OLIVIER LANDEL : « LA COHÉRENCE, LA RECHERCHE DU DIALOGUE ET LA PROPOSITION FONT LA FORCE DE FRANCE URBAINE »
Retrouvez l’entretien accordé par le Délégué général de France urbaine, Olivier Landel, à News Tank Cities.
NEWS TANK CITIES : Vous quittez le poste de délégué général de France urbaine à la fin de l’été 2023. Quel bilan dressez-vous de vos sept ans à la tête de l’association ?
Olivier LANDEL : En à peine sept ans, France urbaine s’est installée dans le paysage des associations d’élus et est aujourd’hui un interlocuteur régulier et fiable de l’Etat, des corps intermédiaires et des parlementaires. C’est un travail exigeant mené au quotidien par les élus et l’équipe de l’association. Nous avons aussi réussi à instaurer une transversalité qui est une sorte de miroir de la manière dont travaillent les territoires et plus spécifiquement, les grandes villes, agglomérations et métropoles, dont nous sommes les porte-parole. Nous sommes attentifs au fait de « décloisonner » les sujets. Lorsque nous parlons de transition écologique, nous ne mettons jamais de côté les enjeux économiques et sociaux. Tous les sujets sont reliés entre eux tant sur les territoires que dans le projet politique global porté par France urbaine. Avec cette manière de fonctionner, nous avons réussi à être cohérents dans nos propositions faites au Gouvernement ou aux parlementaires. L’action de France urbaine est simple : lorsque le Gouvernement propose quelque chose qui ne pas dans le bon sens, nous réfléchissons à des solutions et nous proposons une solution alternative. La cohérence, la recherche du dialogue et la proposition, c’est ce qui fait la force de France urbaine.
« France urbaine s’est installée dans le paysage des associations d’élus et est aujourd’hui un interlocuteur régulier et fiable de l’Etat, des corps intermédiaires et des parlementaires.» Olivier Landel
Où en est la décentralisation en 2023 ?
O.L : En septembre 2020, à l’occasion du renouvellement de nos instances, nous avons ressenti le besoin de vérifier que les valeurs sur lesquelles étaient fondée France urbaine, notamment la décentralisation, étaient toujours partagées par les personnalités nouvellement élues. Nous avons finalement pu concrétiser ces valeurs dans un document produit lors de nos Journées nationales, organisées à Nantes en septembre 2021. Ce fut notre document de référence qui a permis ensuite de réaliser une adresse aux candidats à l’élection présidentielle de 2022, indiquant nos propositions sur une vingtaine de politiques publiques. Dans cette adresse, figurait bien évidemment la question de la décentralisation.
Nous ne demandons pas plus de responsabilité, mais une plus grande autonomie dans la mise en œuvre de la décentralisation. Nous avons réaffirmé notre certitude : si nous accordons une plus grande marge de manœuvre au niveau local, tout sera plus efficace au niveau national. Nous demandons à l’État de nous laisser les mains libres sur les compétences qui ont déjà été décentralisées et que nous maîtrisons, et en nous donnant les moyens nécessaires pour les mener. Ce n’est pas à l’État de nous expliquer ce que nous avons à faire au niveau local.
Le souci aujourd’hui est que nous n’avons pas encore l’autonomie de moyens. Nous sommes sous perfusion des choix de l’État. Ce hiatus reste le combat de France urbaine. Nous cherchons le moyen de faire en sorte que la décentralisation ne soit pas uniquement de façade, mais soit également une décentralisation de responsabilité. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
« Ce n’est pas à l’État de nous expliquer ce que nous avons à faire au niveau local.» Olivier Landel
Quel bilan faites-vous de la loi de finances pour 2023 ?
O.L : Nous essayons toujours de voir le verre à moitié plein. Nous avons notamment évité la contractualisation individuelle et le retour des « contrats de Cahors ». Le match va continuer car la France doit donner à l’Europe des gages pour tenir la trajectoire de ses finances publiques. La meilleure manière n’est pas de nous couper les ressources, mais plutôt de nous donner plus de responsabilité. Nous saurons mieux les gérer localement que l’Etat. Nos règles budgétaires, à l’heure actuelle, nous interdisent d’emprunter au-delà de notre capacité de remboursement, ce qui n’est pas le cas de l’État. La règle d’or budgétaire empêche tout débordement de la dette des collectivités. Si nous étions les seuls gestionnaires, le pays serait moins endetté.
La suppression de la CVAE est un non-sens stratégique et financier. Elle ampute les moyens de l’État de 8 milliards d’euros. Au même moment, l’Etat justifie la réforme des retraites par un besoin de financement du système. Nous travaillons cependant sur un moindre mal, faire en sorte que le produit de TVA (pris sur tous les consommateurs) qui remplacera la CVAE (prise sur la valeur ajoutéee produite par les entreprises) soit au moins territiorialisée, c’est à dire prenne en compte la volonté d’acceuillir des entreprise sur nos territoires. Je suis également consterné par le fait que l’on décale à nouveau la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation. Cela fragilise la taxe foncière, le dernier levier qu’il nous reste pour mener des actions concrètes et de proximité.
« La suppression de la CVAE est un non-sens stratégique et financier.» Olivier Landel
Où en est la loi de programmation des finances publiques ?
O.L : Cette loi n’est pas allée au bout de son parcours, mais va probablement revenir à l’agenda parlementaire d’une façon ou d’une autre. Les Assises des finances publiques souhaitées par le Ministre Bruno Le Maire au printemps est potentiellement un moyen de préparer le retour de la contractualisation. La crainte d’une absence de dialogue avec les collectivités est réelle, alors qu’il est nécessaire de les associer. Nous voulons ce temps de dialogue, qui est le fondement même d’une décentralisation assumée et mature. Les collectivités locales ont leur mot à dire sur les dépenses de l’État. Nous parlons d’argent public.
Comment se portent les finances locales ?
O.L : Tout dépend de quoi l’on parle. Si on compare cela aux investissements que l’on doit faire pour réussir l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques, les budgets ne sont pas suffisants. Si cet enjeu n’avait pas existé, on pourrait dire que les budgets permettent de continuer à « tenir la barque ». Nous n’avons pas encore toutes les solutions financières à notre portée pour répondre à cet enjeu collectif. Pour investir, nous devons avoir une capacité d’autofinancement. C’est la différence entre nos recettes courantes et nos dépenses courantes. Si nos dépenses augmentent sans que nos recettes augmentent également, notre capacité d’autofinancement s’assèche et nous ne pouvons plus investir. Il y a donc plus d’enjeu à maintenir notre capacité d’autofinancement qu’à nous verser des subventions pour investir. Il manque tout simplement la confiance.
Quelles sont vos attentes concernant le CNR Logement ?
O.L : C’est l’un des rares CNR où des mesures tangibles et efficaces pourraient sortir. En matière de logement, France urbaine souhaite le confortement des délégations déjà existantes et reconnues aux intercommunalités cheffes de file des politiques de l’habitat, la gestion de tout ou partie des crédits MaPrimeRénov’ et du Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique (SARE) aux intercommunalités sur le modèle de la délégation des aides à la pierre qui a montré son efficacité sur la durée, l’accès à la définition du zonage et à tous les outils de la régulation publique aujourd’hui réservés aux zones tendues afin de lutter contre la spéculation immobilière ou encore, le droit à l’expérimentation d’outils fonciers afin que les territoires urbains puissent réussir la mise en œuvre du ZAN. L’association est cependant opposée à un bloc de compétences « tout ou rien » qui, avec le logement, intègrerait l’hébergement d’urgence. Il doit rester une compétence de l’État tant il est lié aux politiques migratoires. Elle rappelle aussi son attachement à une vision universaliste du logement social qui protège et qui permet la mixité sociale.
Participez-vous aux discussions concernant la PPL ZAN actuellement au Sénat ?
O.L : Bien sûr. France urbaine est parfaitement en phase avec l’objectif affiché qui participe d’une démarche de transition écologique absolument nécessaire. Mais ce sont les modalités concrètes de la territorialisation de ces objectifs qui posent question. Dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement comme dans d’autres, France urbaine échange avec Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc, à l’initiative de la proposition de loi. Nous souhaitons un pilotage qui soit le plus territorialisé possible, basé sur la responsabilité des élus locaux et fondé par la confiance en eux réaffirmée par l’Etat. J’attire cependant l’attention et j’appelle à lutter ardemment contre l’idée reçue selon laquelle ce sont les grands territoires urbains qui ont le plus artificialisé ces dernières années, au détriment des territoires ruraux qui verraient leurs capacités de développement se restreindre fortement, jusqu’à disparaître face aux objectifs du ZAN. Cette assertion est fausse et a été prouvée par une étude publiée en juillet 2022 par l’Observatoire national de l’artificialisation des sols du Cerema : les 22 métropoles françaises n’ont contribué depuis 2009 qu’à moins de 1 % de l’artificialisation totale du pays. Là encore, France urbaine propose.
« Les 22 métropoles françaises n’ont contribué depuis 2009 qu’à moins de 1 % de l’artificialisation totale du pays.» Olivier Landel
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