction élective et qui perdent leur indemnité pendant cette période, l’introduction d’une indemnité différentielle permettant, le temps du congé maternité, de maintenir le revenu en compensant l’écart entre les indemnités journalières et l’indemnité d’élue perçue antérieurement.

Johanna Rolland, présidente de France urbaine, en avait alors appelé à «  tirer les conséquences d’un vide juridique, en introduisant un dispositif inspiré des droits des salariés » au nom « de la diversité des profils de celles et ceux qui exercent les fonctions électives ».

Une fois le texte adopté, elle s’était félicitée « d’une véritable avancée pour l’exercice des responsabilités des femmes […] mais aussi pour les hommes amenés à devenir pères », le congé de paternité et le congé d’adoption ayant été ajoutés à la proposition initiale de France urbaine.

Seul bémol au sujet de la discussion du texte au Sénat : l’amendement proposé par France urbaine consistant à corriger l’anomalie de la loi « 3DS » privant les bureaux communautaires et métropolitains du régime permettant aux commissions permanentes des conseils régionaux et départementaux de se réunir en visio-conférence, a manqué de peu d’être adopté, du fait des réserves des rapporteurs. L’examen par l’Assemblée sera toutefois l’occasion de réitérer cet amendement, que le Gouvernement devrait soutenir dans la mesure où il a annoncé cette mesure dans le cadre du « Roquelaure de la simplification » lancé le 28 avril dernier.

Un examen à l’Assemblée nationale en juillet

Alors que la perspective d’un examen du texte par les députés en mai, après une longue période d’incertitude marquée par la possibilité que Gouvernement porte lui-même un projet de loi, la proposition de loi devrait être débattue en juillet au cours de la session extraordinaire que le Gouvernement devrait convoquer, dans le contexte d’un agenda parlementaire extrêmement chargé.

Ce report a suscité une interpellation du Gouvernement par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (DCTD) de l’Assemblée nationale et par l’ensemble des associations d’élus, dont France urbaine.

Aussi, dans un courrier du 12 mai adressé au Premier ministre, elles affirment leur soutien à « l’adoption de mesures facilitant l’engagement des citoyens dans la vie publique locale et ce, dans les plus brefs délais ».

Rappelant le caractère consensuel du texte, elles voient dans l’examen à venir « l’opportunité, d’une part, de confirmer les acquis du texte sénatorial et, d’autre part, d’enrichir la proposition de loi en capitalisant à la fois sur les propositions [des] associations [d’élus] et les travaux menés par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale ».

De fait, les députés ont eu l’occasion de mener des travaux analogues à ceux du Sénat et une proposition de loi a été déposée le 6 février 2024, en parallèle des initiatives sénatoriales, par les députés Violette Spillebout (Renaissance – Nord) et Sébastien Jumel (PCF – Seine-Maritime), puis redéposée après la dissolution par les députés Violette Spillebout (Renaissance – Nord) et Stéphane Delautrette (PS – Haute-Vienne).

Aussi, nul doute que les travaux en commission seront l’opportunité pour les députés auteurs de ce texte de compléter le texte sénatorial de dispositions complémentaires issus de leur propre proposition.

Conflits d’intérêts : enfin vers un épilogue ?

 Dans le cadre d’un travail de coordination avec les autres associations d’élus – l’AMF, l’AMRF, l’APVF Départements de France, Intercommunalités de France, Régions de France et Villes de France – France urbaine voit aussi dans les discussions à l’Assemblée l’opportunité, de concert avec le Gouvernement, de solder enfin les travaux sur l’adaptation du cadre juridique de la prévention de la prise illégale d’intérêts.

Ces trois dernières années auront en effet apporté la démonstration des limites des dispositions encadrant le déport des élus, à telle enseigne que la complexité de ce cadre et ses implications matérielles parfois ubuesques en séance de l’organe délibérant ont pu nuire à l’appropriation des enjeux de prévention des atteintes à la probité, à rebours des intentions du législateur, et même à la transparence du débat démocratique.

Cependant, ni la rédaction actuelle de l’article 18 de la proposition de loi sénatoriale, qui exclut les intérêts « publics » de la définition pénale de la prise illégale d’intérêts, ni les préconisations du rapport Sécuriser l’action des autorités publiques dans le respect de la légalité et des principes du droit dit « rapport Vigouroux » n’apparaissent de nature à solder les difficultés.

En effet, ces rédactions, bien que s’appuyant sur des constats convergents avec ceux des associations d’élus, prennent le risque de ne traiter qu’une partie du sujet ou d’ajouter des considérations qui pourraient complexifier davantage encore la détermination de la conduite à tenir.

Le principal écueil – et le plus déterminant – du cadre juridique en vigueur tient au fait qu’il traite indistinctement un élu agissant pour son intérêt personnel et un élu agissant en tant que mandataire, dûment désigné ès qualités par l’organe délibérant, au sein d’une structure.

Ce seul principe – pour le moins discutable – est à l’origine d’une suspicion et d’une confusion auxquelles il convient de mettre fin pour concentrer la loi sur la répression des intérêts réellement distincts de l’intérêt public.

Si le texte sénatorial qui sera débattu par les députés a le mérité de modifier le droit pénal, c’est une modification coordonnée du cadre législatif agissant à la fois sur la répression pénale (article 432-12 du code pénal) et la légalité administrative (article L. 1111-6 du CGCT) qu’il convient de viser, en bonne intelligence avec le Gouvernement.

Aussi, France urbaine porte depuis trois ans la conviction que c’est en excluant, de façon claire, toute situation de conflit d’intérêts lorsque le décideur public siège en tant que mandataire au sein de l’organe décisionnel d’une autre personne morale, quelle qu’elle soit, et en maintenant une obligation de déport lorsque l’élu reçoit une rémunération au titre de cette représentation ou encore lorsqu’un acte de commande publique est en jeu (du fait de l’impossibilité matérielle de garantir une procédure transparente et respectueuse de l’égalité de traitement) que nous serons réellement au rendez-vous d’une action publique sécurisée, sans rien renier des principes de notre droit.

 

 

Bastien Taloc
Conseiller Fonction publique territoriale et institutions b.taloc@franceurbaine.org
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