MICHÈLE LUTZ : « NOUS SOMMES LES PREMIERS À VOULOIR RÉINDUSTRIALISER NOS TERRITOIRES »
La Maire de Mulhouse et co-présidente de la commission “Economie des territoires” de France urbaine a accordé un entretien à France urbaine HEBDO.
FRANCE URBAINE : Depuis 50 ans, la France se désindustrialise. Aujourd’hui, l’industrie pèse 17% du PIB français en 2021. Comment expliquer cette situation ?
MICHELE LUTZ : L’industrie était un des fleurons de la France au XXe siècle. Elle était très forte après la Seconde Guerre mondiale, du fait de la reconstruction. Au fil du temps, la mondialisation a changé la donne. Les gouvernements successifs ont fait le choix d’abandonner les questions relatives à l’économie industrielle. On a laissé partir à l’étranger beaucoup trop d’industries. Dans d’autres pays du monde, la réglementation ne s’impose pas de façon aussi drastique que chez nous vis-à-vis des chefs d’entreprise. Par exemple, nous n’avions pas une vraie politique de salaire. Cette mondialisation a créé une forme de déclin de l’industrie en France. Nous n’étions plus compétitifs au niveau mondial. Par ailleurs, je pense que la France a oublié pendant longtemps de prendre le virage du digital. La question de la Transition écologique a aussi été prise en compte tardivement.
« Les gouvernements successifs ont fait le choix d’abandonner les questions relatives à l’économie industrielle » Michèle Lutz
Vous êtes co-présidente de la commission « Économie des territoires » de France urbaine. Qu’attendent les élus des grandes villes, agglomérations et métropoles de ce projet de loi ?
M. L : Nous comptons de nombreux territoires où la désindustrialisation s’est traduite par une perte de population, même si ce n’est pas tout à fait le cas de Mulhouse. L’État doit, de fait, nous aider à réindustrialiser nos territoires. Nous soutenons bien entendu les objectifs du projet de loi « Industrie verte ». Mais le véritable enjeu est la manière dont l’État va nous soutenir, quels seront les organismes qui feront les diagnostics pour labelliser les entreprises et qui accompagnera ces entreprises.
Nous sommes les premiers à vouloir réindustrialiser nos territoires. A Mulhouse, nous avons la chance de bénéficier du « Fonds friches ». Nous nous sommes aussi très vite positionnés sur d’autres dispositifs de l’Etat nous permettant d’obtenir des garanties financières pour démarrer ce travail. Mais une fois de plus, je sens que l’État se repose sur les territoires, sur les collectivités. Il faut vraiment que l’État comprenne que nous pouvons faire beaucoup de choses, que nous avons beaucoup d’ambitions pour nos territoires, mais avec quels moyens ?
« L’État doit, de fait, nous aider à réindustrialiser nos territoires » Michèle Lutz
Mulhouse a fait partie de ces anciennes villes industrielles. Quelle est votre stratégie locale pour la réindustrialisation ?
M. L : Cette vision et cette ambition de réindustrialisation de nos anciens sites industriels passent par l’inscription de notre territoire aux dispositifs de l’Etat. Nous avons la chance d’échanger régulièrement sur ces dossiers avec la Préfète de région, le Préfet et le Sous-Préfet. Ils ont très bien compris les enjeux de notre ville, à la fois pauvre et jeune. On sait que le taux de chômage des moins de 30 ans est très élevé à Mulhouse, encore plus qu’ailleurs. Il est nécessaire de pouvoir créer des emplois tout en traitant ces friches industrielles parce qu’il s’agit à la fois du patrimoine industriel mais aussi des lieux où nous sommes dans une forme d’innovation concernant la future industrie. Nous ne faisons plus de l’industrie textile et mécanique comme ce fut le cas pendant quelques années. Par contre, je pense qu’en terme d’innovation, nous sommes capables de réinventer de nouvelles industries, de nouvelles façons de faire fonctionner nos friches et, en tout cas, de leur donner une seconde vie.
Nous sommes très à l’écoute des chefs d’entreprise qui souhaitent s’installer à Mulhouse pour pouvoir les accompagner dans les meilleures conditions possibles. On a déjà une réussite qui est sortie de terre : le quartier de la Fonderie avec son patrimoine industriel. A la Fonderie, il y a à la fois un écosystème en charge de la transformation digitale des entreprises (KMØ) et en même temps, nous avons des restaurants et de l’habitat atypique. On va pouvoir redonner une nouvelle vie à tous ses bâtiments en y installant une nouvelle forme d’économie.
Il faut jouer sur tous les volets de l’organisation d’une ville qui permet d’engager cette réindustrialisation : il faut agir sur l’urbanisme, sur le logement, sur le volet commercial. En fait, il faut agréger tous les ingrédients qui font qu’une fois qu’une industrie a décidé de s’installer dans une ville, elle peut trouver tout ce dont elle a besoin pour se développer.