OBJECTIF ZAN 2050 : UN RAPPORT PARLEMENTAIRE POUR CONFORTER L’AMBITION ET OUTILLER LES TERRITOIRES
Le rapport d’information sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur la lutte contre l’artificialisation des sols, présenté le jeudi 10 avril par les députées Sandrine Le Feur et Constance de Pélichy, constitue une nouvelle étape dans les discussions nationales sur la trajectoire vers les objectifs de sobriété foncière à l’horizon 2050.

France urbaine note un certain nombre de points de convergence entre ce rapport et les positions portées de longue date par ses membres : stabilité législative, reconnaissance des dynamiques en cours et priorité à la gouvernance intercommunale. Comme le souligne le rapport, “la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 fixe ainsi des objectifs clairs qu’il convient de préserver”.
“Consolider les ambitions initiales du ZAN” et “doter les élus locaux et les acteurs territoriaux des outils […] adaptés” : un double objectif que partage France urbaine
Ce rapport se décompose en deux parties, 29 propositions et deux ambitions : “d’une part, consolider les ambitions initiales du ZAN en assurant une mise en œuvre effective, réaliste et équitable sur l’ensemble du territoire national et, d’autre part, doter les élus locaux et les acteurs territoriaux de nouveaux outils d’aménagement adaptés, afin de réussir collectivement la transition vers l’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050″.
La première partie propose ainsi un certain nombre d’adaptations pour simplifier le cadre juridique actuel sans affaiblir l’ambition originelle du ZAN, tout en garantissant une meilleure appropriation et une territorialisation plus juste des objectifs fixés. La seconde se concentre sur la nécessité d’équiper les collectivités d’outils fiscaux, budgétaires et d’accompagnement technique innovants, afin de leur permettre de réaliser pleinement cette transition vers une gestion sobre et responsable du foncier.
- Une ligne de crête partagée par France urbaine, qui se félicite tout d’abord que les rapporteures convergent sur la nécessité de maintenir “l’objectif ZAN” à l’horizon 2050, et sur la nécessité pour y parvenir de conserver une période de réduction intermédiaire de 50%.
Si des pistes d’amélioration existent – sur l’ingénierie ou les leviers fiscaux notamment – elles ne doivent pas “remettre en cause significativement l’ensemble de l’architecture concernant la trajectoire de lutte contre l’artificialisation des sols.”
Le rapport rappelle avec justesse que la dynamique d’appropriation de la loi “Climat et résilience” est déjà largement enclenchée. Plus des deux tiers des régions métropolitaines ont adopté ou sont en passe d’actualiser leur SRADDET, et 70 % des SCoT sont en cours d’évolution.
Modifier une nouvelle fois les règles du jeu serait non seulement contre-productif, mais risquerait de casser cette dynamique d’adaptation locale qui demande du temps et de la méthode. France urbaine partage ainsi l’analyse de Sandrine Le Feur : “l’édifice législatif et réglementaire doit désormais être stabilisé”.
- Le rapport souligne également les difficultés concrètes que soulève l’application actuelle de la garantie communale.
La proposition de mutualisation par défaut à l’échelle intercommunale, avec délibération motivée pour une application communale, est une piste de travail intéressante. Elle permettrait de limiter les effets d’aubaine et de garantir une cohérence territoriale, sans remettre en cause la capacité des communes rurales à porter des projets d’intérêt local. En tout état de cause, France urbaine ne pourra se satisfaire du renforcement de la surface minimale de consommation telle qu’elle figure dans la version actuelle du texte.
- L’appel à préserver les gouvernances existantes et à garantir la juste représentation de l’intercommunalité et du SCOT, fait également directement échos aux positions exprimées par France urbaine durant le débat parlementaire, qui s’inquiétaient des évolutions proposées dans le texte.
La proposition de renforcer les capacités d’action des collectivités (droit de préemption sur les Espaces naturels, agricoles et forestiers, simplification des procédures d’urbanisme, offre d’ingénierie territoriale) fait également sens. France urbaine continuera à y contribuer activement, notamment dans le cadre des futurs débats à l’Assemblée nationale.
- Le rapport rappelle également les souplesses introduites par les précédents exercices législatifs, mais également par la circulaire dite “Béchu” du 31 janvier 2024 “relative à la mise en œuvre de la réforme vers le « zéro artificialisation nette des sols”.
Un texte qui, comme le rappelle les rapporteurs, permet, “au choix du maire ou président d’intercommunalité compétent, soit de comptabiliser la consommation d’espaces de manière progressive, soit de comptabiliser la ZAC en totalité au démarrage effectif des travaux. Cette approche est notamment applicable pour les ZAC dont les travaux ont débuté avant 2021, et dont la consommation peut être intégralement comptée pour la période 2011-2021″.
Face aux difficultés récurrentes des élus locaux confrontés à des logiques de “coups partis”, lié notamment au fonctionnement spécifique de la programmation des ZAC, France urbaine continuera à porter la proposition d’une transcription de cette philosophie dans la loi.
Outiller les collectivités dans leur transition vers une gestion plus économe de l’espace, et leur donner les moyens d’agir.
La deuxième partie du rapport s’attèle enfin à proposer des adaptations pour outiller les collectivités dans leur transition vers une gestion plus économe de l’espace. Ces nouveaux leviers, laissés à l’initiative des élus locaux, permettraient de financer des actions comme la réhabilitation de logements vacants ou en déshérence ainsi que la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
- Des pistes de travail sur la table pour renforcer les capacités d’action locales au bénéfice de l’atteinte des objectifs ZAN en 2050
France urbaine ne nie pas les difficultés de mise en œuvre du ZAN, et la nécessité de faciliter et simplifier les mobilisations des territoires pour atteindre cet objectif collectif. A ce titre, le rapport a également le mérite d’enrichir le débat parlementaire en cours et de mettre en débat un certain nombre de propositions de travail qui devraient alimenter les débats à venir à l’Assemblée, parmi lesquelles :
- la mise en place d’un droit de préemption sur les ENAF permettant à la collectivité compétente de préserver ces terrains de toute spéculation foncière et d’atteindre ses objectifs en matière de lutte contre l’artificialisation des sols,
- l’affirmation des établissements publics fonciers (EPF), que ce soit dans les ressources fiscales qui leur seraient affectées ou la couverture intégrale du territoire par ces structures,
- la pérennisation du “sursis à statuer” au-delà de la première tranche de 10 ans,
- la simplification du recours à la procédure de biens sans maître pour les successions ouvertes depuis plus de 10 ans au lieu de 30 ans (quel que soit le zonage) et du cadre applicable aux successions en déshérence pour les indivisions constituées depuis au moins 10 ans,
- l’assouplissement des règles d’urbanisme pour favoriser la densification : permettre aux collectivités de fixer une densité minimale tout en interdisant la densité maximale ; élargir les dérogations pour les projets de réemploi des friches et des constructions situées dans des communes confrontées à un fort déséquilibre de logements ou en forte croissance démographique,
- faciliter l’accès à l’ingénierie par un “parcours” (ADEME, ANCT) qui mobiliserait, à travers le fonds vert, des aides pour des études préalables, des modules d’accompagnement adaptés à chaque territoire, et serait expérimenté dès 2025 dans plusieurs régions avant sa généralisation en 2026.
Quelques pistes de travail, parmi d’autres, que France urbaine expertisera avec ses membres en vue de l’examen de la PPL Trace à l’Assemblée nationale.
- Des convergences autour de la fiscalité du ZAN
En matière de fiscalité plusieurs propositions des rapporteures font directement écho aux amendements que France urbaine avait proposés aux parlementaires lors de l’examen du PLF 2025, amendements alors regroupés sous l’intitulé “Adapter la fiscalité locale au Zéro Artificialisation Nette”. Plus précisément, cinq des propositions correspondent à cinq des amendements de France urbaine :
- proposition n°6 : recentrer les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) majoritairement sur les opérations de construction sur des zones déjà artificialisées,
- proposition n°7 : faire évoluer la taxe d’aménagement afin qu’elle soit plus cohérente avec l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols,
- proposition n°10 : élargir l’assiette de la TASCOM aux entrepôts logistiques et aux aides de stationnement des grandes surfaces commerciales,
- proposition n°12 : fusionner et renforcer les taxes sur les plus-values des terrains devenus constructibles,
- Proposition n°13 : fusionner la taxe sur les logements vacants et la taxe d’habitation sur les logements vacants en une taxe locale facultative.
Ce rapport constitue une base de travail utile pour conforter l’objectif de sobriété foncière fixé en 2050 tout en facilitant sa mise en œuvre. A l’approche de l’examen de la proposition de loi Trace à l’Assemblée nationale, France urbaine veillera à ce que certaines recommandations issues de ce rapport viennent nourrir et renforcer l’ambition initiale partagée de ce texte : faciliter les capacités d’action des élus locaux au bénéfice de la concrétisation su ZAN.