PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2024 : LES PRIORITÉS DE FRANCE URBAINE AVANT L’EXAMEN DU TEXTE AU SÉNAT (PREMIÈRE PARTIE)
Dans la perspective de l’examen du Projet de loi de finances (PLF 2024) par le Sénat à partir du 23 novembre en séance publique, France urbaine a proposé aux sénateurs une liasse d’amendements traduisant les attentes et priorités des membres de l’association.
S’agissant de la première partie (recettes) du projet de loi (objet du présent article), nombre de ces amendements avaient été adoptés en commission par les députés, sans pour autant qu’ils soient, du fait du 49-3, intégrés dans la version du texte qu’examineront les parlementaires du Palais du Luxembourg.
Espérons qu’une très large majorité de sénateurs puisse se prononcer en faveur de ces amendements. Cela constituerait en effet un puissant message pour convaincre le gouvernement du bien fondé des priorités des élus et de la pertinence de leur maintien dans le texte définitif, lequel ne sera définitivement adopté qu’à la veille de la trêve des confiseurs.
Permettre aux Autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de financer un niveau d’offre cohérent avec les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC)
France urbaine propose de donner davantage de leviers de financement de la mobilité décarbonée au profit des AOM non-franciliennes. À ce titre, il est proposé de réhausser le plafond du Versement mobilité (VM) au moyen de deux amendements différents : l’un sous condition d’instauration d’une Zone à faibles émissions (ZFE), l’autre sous condition d’accord des entreprises assujetties.
En application du récent protocole entre l’État et Ile-de-France Mobilités (AOM francilienne), le PLF intègre désormais une revalorisation du taux de VM acquitté à Paris et en Petite couronne. Alors que les AOM non franciliennes peuvent, dans le meilleur des cas, disposer d’un taux de VM plafonné à 2 %, l’AOM francilienne va bénéficier, pour l’essentiel de son territoire, d’un taux de VM de 3,20 %. Ce qui était déjà un écart (taux plafond de 2,95 % dans l’agglomération parisienne et de 2 % en région) est en passe de devenir un fossé. « Ce deux poids deux mesures est incompréhensible et inacceptable » : tels sont les termes du courrier que les membres du bureau exécutif de France urbaine ont adressé à la Première ministre le 14 novembre dernier.
Récuser les exonérations obligatoires d’impôts locaux non compensés
Un des principaux acquis de la mission Rebsamen de 2021 sur la relance de la construction consistait à contrecarrer les pratiques déresponsabilisantes d’exonérations non compensées. Or ce PLF renoue malheureusement avec une pratique détestable qui consiste à envoyer aux collectivités la facture d’un allègement fiscal décidé par l’État au bénéfice de telle ou telles catégorie de contribuables. Ne pas respecter la logique selon laquelle « soit les exonérations sont imposées aux collectivités et elles sont alors compensées, soit elles sont optionnelles, à la main des exécutifs locaux et donc non compensées » est pour France urbaine une ligne rouge. Afin qu’elle ne soit pas franchie, France urbaine propose des amendements visant à ce que les nouvelles exonérations de Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) contenues dans le PLF soient conditionnées à une décision locale.
Disposer d’un levier fiscal opérationnel sur la Taxe d’habitation résidence secondaire (THRS)
La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a conduit à faire de la Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) l’impôt pivot des mécanismes de lien entre les taux. Il en résulte comme effet paradoxal qu’une commune souhaitant agir contre la sous occupation des logements en augmentant le taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires est obligée d’accroître la pression fiscale sur les entreprises (dans la mesure où ces dernières sont soumises à la TFPB).
Le gouvernement a entendu la nécessité de revoir cette règle de lien aux effets paradoxaux. Mais il a retenu une rédaction tout aussi paradoxale ! En effet, si l’amendement proposé par France urbaine n’était pas adopté, la portée de la déliaison (entre la THRS et la TFPB) serait inopérante pour les communes concernées, tant en ce qui concerne les communes touristiques qu’en ce qui concerne les villes en situation de centralité (en effet, celles-ci supportant des charges plus élevées appliquent, sauf exception, des taux de TFPB supérieur à 75% des moyennes départementales alors que le bénéfice de la déliaison est réservée aux communes dont les taux sont en deçà de ce seuil).
Compléter les moyens de financement de la réussite de la transition écologique
France urbaine propose d’affecter une fraction de l’accise sur les énergies aux collectivités territoriales et à leurs groupements ayant adopté un Plan climat air énergie territorial (PCAET) afin de leur permettre de financer les dépenses indispensables à la réussite de la transition écologique. En ce sens, elle reprend une disposition partagée par plusieurs groupes dans le cadre de l’examen du PLF 2023, amendement qui avait été adopté par le Sénat mais n’avait pas été suivi d’effet, le Gouvernement l’ayant finalement supprimé du texte final.
Le sujet étant désormais bien documenté, c’était maintenant, et non demain, qu’il importe de faire entendre le message selon lequel l’accélération de l’engagement des collectivités dans la lutte contre le réchauffement climatique nécessite des ressources nouvelles.
Parvenir à un cadre fiscal à la hauteur des enjeux de la sous occupation des logements
Parce que l’insuffisance de l’offre de logements est avérée, parce que la lutte contre l’artificialisation du foncier s’impose à tous, il n’est plus acceptable de faire l’impasse sur une boite à outils fiscale plus efficiente pour lutter contre la sous occupation des logements. Il y a urgence, tant sur le volet de la fiscalité des particuliers (c’est notamment l’objectif de la proposition de loi transpartisanne Le Meur/Echaniz sur les meublés de tourisme), que sur le volet fiscalité locale. C’est pourquoi, à l’unisson de plusieurs rapports qui le préconise, France urbaine propose un amendement visant à fusionner les deux taxes sur les logements vacants (Taxe d’habitation sur les logement vacants -THLV- et Taxe sur les logements vacants -TLV-) en un impôt local unique.
S’engager dans la voie de la mise en cohérence entre la fiscalité locale et le contexte du « Zéro artificialisation nette »
Cette mise en cohérence est un chantier de long terme et la voie du pas à pas semble plus prometteuse que celle de l’attente du grand soir. À ce titre, France urbaine propose un amendement visant à rendre possible la suppression de l’exonération non compensée de 40 % de TFPB uniquement lorsque la construction neuve est synonyme d’artificialisation.
Saisir l’opportunité du PLF 2024 pour ajuster trois impôts locaux particuliers : la Taxe de séjour (TS), la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères Incitative (TEOMi) et la Taxe sur les surfaces commerciales (TaSCOM)
Il est ainsi proposé d’introduire une proportionnalité de la taxe de séjour en fonction du montant de la nuitée d’hébergement, en lieu et place d’un modèle en vigueur qui repose sur des tarifs forfaitaires. Il est également proposé de lever les freins à la mise en place d’une tarification incitative pour le financement des politiques publiques locales de prévention et de gestion des déchets. Il est enfin proposé, s’agissant de la TaSCOM, d’une part, de l’adapter aux nouvelles formes de commerces en assujettissant les « drives » et, d’autre part, de rattraper la dévaluation intervenue sur les tarifs de la taxe sur les surfaces commerciales depuis leur dernière modification, en loi de finances pour 2009 (l’inflation cumulée sur la période étant estimée à 26 %).