RETOUR DU MIPIM 2025 : NOUVELLES PERSPECTIVES POUR L’IMMOBILIER DE BUREAUX
Comme tous les ans, grandes agglomérations et métropoles françaises se retrouvent au MIPIM pour présenter leurs projets et débattre des tensions et opportunités qui traversent la fabrique des villes. La question du logement est incontestablement omniprésente, comme les années précédentes, et a été au cœur des échanges entre Johanna Rolland, Présidente de France urbaine et Valérie Létard, ministre du logement.

L’occasion de souligner notamment les inquiétudes des territoires urbains sur le bon achèvement opérationnel et financier du programme ANRU2. Et de prendre connaissance avec intérêt des annonces ministérielles sur la simplification des procédures d’urbanisme (PPL prochaine déposée par le député Harold Huwart), ou la facilitation des opérations de transformation des bureaux en logements.
Ce fut en effet l’autre sujet majeur de ce salon et le thème du « temps fort » organisé par France urbaine et accueilli cette année par la Métropole Européenne de Lille : la situation et l’avenir de l’immobilier de bureaux dans les grandes agglomérations et métropoles françaises. Depuis quelques années, les grandes métropoles régionales françaises ont pris une part essentielle dans la dynamique de construction de bureaux. La tertiarisation de l’économie, tirée par le digital, l’innovation ou l’économie de la connaissance, a impulsé et accompagné la transformation de nombreux quartiers, elle a également accéléré la mutation et la croissance des grands quartiers d’affaires régionaux (Euralille, EuroMéditerranée, Part Dieu, Bordeaux Euratlantique, Euronantes, Rennes Gare…). Les grands utilisateurs ont rationalisé et renforcé leur présence dans les métropoles. Les grands investisseurs ont anticipé et accompagné cette croissance en misant sur des produits immobiliers tertiaires de haute qualité, proposés à des tarifs très concurrentiels par rapport à l’Île de France.
Mais ces dynamiques sont aujourd’hui réinterrogées par les mutations mondiales que connaît l’économie tertiaire : la pandémie de Covid19 a accéléré le développement du télétravail, provoquant par ricochet une refonte des stratégies immobilières des entreprises ; les usages des bureaux se diversifient, la mutualisation et la flexibilité s’imposent, l’attractivité des sites d’implantation et le niveau des services proposés deviennent essentiels dans les stratégies de recrutement des entreprises ; la mono-fonctionnalité des quartiers d’affaires est réinterrogée ; des offres alternatives, plus ou moins fragiles, émergent (coworking, tiers-lieux…) ; enfin, les exigences de performance énergétique accélèrent la quête de bureaux neuf et l’obsolescence de parcs tertiaires moins bien positionnés… Sans parler de l’impact de l’intelligence artificielle et tendances démographiques.
A l’évidence, l’économie tertiaire et son corollaire immobilier connaissent une fin de cycle et plusieurs experts annoncent une attrition importante du parc dans les prochaines années. Au vu des tensions chroniques sur l’offre foncière et immobilière dans les villes, les stratégies d’offre sont à repenser. Face à ces mutations, grandes agglomérations et métropoles sont, comme l’a indiqué Frédérique Leturque, Président de la Communauté urbaine d’Arras, structurées, proactives et proposent de nouvelles façons de penser, concevoir et développer le bureau du futur, sa place dans la ville et son rôle dans les stratégies économiques territoriales. « Ensemble, par exemple via la coopération entre Lille et Arras, nous pouvons travailler à de nouvelles complémentarités dans les offres d’immobiliers productifs et tertiaires ».
La métropole francilienne, dont le parc tertiaire est en moyenne plus ancien que celui des capitales régionales, peut servir de « laboratoire » à ces nouvelles façons de penser la place du bureau dans les villes. Pour Eric Cesari, vice-président de la Métropole du Grand Paris, il est acquis que « des biens obsolescents ne reviendront pas dans le marché et doivent trouver de nouveaux usages, dont la transformation en logements, sous réserve d’un assouplissement réglementaire ». Quant au quartier de La Défense, emblème des quartiers d’affaires, « les élus de ce territoire sont maintenant en responsabilité au sein de l’Etablissement Public Local (EPL) et apprennent à le gérer différemment de façon à en faire un quartier de vie proposant un environnement plus favorable et attractif pour ses salariés et pour ses 40 000 habitants ». Les mutations en cours sont pour lui une opportunité : « les salariés ont manifesté leur envie de se retrouver, de se voir, et la collectivité a aussi la responsabilité de créer les lieux du lien social ».
A Dijon comme à Nantes, les élus constatent la même attractivité tertiaire des centres-villes. C’est manifeste pour les salariés du groupe Urgo, ainsi que l’a constaté Danielle Juban, vice-présidente au développement économique de la métropole bourguignonne, mais aussi pour des projets industriels, prêts à se réorganiser sur plusieurs niveaux pour ne pas s’éloigner du centre. A Nantes, représentée par Pascal Pras, vice-président à l’urbanisme, l’absence de vacances dans les bureaux du centre-ville et notamment du pôle Gare incite la collectivité à positionner de nouvelles offres dans les « nouvelles centralités » de la première couronne comme le quartier de la santé en cours de réalisation autour du nouveau CHU. Ou sur la grande opération d’urbanisme de Pirmil Les Îles à Rezé. En deuxième couronne, souligne-t-il, « nous allons devoir nous pencher sur certains parcs tertiaires, des poches de bureaux sans aménités et services de proximité (restauration mais aussi crèches voire écoles) ».
Pour Matthieu Corbillon, hôte des échanges et vice-président de la Métropole Européenne de Lille, la diversité des situations urbaines et économiques des agglomérations et métropoles incite à multiplier les échanges et à « panacher les solutions ». Eric Piolle, maire de Grenoble et membre du Bureau Exécutif de France urbaine, voit quant à lui dans ces mutations de l’immobilier de bureau une nouvelle manifestation du passage d’une logique de compétition entre territoires à une dynamique de coopération « nous entrons dans une nouvelle phase où les villes repensent leurs quartiers avec de l’intensité dans les usages et de la diversité dans les fonctions. Basculer dans une phase de résilience suppose de construire un nouvel imaginaire du bureau qui n’est pas uniquement celui du neuf. Nous devons hybrider les usages plutôt que faire table rase de l’existant, transformer à moyen et long terme, remanier et trouver le modèle économique de la frugalité en tenant compte de l’absence définitive de nouveaux fonciers. »