RÉSILIENCE : COMMENT LES TERRITOIRES URBAINS S’ORGANISENT ET S’ADAPTENT FACE AUX CRISES ?
L’atelier dédié à la résilience territoriale face aux risques majeurs, dans le cadre des Journées nationales de France urbaine le 10 octobre dernier, a permis aux cinq intervenants de rappeler la vulnérabilité particulière des territoires urbains qui concentrent un grand nombre d’habitants et d’infrastructures vitales, ainsi que leur rôle essentiel en faveur de la résilience et pour organiser les réponses aux crises.
De nombreux enjeux ont été abordés : solidarité territoriale, cohésion sociale, culture du risque, nouveaux récits, changement de modèle de développement, etc.
Réflexions et stratégies locales pour construire la résilience des territoires
La résilience ne consiste pas uniquement, selon les intervenants, à atténuer les impacts des crises, mais également à bien anticiper et minimiser les vulnérabilités, pour mieux absorber les chocs, et “en ressortir grandi” comme le précise le vice-président de la Métropole Nice Côte d’Azur, Richard Chemla. Les interventions à l’atelier ont montré que les grands territoires urbains s’emparent de ces enjeux : la Ville de Paris, depuis 2017, a développé une stratégie globale de résilience qu’elle réactualise actuellement ; Grenoble a travaillé avec son agence d’urbanisme sur un rapport publié cette année qui s’inscrit dans une approche globale d’identification des risques (environnementaux, géopolitiques, sociaux, technologiques, économiques) sur l’aire grenobloise ; la Métropole Nice Côté d’Azur traite ces questions en s’appuyant notamment sur son conseil scientifique et son Agence de sécurité sanitaire, environnementale et de gestion des risques.
Son vice-président a, par ailleurs, souligné que le politique a besoin de scientifiques pour expliquer les conduites à tenir, et qu’il ne faut pas négliger les impacts sur la santé des risques, notamment liés au changement climatique, et particulièrement sur les personnes vulnérables.
Une stratégie nationale depuis 2022
Si les enjeux de résilience et d’adaptation sont profondément locaux, la réflexion se pense également aux autres niveaux. Jean-Christophe Erard, délégué pour la Stratégie Nationale de Résilience (SNR) auprès des collectivités territoriales au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, a exposé les trois axes de la stratégie française validée par la Première ministre en avril 2022, suite à 5 mois de travaux interministériels : la préparation aux crises, le développement des ressources humaines et matérielles et une communication proactive pour impliquer les citoyens.
Si l’intervenant a précisé que la SNR s’interroge sur la totalité des risques et sur la conduite à tenir pour garantir la continuité d’activité, il a également souligné que l’État joue un rôle important en soutenant les collectivités territoriales par des ressources et des formations, et via des actions menées entre les services de l’Etat et ceux des collectivités locales. Jean-Christophe Erard a, en outre, salué la manière dont de nombreuses collectivités se sont emparées de l’initiative gouvernementale de la Journée nationale de la résilience le 13 octobre dernier, pour sensibiliser mais aussi pour susciter l’engagement, parfois sur une semaine.
Renforcer la culture du risque : empowerment & solidarité
Sandrine Romon, cheffe du Pôle Résilience de la ville de Paris, a précisé que la stratégie de résilience parisienne réactualisée en novembre compte désormais un axe additionnel centré spécifiquement sur la culture du risque. Les intervenants ont convergé pour souligner qu’il était essentiel d’œuvrer au développement de cette dernière, qui ne doit pas être vue comme un facteur anxiogène, mais comme un moyen de mobiliser les citoyens ; un outil de renforcement du lien social qui implique et réduit le sentiment de vulnérabilité (via des ateliers sur les gestes de premiers secours, des simulations de crises à l’échelle de quartier(s), des serious games, des jeux ludiques dans les écoles, etc.).
Selon les intervenants, lorsque les citoyens sont informés et conscients des risques, ils sont plus enclins à agir de manière proactive et solidaire, en soutenant leurs voisins en cas de crise, ce qui participe par ailleurs à réduire la pression sur les services d’urgence. Cette culture doit également s’étendre à la formation des élus et des agents publics, à tous les niveaux de gouvernance. Il a aussi été rappelé que les Outre-Mer, qui ont des savoirs-faire et une “culture du risque remarquable”, sont des territoires expérimentés avec qui il serait particulièrement intéressant d’échanger.
Valoriser les initiatives rurales et/ou citoyennes : complémentarités territoriales et coopérations
Marie-Pierre Demarty, rédactrice à Tikographie, média associatif basé dans le Puy de Dôme, a défendu une approche de la résilience axée sur le concept de “territoire vivable”, plus précis et moins technique selon elle. Elle a rappelé l’importance de sensibiliser tous les acteurs aux risques, alors que beaucoup se croient “hors du risque”, mais aussi de valoriser les initiatives locales qui favorisent la résilience de manière concrète et participative.
Elle a largement insisté sur le travail indispensable à renforcer vis-à-vis de la complémentarité des territoires et leurs liens de coopération, une philosophie rejoignant le concept “d’alliance des territoires” fortement porté par France urbaine. La journaliste a observé sur son département que les territoires ruraux démontrent souvent une grande agilité pour s’adapter aux défis locaux, notamment grâce à une forte capacité de collaboration, souvent nécessaire par manque de moyens, et a précisé que les territoires urbains pourraient particulièrement s’en inspirer.
Résilience & transformation globale
Eric Piolle, maire de Grenoble, a souligné l’importance de replacer la résilience dans un cap politique général qui s’applique à essayer de “faire durer la cité, nos conditions de vie” tout en évitant que cela se fasse “sur le dos de populations internes à la communauté ou externes”. L’élu a notamment souligné que la résilience ne peut que se penser que dans une logique de transformation du modèle actuel non durable basé sur une croissance permanente, qui nourrit les causes qui créent ou accentuent les risques.
S’accordant sur le besoin de sensibiliser les citoyens aux risques et à la transition écologique, le maire grenoblois a estimé que la résilience peut être un projet de société fédérateur, incarnant une nouvelle manière de vivre ensemble, dans un monde aux ressources limitées. La théorie du Donut, boussole de la démarche Grenoble 2040, a été citée comme méthode intéressante qui représente visuellement le double impératif écologique et social à respecter pour permettre à chaque être humain de subvenir à ses besoins fondamentaux dans le respect du vivant et de la planète.