PRÉCARITÉ ALIMENTAIRE : DE NOUVELLES SOLIDARITÉS TERRITORIALES S’IMPOSENT
Toulouse, Marseille, Lyon, Montpellier…de nombreuses initiatives fleurissent sur les territoires, qui passent de l’aide alimentaire à la mise en œuvre de nouvelles solidarités territoriales.
Territoires à vivre : quel premier bilan ?
En 2021, le Réseau Cocagne, le Secours Catholique, Secours-Caritas France, Vrac France, l’Union Nationale des Epiceries Sociales et Solidaires (UGESS) et le réseau des Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM) ont uni leurs forces pour constituer des consortiums locaux pour catalyser des dynamiques citoyennes au profit de nouvelles solidarités. Territoires à vivre a tenu, le 18 avril 2023, son comité de pilotage dressant le bilan des quatre projets déployés sur les territoires des métropoles de Toulouse, Lyon, Aix-Marseille-Provence, Montpellier.
Etroitement liées au territoire qui leur a donné naissance, les initiatives engagées procèdent d’une même volonté : renforcer la démocratie alimentaire et la participation citoyenne, poursuivre une visée transformatrice, initier un cercle vertueux permettant de lutter contre la précarité alimentaire tout en favorisant une juste rémunération des producteurs. Elles proposent la mobilisation des ressources locales, le déploiement d’une approche coopérative avec le soutien de développeurs territoriaux, et la volonté de fédérer autour d’initiatives concrètes. Ces modèles traduisent la fertilité des alliances entre le tissu associatif, les partenaires institutionnels, les producteurs et productrices et les habitants.
Coopération ne rime pas avec appel à projet
La construction d’un espace de relations de confiance et le travail nécessaire pour en assurer la pérennité demande du temps. Gage d’efficacité des politiques publiques, le maintien des coopérations et de l’interconnaissance nécessite un effort constant afin de poursuivre et consolider les actions engagées. Ce temps n’est pas celui des appels à projet ni des contractualisations de court terme.
La pérennisation de telles démarches pose question. Un consortium porté sur le territoire de Montpellier par l’association VRAC et la fédération régionale des CIVAM aux côtés de la ville de Montpellier et de la métropole, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et de la Chaire UNESCO – Alimentations du monde, est lauréat de l’Appel à manifestation d’intérêt « démonstrateurs territoriaux » de la Banque des territoires. D’autres candidatures pourraient mobiliser de même les fonds du Programme d’investissement d’avenir 4 ou encore le récent fonds « Mieux manger pour tous ».
En vue de favoriser l’essaimage et une meilleure connaissance de ces démarches suivies avec attention par les partenaires du projet et différents financeurs, des bilans thématiques seront organisés sous forme de webinaire dans les semaines qui viennent sur les dynamiques économiques, les modèles agricoles et la démocratie alimentaire.
Les systèmes locaux en mouvement
Les actions menées dans le cadre de ce dispositif rejoignent les nombreuses démarches engagées plus largement par France urbaine et ses membres autour de la lutte contre la précarité alimentaire. Les démarches visant à renforcer l’accessibilité financière se sont largement développées, mobilisant des aides financières fléchées sur des produits durables faisant l’objet d’une labellisation au niveau local, à l’expérimentation menée sur le territoire lyonnais en lien avec la monnaie locale, carte alimentation durable à Rennes), ou non fléchée (dispositif Passerelle mis en place à Montreuil via un partenariat avec Action contre la Faim et la Fondation de l’Armée du Salut).
L’approche par la solidarité conduit à repenser les systèmes alimentaires locaux dans leurs dimensions de production, transformation, logistique et approvisionnement. Le projet présenté sur le territoire de Montpellier articule une dynamique citoyenne assise sur une caisse commune de l’alimentation et un projet porté sur le territoire de l’Aude en lien avec la SCIC Graines équitables visant à développer des outils de transformation locaux. De même, la Ville de Paris a mobilisé des financements conséquents en vue de soutenir la plateforme Kelbongoo en lien avec la fondation Armée du Salut, renforçant ainsi de manière significative l’accès à une alimentation durable à destination des bénéficiaires de l’aide alimentaire.
Le fonds “Mieux manger pour tous” prévoit l’allocation pluriannuelle de 60 millions d’euros :
- 40 millions d’euros sont fléchés à destination des acteurs de l’aide alimentaire habilités au niveau national en vue de renforcer la présence de produits durables dans les achats de denrées ;
- 20 millions d’euros ont vocation à financer des initiatives locales sur la base d’appels à projet régionaux.
Prenant la suite des réflexions amorcées au Comité de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire (Cocolupa), au sein du groupe consacré aux modèles économiques de l’aide alimentaire, ce dernier constitue une avancée. Toutefois, certaines réponses restent en attente au vu de certains enjeux rappelés par France urbaine et pour partie mentionnés également au sein de l’avis numéro 91 du Conseil national de l’alimentation : penser des modèles économique pérennes, renforcer la lisibilité des financements en lien avec les contrats de relance et transition écologique, garantir la capitalisation des expériences, rapprocher les exigences en matière de qualité des denrées des critères EGALIM, favoriser une mise en lien des stratégies achat au niveau territorial en vue de renforcer les effets leviers et modifier le cadre de la commande publique à travers une exception alimentaire et agricole, définir une autorité organisatrice de l’alimentation durable, pérenniser le financement des projets alimentaires territoriaux.
Une capitalisation ambitieuse des projets et initiatives sera à engager en vue construire et consolider des solutions pérennes. Un financement dédié est consacré à l’évaluation des projets déposés dans le cadre de l’appel à projet Mieux manger pour tous.