STATUT DE L’ÉLU LOCAL : FRANCE URBAINE SE MOBILISE DANS LE DÉBAT PUBLIC ET PARLEMENTAIRE
Le statut de l’élu local, qui fait l’objet de débats et propositions depuis de nombreuses années, connaît une actualité parlementaire particulièrement riche avec le dépôt par l’Assemblée nationale et le Sénat de deux propositions de loi en ce début d’année. Si le Gouvernement avait un temps annoncé un projet de loi, il est désormais acquis que l’une de ces propositions constituera le véhicule de la réforme annoncée. Dans ce contexte, France urbaine entend bien faire valoir ses positions aussi bien dans le débat public que parlementaire.
Deux propositions de loi
Annoncées depuis plusieurs mois comme l’aboutissement de travaux menés dans le cadre de missions d’informations lancées à la fois au Sénat et à l’Assemblée nationale, deux propositions de loi transpartisanes sur le statut de l’élu local ont été déposées : l’une par le Sénat le 18 janvier dernier et mise en ligne le 9 février ; l’autre par l’Assemblée nationale le 6 février.
Si le texte déposé à l’Assemblée nationale demeure dans l’attente de la nomination d’un rapporteur, le Sénat a désigné Françoise Gatel (UC, Ille-et-Vilaine), par ailleurs présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jacqueline Eustache-Brinio (LR, Val-d’Oise) et Éric Kerrouche (PS, Landes) rapporteurs du texte.
L’examen du texte en séance publique commencera au Sénat le 5 mars tandis qu’aucune date officielle n’est encore indiquée du côté de l’Assemblée nationale.
D’après nos informations, alors qu’il avait pu été laissé entendre que le texte de l’Assemblée aurait les faveurs du Gouvernement, Gérard Larcher, président du Sénat, devrait logiquement saisir prochainement officiellement le Gouvernement pour que le texte du Sénat soit le véhicule de la réforme du statut de l’élu local.
Des avancées réelles mais qui doivent être consolidées
France urbaine a été auditionnée le 15 février dernier au Sénat par les rapporteurs et a pu souligner les apports du texte déposé s’agissant aussi bien de l’amélioration des conditions d’exercice du mandat (prise en charge des frais, formation, etc.), de la conciliation avec la vie professionnelle et personnelle et de la sécurisation de la fin de mandat (certification des compétences, validation des acquis de l’expérience, droit au chômage, accompagnement du retour vers l’emploi, etc.).
Cependant, ces avancées appellent des consolidations. Tel est le cas en particulier des dispositions envisagées en matière de conflits d’intérêts et de prise illégale d’intérêt, dossier sur lequel France urbaine est engagée dans un travail avec le Gouvernement depuis juillet 2022 et dont le débouché concret se fait attendre. La rédaction figurant à l’article 18 du texte sénatorial risque en effet, en l’état, d’apporter une protection insuffisante aux élus en matière de conflits “public-public” et de laisser sans réponse une part significative des situations, notamment celles impliquant des organismes de droit privé telles que les associations loi 1901.
Autre sujet majeur qui appelle une évolution du texte et dont la réalité a été rappelée par Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers : la situation des élues ayant interrompu leur activité professionnelle qui se trouvent en congé maternité et connaissent une perte substantielle de ressources car elles ne bénéficient alors que des indemnités journalières de la Sécurité sociale et perdent leur indemnité de fonction. Or, en l’état, il demeure un vide juridique que le texte ne comble pas.
France urbaine s’est saisie de ce sujet dans le débat public. Sa présidente, Johanna Rolland, a déploré le fait que “la loi n’a pas été pensée pour l’exercice des responsabilités par les femmes » et que « les règles sont globalement héritées d’une époque où la majeure partie des maires étaient des hommes où bien souvent ils cumulaient des fonctions de maire et de député”. Soulignant que la situation pointée par la maire de Poitiers constitue “un frein à l’engagement politique » et rappelant que « seulement 20% des maires sont des femmes”, Johanna Rolland a annoncé que France urbaine déposerait des amendements au texte du Sénat pour le compléter sur ce point.
Conflits d’intérêts, congé maternité, visio-conférence, etc. : les amendements de France urbaine
Dans le cadre de l’examen du texte par la commission des Lois du Sénat, France urbaine a d’emblée proposé une série d’amendements portant sur les points suivants :
- le versement d’une indemnité de fonction “différentielle” permettant un maintien de ressources en cas de congé maternité ou paternité pour les élus ayant interrompu leur activité professionnelle et ne poursuivant pas l’exercice de leurs fonctions le temps du congé. Ce dispositif s’inspire du “maintien de salaire” dont bénéficient les salariés du secteur privé ;
- la facilitation de la continuité de fonctionnement démocratique des collectivités en augmentant substantiellement le crédit d’heures des élus assurant la suppléance du maire ou du président;
- la consolidation de la rédaction des dispositions proposées par le Sénat en matière de conflits d’intérêts en traitant l’ensemble des bases juridiques qui fondent le cadre en vigueur de la prévention de la prise illégale d’intérêts mais aussi la questions des structures associatives;
- l’alignement des droits des élus d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille sur ceux des élus municipaux, alors qu’il subsiste d’importants écarts qui sont injustifiés ;
- la possibilité de tenue en visio-conférence des bureaux communautaires et métropolitains. En effet, alors que la loi 3DS avait introduit cette possibilité de droit commun pour les commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux, les bureaux communautaires en sont restés à l’écart.
À ce stade de l’examen, un amendement des rapporteurs adopté satisfait la demande de France urbaine de permettre aux élus assurant la suppléance du maire ou président de disposer de s’absenter de leur travail puisqu’il introduit une décharge totale, s’imposant à l’employeur et directement inscrite dans le code du travail.
Dans la perspective de l’examen en séance publique, qui débutera la semaine prochaine, France urbaine entend, au-delà de ses propositions d’amendement, mobiliser le Gouvernement. En effet, le soutien de ce dernier et même le fait qu’il porte l’initiative d’amendements seront plus que jamais indispensables pour faire évoluer le cadre juridique du statut de l’élu à la hauteur des enjeux d’attractivité des fonctions électives et de diversification du profil de celles et ceux qui s’engagent localement.
En résumé
- Le contexte parlementaire sur le statut de l’élu local : deux propositions de loi transpartisanes ont été déposées au Sénat et à l’Assemblée nationale pour faire évoluer le statut de l’élu local, qui fait l’objet de débats depuis de nombreuses années.
- Les apports et les limites du texte sénatorial : France urbaine a salué les avancées du texte sénatorial en matière de conditions d’exercice du mandat, de conciliation avec la vie professionnelle et personnelle et de sécurisation de la fin de mandat, mais a aussi pointé des insuffisances sur les questions de conflits d’intérêts, de prise illégale d’intérêts et de congé maternité.
- Les propositions d’amendement de France urbaine : l’Association a proposé des amendements au texte du Sénat pour introduire une indemnité de fonction différentielle en cas de congé maternité ou paternité, faciliter la suppléance du maire ou du président, consolider la rédaction sur les conflits d’intérêts, aligner les droits des élus d’arrondissement et permettre la tenue en visio-conférence des bureaux communautaires et métropolitains.
- Un indispensable soutien du Gouvernement : l’Association entend faire valoir ses positions dans le débat public et parlementaire, en déposant des amendements au texte du Sénat, mais aussi en sollicitant le soutien du Gouvernement qui parait indispensable.