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MEUBLÉS DE TOURISME : LOI ECHANIZ- LE MEUR, PREMIERS RETOURS D’APPLICATION ET PREMIÈRES DIFFICULTÉS

Le 22 avril dernier, France urbaine organisait une journée d’échanges autour des meublés de tourisme, dans la continuité de la loi Echaniz/ Le Meur promulguée le 19 novembre 2024. Cette loi vise à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale. L’événement fut l’occasion de dresser un premier bilan et d’échanger sur les premiers effets concrets mais aussi les limites de ce cadre législatif. 

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Cap sur une régulation renforcée des meublés touristiques 

 La journée a débuté par une introduction de Barbara Gomes, conseillère déléguée à la Ville de Paris, chargée de l’encadrement des loyers et des plateformes locatives. Elle a partagé l’expérience parisienne, notamment la mise en œuvre rapide de la réduction de la durée maximale de location de 120 à 90 jours par an. 

Cécile Helle, maire d’Avignon et co-présidente de la commission Tourisme de France urbaine, a ouvert la matinée aux côtés de Jean-Luc Bohl, premier vice-président de l’Eurométropole de Metz et également co-président de cette commission. Ensemble, ils sont revenus sur le travail engagé par France urbaine à l’égard de la régulation des meublés touristiques. 

Travaillées depuis plusieurs années et mises en évidence durant le débat parlementaire, les propositions de France urbaine s’organisent autour des axes suivants :  

  • la fin de la niche fiscale dont bénéficient les locations saisonnières de courte durée, au nom d’une équité fiscale renforcée entre les différentes formes d’hébergement locatif 
  • l’interdiction de louer des passoires thermiques via les plateformes touristiques, avec un alignement des exigences sur le Diagnostic de performance énergétique (DPE) 
  • la généralisation du numéro d’enregistrement afin de mieux suivre l’évolution du parc locatif dans les territoires; 
  •  le rétablissement de la possibilité pour les maires de limiter à 660 jours par an la location de meublés, selon les tensions locales – une disposition que le Sénat a supprimée, affaiblissant considérablement le texte selon France urbaine 
  • enfin, un appel à une plus grande autonomie des collectivités locales, à travers des outils de régulation tels que des mesures de compensation, des quotas ou la définition de zones spécifiques. 

 

Jean-Luc Bohl a souligné l’importance de renforcer la sensibilisation mutuelle entre les acteurs concernés, afin de mieux comprendre les difficultés liées à l’application concrète des lois sur le terrain, et d’identifier ensemble des leviers permettant un meilleur accès au logement. Dans cette dynamique, France urbaine met en avant l’intérêt d’un dialogue constructif et transpartisan, reposant sur le partage d’expériences entre collectivités.  

Retour sur la loi Echaniz-Le Meur avec son rapporteur, le député Inaki Echaniz 

 Dans une intervention à distance, le député Inaki Echaniz, rapporteur de la loi Echaniz-Le Meur adoptée le 19 novembre 2024, est revenu sur les principaux apports du texte et les perspectives d’amélioration encore envisageables. Soulignant que l’objectif est de “renforcer les outils de régulation à l’échelle locale”, le député de la 4 circonscription des Pyrénées-Atlantiques a rappelé plusieurs mesures phares du dispositif : obligation pour les propriétaires de meublés de tourisme de se déclarer en mairie, exigence d’un Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) respectant les mêmes normes que les locations classiques…  

Il a également insisté sur la volonté de mieux encadrer la preuve d’usage, facilitant ainsi le contrôle des activités. L’introduction des quotas de locations, désormais reconnus juridiquement, constitue selon lui une avancée, tout comme la création d’un outil  important : « les communes situées en zone tendue peuvent désormais dédier des parcelles uniquement à la construction de résidences principales », a-t-il souligné. Ces dispositifs doivent permettre aux maires de mieux réguler l’équilibre entre attractivité touristique et droit au logement. 

Comparaison à l’échelle européenne  

Francesca Artioli, Maitresse de conférences en Urbanisme et Aménagement à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC) et Thomas Aguilera, maître de conférences en science politique à Sciences Po Rennes, ont présenté leur prochain ouvrage intitulé “Housing under Platform Capitalism”, à paraître en juin. Ce livre s’intéresse à la régulation des meublés de tourisme en Europe et à leurs répercussions sur les marchés du logement. Les deux auteurs y dressent un constat préoccupant : le phénomène ne se limite plus aux centres-villes des grandes métropoles, mais gagne désormais les périphéries urbaines, voire les zones rurales. Une tendance qui complexifie la régulation à l’échelle locale et soulève de nouveaux défis pour les collectivités. À travers une approche comparée, leur ouvrage ambitionne d’apporter un éclairage européen sur des pratiques de régulation encore très disparates. La répartition entre propriétaires et locataires est l’un des paramètres les plus différenciants entre ces politiques locales. 

 Chiara Venturini, responsable du développement économique et de la transformation numérique au sein du réseau Eurocities, a apporté un éclairage sur la situation des meublés de tourisme dans un cadre européen. Elle a souligné les difficultés d’harmonisation réglementaire, notamment dues aux systèmes d’enregistrement qui reposent souvent sur de simples déclarations des hôtes, rendant les contrôles très complexes. Néanmoins, le règlement de 2024 sur la transparence des données et, plus récemment, l’apparition du tourisme dans les attributions du commissaire européen des transports démontrent que l’Union Européenne s’empare de plus en plus nettement de la question de l’impact du tourisme et de la nécessité d’une régulation à l’échelle du continent. 

 Chiara Venturini a également cité des exemples de villes ayant pris des mesures fortes adaptées à des contextes distincts : Paris, où la durée maximale de location est passée de 120 à 90 nuits par an, Bruges, qui a interdit totalement la location de meublés de tourisme dans son centre historique (avec un impact sur le faible renouvellement de l’offre hôtelière), et la Ville de Barcelone, qui elle prévoit une interdiction progressive de logements touristiques à partir de 2029.  

Les premiers retours des élus de France urbaine  

 Les premiers retours d’expérience des collectivités locales illustrent la diversité des situations territoriales face à l’application de la loi du 19 novembre 2024 sur les meublés de tourisme. Barbara Gomes, pour la Ville de Paris, a rappelé que la capitale a été l’une des premières à réduire le plafond de location de 120 à 90 jours par an, dans un souci de rééquilibrage entre usages touristiques et résidentiels. Ella souligné que la pérennisation de l’expérimentation sur l’encadrement des loyers est une attente forte des territoires urbains où la crise du logement est exacerbée. 

  À Marseille, Patrick Amico, adjoint au Maire en charge du logement, a signalé l’ampleur du phénomène : 12 600 logements de tourisme identifiés et environ 15 000 annonces recensées. Un vote est prévu en avril pour abaisser la durée de location à 90 jours, illustrant une dynamique locale de régulation. 

Avignon, Cécile Helle a salué la reconnaissance de la ville comme zone tendue, y voyant une avancée face à la pression locative croissante. Elle a aussi souligné que, pendant le festival de théâtre, la location saisonnière devient très rentable, ce qui pousse de nombreux propriétaires à louer leurs logements en meublés de tourisme. 

 Du côté de Caen, Cécile Cottenceau, adjointe au Maire en charge du tourisme, a décrit les difficultés spécifiques à une ville marquée par une double pression : d’un côté, le tourisme lié aux plages du débarquement, de l’autre une forte population étudiante – environ 35 000 étudiants – confrontée à une pénurie de logements. Depuis son classement en zone tendue en 2023, la mise en œuvre des nouvelles règles est à l’étude. 

 Enfin, à Annecy, Sophie Garcia, conseillère déléguée au logement abordable, a évoqué les tensions inhérentes à une ville très attractive. Si un règlement local a été, celui-ci est actuellement suspendu à la suite d’un recours en justice initié par le syndicat des conciergeries et multipropriétaires. Elle rappelle néanmoins que l’équilibre est essentiel : « Il faut rester accueillant, mais préserver la place des habitants qui résident dans le cœur historique de la ville ». 

Dans tous les territoires concernés, la construction d’une politique locale de régulation des meublés suppose aussi la consolidation de l’équilibre entre l’intercommunalité et les communes. Si les villes-centres sont les plus touchées, leur maîtrise des outils de régulation doit pouvoir profiter aux communes gagnées à leur tour par la croissance des meublés de tourisme. Et l’intercommunalité peut et doit jouer un rôle non seulement dans la mise à disposition d’une ingénierie dédiée aux plus petites communes mais aussi dans l’intégration de la problématique dans les documents d’urbanisme. 

 L’après-midi, trois ateliers ont permis de travailler sur les volets logement, tourisme et données/API. 

Atelier tourisme

Que peut révéler la question des meublés des usages touristiques, des stratégies d’hébergement et des politiques publiques locales dans ces domaines ? Autour de ces questions, la diversité des situations et la différenciation des outils ont été mis en valeur. 

 Dans la métropole de Tours, la stratégie en matière de tourisme repose sur une logique d’attractivité sans à ce stade développer une réglementation contraignante pour les meublés. Alors que de plus en plus d’hôtels montent en gamme, les autorités locales préfèrent « faire venir plutôt que repousser ». Les données collectées permettent d’affirmer qu’il n’est pas nécessaire d’imposer une réglementation spécifique, dans la mesure où la dynamique actuelle semble positive. La métropole mise notamment sur la décarbonation des déplacements, promouvant les mobilités douces et respectueuses de l’environnement 

 À Avignon, une régulation des meublés touristiques a été mise en place dès février 2022. Cependant, cette initiative suscite des tensions : les hôteliers dénoncent une inégalité de traitement, pointant la rigueur des réglementations auxquelles ils sont soumis (sécurité incendie, normes d’accueil), contrairement aux meublés de tourisme souvent exemptés.  

 À Paris, la ville cherche à réguler les flux touristiques en repensant sa promotion touristique et en suggérant une réduction des créneaux horaires de vols aériens comme le fait Amsterdam. Sur place, l’objectif serait de favoriser les mobilités douces comme le vélo, mais les hôteliers rechignent à investir dans les aménagements requis. La municipalité regrette de ne pas disposer de données précises sur les arrivées ferroviaires, contrairement aux données détaillées disponibles pour les passagers aériens, ce qui freine l’optimisation des stratégies de communication. 

 Enfin, à Lyon, la question de la gestion des flux est elle aussi centrale, notamment le samedi après-midi dans le secteur très fréquenté du Vieux Lyon. L’enjeu consiste à rediriger les visiteurs vers d’autres quartiers et à engager un travail avec les tour-opérateurs de croisières, qui concentrent une grande partie de la fréquentation à certaines heures et dans des zones spécifiques. 

Atelier logement  

La politique de régulation parisienne en matière de meublés de tourisme s’est considérablement renforcée ces dernières années, dans un objectif de meilleur encadrement et de lutte contre les abus. Un des piliers de cette stratégie est la réduction de la durée maximale autorisée de location, passée de 120 à 90 jours par an à compter du 1er janvier 2025. Cette mesure s’inscrit dans un cadre plus large de régulation, alors que la Ville de Paris a dû faire face à de nombreux contentieux avec les plateformes numériques : certaines omettent de transmettre les numéros d’immatriculation des biens loués ou ne déclarent pas les bilans de nuitées. Un cas emblématique, celui d’une plateforme, condamnée à verser 8 millions d’euros à la Ville pour non-respect de la réglementation. 

  À l’échelle nationale, l’entrée en vigueur en 2024 de la loi SREN impose aux plateformes la transmission automatique de données aux communes, avec un décret attendu sur la mise en place d’une API dédiée aux meublés. Le décret Le Meur, quant à lui, instaure un téléservice national pour centraliser les démarches, accompagné de justificatifs obligatoires. 

Toutefois, l’application de ces règles se heurte à des défis juridiques. La Cour de cassation a précisé que les infractions commencées avant l’entrée en vigueur de la loi Le Meur ne sont pas condamnables, posant un problème d’applicabilité dans le temps. Ces règles, s’exposent ainsi à des attaques systématiques, illustrant la tension permanente entre nécessité de régulation et complexité juridique. 

Atelier données

Dans le cadre du renforcement du contrôle des meublés de tourisme, l’API “meublés” dédiée est en cours de déploiement à l’échelle nationale. Ce téléservice, créé sous impulsion européenne, vise à faciliter l’échange de données entre les plateformes de meublés de tourisme et les collectivités, en s’assurant notamment du respect du plafond légal de 120 jours de location par an. Il permettra également de suivre l’évolution du parc de meublés sur chaque territoire. Dans cette logique, environ 29 000 communes accueillant des meublés de tourisme seront concernées par cette mise en œuvre. 

Les plateformes de meublés de tourisme, quant à elles, devront transmettre les données mensuellement pour les grandes structures, et trimestriellement pour les plus petites. L’API offrira ainsi une visibilité accrue sur les nuitées effectuées et un accès à des données brutes en cas de contentieux.  

En phase de bêta-test, des acteurs du secteur sont déjà sollicités pour tester le dispositif. Le déploiement officiel est prévu au second semestre de l’année, sous réserve de validation par la CNIL et la Commission européenne.  

En parallèle, une réflexion est engagée autour de la notion d’occupation des biens, notamment depuis la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales. L’enjeu réside dans l’identification précise des résidences principales. Dans un contexte d’incitation fiscale et réglementaire à la résidence principale, il est paradoxalement de plus en plus compliqué à suivre leur évolution dans les territoires.  

 

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Retour en vidéo sur la journée

Louise Cornillère
Conseillère Finances publiques locales
Baptiste Bossard
Conseiller Logement, politique de la ville et urbanisme
Lionel Delbos
Conseiller Economie territoriale et tourisme
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