NICOLAS MAYER-ROSSIGNOL : « UNE RÉINDUSTRIALISATION IMPOSÉE PAR JUPITER, CELA NE MARCHERA PAS »
Dans un entretien accordé à Libération, Nicolas Mayer-Rossignol réagit aux propositions contenues dans le projet de loi “Industrie verte”.
Le maire de Rouen et président de la Métropole Rouen Normandie co-préside la commission « Transition écologique » de France urbaine. Dans un entretien accordé à Libération, il réagit aux propositions contenues dans le projet de loi “Industrie verte”, présenté en Conseil des ministres le 16 mai 2023, critiquant notamment des dispositions qui dépossèdent, selon lui, les élus locaux de leurs prérogatives.
Ce projet de loi sur les industries vertes comporte-t-il des avancées ?
Il a une ambition que l’on peut partager. Concilier écologie et économie, c’est un enjeu fondamental. Nous ne voulons pas d’une France sans usines, d’une France Disneyland. Mais encore faut-il s’en donner les moyens. A ce stade, et avant le travail parlementaire, nous avons le sentiment que ce projet de loi contient de nombreux effets d’annonce et quelques éléments inquiétants. Mieux que des slogans, nous espérons des actes. Par ailleurs, environ 70 % des emplois industriels sont dans des villes et de grandes agglomérations, nous n’avons pas attendu ce texte ni le gouvernement pour avancer sur ce sujet.
Des « procédures hypersimplifiées » sont prévues, a expliqué le chef de l’Etat la semaine dernière, avec pour objectif de réduire de moitié, à neuf mois, le délai nécessaire pour une nouvelle implantation d’usine. Est-ce souhaitable ?
C’est de l’affichage. Il est souhaitable que ces délais soient réduits mais, en réalité, ils sont souvent liés aux difficultés des administrations nationales. Les dossiers sont traités par les services déconcentrés de l’Etat, qui sont souvent à l’os. C’est cela qui prend du temps, c’est le manque de personnel qui explique ces délais. Il faudrait se donner les moyens d’accélérer les procédures. Il y a aussi un point qui nous interroge beaucoup, c’est l’article 7, qui prévoirait de donner aux préfets les moyens d’adapter les règles locales d’urbanisme votées par les élus. Cela signifie que les élus locaux seront dépossédés. C’est dangereux, et pas seulement pour des raisons politiciennes. Quand une usine veut s’implanter dans un territoire, même dans un territoire favorable à l’industrie, comme celui où je suis élu, les questions des riverains sont légitimes, sur le passage des camions ou les enjeux de risque par exemple.
Si vous dépossédez les élus locaux et que vous dites que le préfet peut imposer un projet, vous choisissez la meilleure méthode pour avoir un rejet local. Alors que la question de l’acceptabilité est majeure. Cela va encore dans le sens de court-circuiter les élus locaux, les corps intermédiaires, comme pendant la réforme des retraites. Ce n’est pas en imposant aux territoires que l’on va réindustrialiser la France.
Propos reccueillis par Anne-Sophie Lechevallier