Actualité Finances et fiscalité

LES GRANDES VILLES, GRANDES COMMUNAUTÉS ET MÉTROPOLES FACE AU PLF 2026

L’atelier consacré à l’analyse de l’impact des mesures prévues au PLF 2026 pour les budgets des métropoles, grandes villes et agglomérations face était animé par Jean-François Debat (maire de Bourg-en-Bresse, président de Grand Bourg Agglomération), Marie Ducamin (maire de Saint-Jacques-de-la-Lande, vice-présidente aux finances de Rennes Métropole) et François Thomasot (I4CE). 

 

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DILICO 2 : une menace pour l’investissement

Le dispositif de mise en réserve obligatoire DILICO verrait son enveloppe doubler à 2 Mds€, dont 1,2 Md€ pour le bloc communal. Le reversement passerait de 3 à 5 ans, avec 20 % fléchés vers la péréquation. Surtout, le respect d’un plafond d’évolution des dépenses égal au PIB en valeur concernerait le fonctionnement et l’investissement.
Conséquence immédiate décrite par les élus : un risque d« année blanche » d’investissement en 2026-2027 pour respecter la norme imposée , avec des répercussions macroéconomiques et locales (chantiers différés, carnets de commandes des entreprises en berne).
Par ailleurs, pour France urbaine, appliquer le même curseur à une commune de 100 habitants qu’à une ville de 100 000 uniformise des réalités incomparables.

PSR de compensation des locaux industriels : une mesure injuste qui met à mal l’objectif de réindustrialisation
Le PSR de compensation des locaux industriels — obtenu en 2021 pour accompagner la division par deux des bases — ferait l’objet d’une ponction d’environ de plus d’1 Md d’euros en 2026, soit –18,4 %. Résultat : retour au niveau 2021 pour l’enveloppe agrégée, sans dynamique là où l’activité redémarre.

Il s’agit d’un message politique contradictoire, dénoncent les territoires industriels : on accélère la réindustrialisation nationale « à l’amont », mais on freine les recettes locales qui financent les aménagements qu’attendent les entreprises et les équipements nécessaires aux salariés (crèches, écoles, mobilités, équipements sportifs et environnementaux à l’aval…).

Subventions et dotations : réduction du Fonds vert et création du FIT

Le Fonds vert, en l’état du texte perdra 68 % de son enveloppe en trois ans. En parallèle, serait créé un Fonds d’investissement territorial (FIT) par fusion DESIL/DETR/DPV, impliquant la possibilité d’un plus grand nombre de territoires bénéficiaires mais donc une dilution des crédits au détriment des territoires urbains puisque le seuil d’éligibilité serait fixé au fait de disposer de 10 % de population en QPV. Dans les faits, cela s’apparenterait à la disparition de la DSIL et à une réorientation des crédits vers des logiques de saupoudrage, moins adaptées aux projets urbains structurants.

Un effort inéquitable et une méthode qui abîme la décentralisation

L’écart d’effort déjà constaté en 2025 — près de 1,1 % des RRF pour l’ensemble des communes contre environ 3,9 % pour les grands EPCI — persiste et s’amplifie. Plusieurs intervenants ont dénoncé la logique implicite sous-tendant ces mesures qui consiste à considérer les « gros » territoires comme nécessairement « riches » et une péréquation qui, au lieu de corriger, aggrave l’asymétrie.
Au-delà des montants, l’atelier a mis en lumière trois “impensés” :
1. écologique (comment tenir les actions en faveur du climat avec des années blanches d’investissement ?);
2. social (la pauvreté se concentre dans les villes et métropoles, qui doivent financer les pare-feux sociaux);
3. démocratique (affaiblissement de la libre administration, imprévisibilité annuelle, brouillage du lien fiscal citoyen-collectivité).

Ce que demande France urbaine

1. Rééquilibrer l’effort : cesser la sur-ponction des grandes villes et EPCI ; tenir compte des charges spécifiques induites par la densité (pauvreté,sécurité, mobilités, écoles, climat).
2. Préserver l’investissement : un DILICO qui n’entrave pas l’investissement ; un FCTVA compatible avec les dépenses contemporaines (entretien du patrimoine, numérique/Cloud).
3. Maintenir l’incitation économique : pas de retour en arrière sur la compensation dynamique pour l’industrie ; arrêter la logique d’écrêtement qui dévitalise l’intéressement territorial à l’activité.
4. Redonner de la visibilité : sécuriser le versement du Fonds de Compensation de la TVA ; stabiliser les règles pour permettre de projeter les budgets au-delà d’un exercice.
5. Sortir du faux duel villes/rural : la péréquation est légitime, mais l’indifférenciation des critères pénalise tout le monde. Les politiques nationales doivent reconnaître les besoins urbains sans opposer les territoires.

Les élus de France urbaine ne contestent pas la nécessité de participer au redressement des comptes publics. Ce qu’ils dénoncent, en revanche, c’est le chemin retenu, qui cumule ponctions successives, imprévisibilité des règles et contradictions flagrantes avec les objectifs nationaux de transition écologique, de cohésion sociale et de réindustrialisation. Un chemin qui risque d’éteindre l’investissement local précisément là où les besoins sont les plus intenses.

Comme l’a résumé Marie Ducamin,
« On est à l’aveugle, avec un manque de perspective permanent. Comment mener des politiques de long terme quand on dépend d’un vote annuel national totalement imprévisible ? »

Au-delà des chiffres, les élus pointent une logique structurellement injuste. Comme Jean-François Debat l’a formulé sans détour :
«Le cliché dit gros égal riche. Et au fond, l’État préfère se fâcher avec quelques centaines d’élus des grandes villes et des EPCI, à qui il peut demander beaucoup, plutôt qu’avec des milliers de maires de petites communes, dont chacun ne contribuerait que très peu. C’est une logique profondément injuste. »

 

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