Actualité Solidarités et cohésion sociale

RETOUR SUR LE SÉMINAIRE PRÉVENTION DES DISCRIMINATIONS ET CHOIX D’ORIENTATION

Le groupe de travail “Lutte contre les discriminations” de France urbaine, coanimé par Agathe Fort (Villeurbanne) et Siham Labich (Saint-Étienne Métropole) se donne pour objectif de mesurer, observer les discriminations et construire des politiques publiques adaptées. Prenant en compte ces objectifs, un séminaire, coorganisé par France urbaine, Intercommunalités de France et le réseau RECI, se penchait sur les processus d’orientation comme enjeu clé pour prévenir les discriminations.

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“Faire advenir l’égalité réelle” : le droit comme boussole, l’observation et l’accompagnement des pratiques comme leviers

Agathe Fort, adjointe à la Ville de Villeurbanne pour la ville inclusive, la lutte contre les discriminations et la santé, rappelait en introduction que la lutte contre les discriminations est, avant tout, un enjeu de respect de la loi : une loi française riche et précise, dont il s’agit de tirer profit, en assurant sa pleine appropriation par l’ensemble des acteurs et institutions susceptibles de produire ces discriminations.

La majeure partie des discriminations en effet ne relève pas d’une démarche volontaire mais d’une méconnaissance du droit et d’une internalisation de préjugés à destination de telle ou telle catégorie de la population. La déconstruction de ces préjugés et l’application du droit nécessitent un processus long, un portage politique fort et une place prépondérante accordée à la formation.

Dans un tel cadre, une intervention précoce dans le cadre des processus d’orientation constitue un enjeu clé. Le regard porté sur ces processus peut être aujourd’hui complexifié avec la multiplication d’outils numériques et d’algorithmes. Ces derniers posent des questions de recours pour les personnes les moins outillées mais également de conception de l’outil et d’effet des données d’entrée, le lycée d’origine notamment. De telles préoccupations ont été rappelées par Sarah Benichou, directrice de la promotion de l’égalité et de l’accès aux droits, auprès du Défenseur des droits.

Une recherche action innovante mobilisant des partenariats étroits avec l’Éducation nationale sur le territoire de Villeurbanne : Discri-O

Agathe Fort et Sophie Ebermeyer, chargée de mission lutte contre les discriminations à la Ville de Villeurbanne, sont revenues sur un vaste projet de recherche action. Ce projet s’inscrit dans un programme historique de lutte contre les discriminations porté par la ville. Il présente la singularité d’impliquer une ville en dehors de ses compétences directes : l’orientation au collège.
Ce projet a associé très étroitement proviseurs et principaux volontaires en vue de mobiliser aussi bien la communauté enseignante que les familles. Il présente en effet l’originalité d’analyser certaines sources pour identifier les processus à l’œuvre et porter à connaissance des différences de traitement inexpliquées. Une approche différenciée des élèves apparaît ainsi dans les mentions portées dans les bulletins scolaires ou encore dans le temps passé avec les familles lors des entretiens individuels en fonction des compétences linguistiques.
Paradoxalement et faute d’outils pour pleinement prendre en compte cette situation, une famille présentant plus de difficultés avec la langue française pourrait, de ce fait, bénéficier d’un accompagnement moins important alors que le soutien devrait au contraire être renforcé face à la complexité des processus d’orientation.

Plus d’informations : https://nondiscrimination.villeurbanne.fr/2023/05/03/discri-o-lutte-contre-les-discriminations-multifactorielles-a-lorientation-scolaire-de-fin-de-classe-de-3eme/

Nommer pour agir, une mise en débat des discriminations “ethno-raciales”

Lutter contre les discriminations et garantir ainsi la pleine application du droit nécessite ainsi de prendre en compte l’existence des discriminations, pour les personnes qui en sont victimes mais également pour les institutions susceptibles de les produire. Discrimination de genre, discriminations liées à l’âge mais également discrimination en fonction des origines réelles ou supposées sont largement documentées.

La notion de discriminations “ethno-raciales” a fait à l’occasion de ce séminaire l’objet d’un débat fertile. La frilosité à l’encontre de la prise en compte de telles discriminations pourtant établies par le droit à travers la notion d'”appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race” trouve son origine dans la crainte de favoriser une identification de la population française à certaines catégories, identification qui apparaîtrait peu conforme au modèle français universaliste et à une population marquée par une grande mixité des origines. Chaque individu est ainsi porteur d’une multiplicité d’identités et appartenances.

Étienne Butzbach, coordinateur du réseau mixités à l’école au sein du Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO) pointe ainsi le risque de figer tel ou tel individu dans une case étroite et simpliste. Murielle Maffessoli, déléguée adjointe du réseau RECI, invite en retour à prendre en compte des dynamiques réelles et démontrées conduisant de fait à assigner des populations malgré elles dans des catégories non choisies. Il s’agit bien en conséquence, non de promouvoir une segmentation de la population en catégorie, mais bien de nommer des discriminations existantes et démontrées en vue de les prévenir et de promouvoir ainsi des trajectoires pleinement choisies et non subies.

Des enseignements partagés : l’enjeu d’un portage national et d’un travail volontariste sur la matrice des inégalités et discriminations futures, la mixité scolaire

Le projet mené à Villeurbanne n’a à ce stade pas pleinement essaimé. La rotation de professionnels de l’Éducation nationale a pu, en outre, conduire à délaisser le projet jugé comme non prioritaire. Cette problématique met en jeu la nécessité d’articuler de manière plus performante le local et le national. Le volontarisme des acteurs locaux ne peut en effet se substituer à une impulsion devant être porté au bon niveau par des orientations ministérielles fortes se traduisant en particulier par des actions renforcée de formation des professionnels.

Un autre enseignement de ce séminaire est de rappeler que la divergence des trajectoires et le maintien de préjugés susceptibles de générer des discriminations ou des inégalités sont directement issus d’une fragilisation des espaces de mixité sociale.  À cet égard, le milieu scolaire constitue un lieu particulièrement stratégique. Chaque intervenant s’est ainsi accordé à rappeler l’enjeu majeur visant à garantir d’une part une mixité scolaire importante dans chaque établissement en luttant contre les phénomènes de ségrégation – le modèle volontariste initié à Toulouse a ainsi été rappelé -, d’autre part un accompagnement renforcé par le droit commun des établissements comportant des profils d’élèves susceptibles de nécessiter un accompagnement renforcé.

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