RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES : LE RAPPORT OPPORTUN DE LA COUR DES COMPTES
France urbaine y trouve de nombreuses analyses et recommandations utiles sur lesquelles s’appuyer afin d’inviter le gouvernement à aller enfin de l’avant.
Alors que la procrastination quant à l’engagement de la révision des valeurs locatives fragilise l’impôt local et que le renforcement de la collaboration entre les services fiscaux et les collectivités est un impératif, la publication du rapport de la Cour des Comptes sur les taxes foncières s’avère particulièrement opportune. France urbaine y trouve de nombreuses analyses et recommandations utiles sur lesquelles s’appuyer afin d’inviter le gouvernement à aller enfin de l’avant.
Fonder les impôts fonciers sur la réalité des loyers : une urgence, des attendus
« Le nouveau report de 2 ans dans l’actualisation des bases d’imposition des logements fragilise les fondements des taxes foncières et nuit à l’équité de traitement des contribuables » : l’analyse de la Cour rejoint explicitement les termes du communiqué de presse de France urbaine qui, à l’automne dernier, s’était élevée contre la décision étatique de report lors de l’examen du projet de loi de finances.
Dans leurs recommandations, les magistrats de la rue Cambon sont également explicites quant au partage d’information que les collectivités sont en droit d’attendre de l’administration fiscale pour éclairer la révision : « Dans la perspective de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (…) apporter aux décideurs locaux les outils d’analyse et de simulation permettant d’apprécier l’impact de cette réforme sur les produits attendus de taxe foncière » (recommandation n°2).
Sachant, comme le rapport le rappelle, que « la Direction générale des Finances publiques, comme les collectivités territoriales, partagent l’objectif de parvenir à une révision des valeurs locatives au plus près du marché », les deux années à venir doivent être mises à profit pour évaluer les conséquences de l’intégration des valeurs locatives révisées des locaux professionnels dans les rôles fiscaux. Aussi, la Cour recommande de « produire en 2024 un bilan de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels intégrant les effets attendus de l’actualisation sexennale de 2025 et précisant ses conséquences sur les ressources des collectivités locales et les impacts sur les différentes catégories de contribuables ».
Pour France urbaine, qui avait proposé, lors du dernier Projet de loi de finances, des amendements visant à faciliter l’intégration future des bases issues de l’actualisation sexennale des locaux professionnels en cherchant à résorber l’écart grandissant provoqué par des actualisations annuelles trop contraintes, la question est de documenter le décrochage de l’évolution de la tarification entre 2018 et 2022 au regard de la réalité du marché locatif professionnel. Si « à nombre de locaux inchangé, le rendement des locaux professionnels s’établit à 6,1 Md€ en 2021 contre 6,4 Md€ en 2016 », c’est notamment du fait de la mise en œuvre de « filtres annuels », qui, en excluant les hausse importantes associées au renouvellement des baux, ont certes facilité l’acceptation de la révision par les contribuables mais aux dépens, d’une part, des ressources des collectivités et, d’autre part, de la cohérence entre les bases utilisées et ce dont elles sont censées représenter.
Collaboration entre l’administration fiscale et les collectivités : passer à la vitesse supérieure
La gestion des taxes foncières implique des relations fluides entre les services fiscaux et les collectivités. Or : « Les récentes évolutions ou à venir de la fiscalité locale ou la révision des valeurs locatives cadastrales ont perturbé la capacité des exécutifs locaux à disposer d’une projection claire des recettes issues des taxes foncières ».
Certes, le rapport rappelle que « Des travaux ont été lancés pour développer des outils de valorisation des données détenues par la DGFIP et mieux accompagner les collectivités locales » et que « La montée en puissance des conseillers aux décideurs locaux au sein des services fiscaux déconcentrés ainsi que la mise en place d’une plateforme d’échanges pourraient contribuer à atteindre cet objectif », mais la Cour considère qu’un nouveau paradigme dans le partage d’information s’impose : les données fiscales dont l’administration dispose sont en effet essentielles à la décision locale.
En choisissant d’en faire leur recommandation n°1, les auteurs du rapport ont pleinement saisi la nécessité de passer à la vitesse supérieure : « Fournir aux décideurs locaux des informations statistiques précises sur la nature des contribuables assujettis aux taxes foncières dans leur commune (particuliers, entreprises, taille de l’entreprise le cas échéant…) ». Pour y parvenir, il y a des obstacles qui peuvent être levés à partir du moment où la volonté politique est affirmée. Il y a également des difficultés de nature plus opérationnelles qui ne doivent pas être ignorées, et le rapport en apporte des illustrations concrètes en ce qui concerne notamment les systèmes d’information.
A cet égard, France urbaine a su montrer que les collectivités devaient également être considérées par leur capacité d’initiative : « Pour des raisons de ressources budgétaires et humaines limitées de la DGFiP, l’interface d’échanges de renseignements développée entre administration fiscale et collectivités locales l’a été à l’initiative de ces dernières. Depuis mars 2021, sa maîtrise d’ouvrage est assurée par France Urbaine puisque nombre de ses adhérents ont émis le souhait d’améliorer rapidement la qualité des bases d’imposition ».
Verbatim et chiffres clés
- L’enjeu de bases fiscales modernisées ne portent pas uniquement sur les 35,3 milliards d’euros que représentent les taxes sur foncier bâti et non bâti mais également sur les 8,3 milliards d’euros de taxes dites « annexes » que sont les taxes spéciales d’équipement, la taxe GEMAPI, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères…
- Dans la dynamique du produit des taxes foncières, les évolutions des taux ne pèsent qu’à hauteur de 20%. L’essentiel est constitué par les constructions neuves et les revalorisations de bases.
- La France est le pays dans lequel l’imposition foncière repose le plus largement sur les ménages : 72% contre, par exemple 40% en Allemagne et 61% au Royaume-Unis, pays où la répartition de la charge fiscale est mieux équilibrée entre les ménages et les entreprises
- Le foncier bâti et le foncier non bâti sont classés par l’INSEE parmi les impôts de production alors que 65,5% est acquitté par les ménages. « Dans le débat sur l’allègement des impôts de production et les comparaisons internationales en la matière, cette convention conduit à majorer le poids des impôts de production pesant sur la compétitivité des entreprises » (sic).
- 11 abattements, 67 exonérations, 13 dégrèvements … un nombre significatif d’abattements et d’exonérations ne font l’objet d’aucun chiffrage. En outre, certaines compensations ne sont pas intégrales. « La compensation des pertes de recettes correspondantes au profit des collectivités n’obéit que partiellement au principe du décideur-payeur ce qui constitue un sujet de friction dans le dialogue État-collectivités ».
- L’effet « détéritorialisant » du coefficient correcteur, mis en place du fait de la suppression de la taxe d’habitation, a conduit à ce que 9% du produit du foncier bâti 2021 prélevées sur le territoire d’une collectivité la quitte.