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MEUBLÉS DE TOURISME : LES TERRITOIRES PRÉSENTENT LES OUTILS D’UNE RÉGULATION DIFFÉRENCIÉE

Réunis à La Rochelle, à l’invitation de la Communauté d’Agglomération et de France urbaine, élus locaux, parlementaires, techniciens, universitaires et partenaires ont échangé le 4 décembre dernier autour de la question des meublés de tourisme, de leur expansion récente, parfois exponentielle, et des dispositions prises ou à prendre pour permettre à chaque territoire d’encadrer cette offre locative en fonction de ses caractéristiques, de son attractivité et de sa politique d’habitat.

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« Il s’agit de pouvoir vivre, travailler, grandir dans la ville qu’on aime » ont déclaré de concert Jean-François Fountaine, maire de La Rochelle et président de la Communauté d’agglomération, et Cécile Helle, maire d’Avignon, co-présidente de la commission tourisme de France urbaine.

En franchissant cette année le million de meublés de tourisme, la France accueille le quart de l’offre européenne, générant 131 millions de nuitées par an.
Une telle « hypercroissance » déséquilibre un marché du logement, particulièrement tendu, et se traduit par une professionnalisation de l’hébergement temporaire, loin de l’utopie originelle de l’économie du partage, de l’accueil chez l’habitant et du complément de revenu pour les « petits propriétaires ».

La dérégulation par les plateformes et la financiarisation du logement produisent et creusent les inégalités. Le logement n’est plus seulement un droit ou un bien social, il est devenu une valeur spéculative

Francesca Artioli
Maîtresse de conférence à l’École d’Urbanisme de Paris

Les plateformes tentent d’imposer leur modèle économique, participant, elles aussi, de la fragilisation de la souveraineté.

Les deux co-rapporteurs de la proposition de loi à l’assemblée nationale, Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz, et les deux sénateurs Viviane Artigalas et Mickaël Vallet, ont tous mis l’accent sur l’enjeu d’équité fiscale porté par un alignement des différents niveaux d’abattement dont bénéficient les propriétaires de logements mis en location.
« L’intérêt général doit primer » a souligné Inaki Echaniz, quand Lionel Quillet, président de la Communauté de Commune de l’île de Ré, parle de « scandale fiscal », soulignant comme Marie Nédellec, adjointe au maire de la Rochelle, que les élus locaux sont en première ligne, « prennent les coups » et doivent mobiliser leurs services pour pallier les déficiences du contrôle opéré normalement par les services fiscaux.

Nombreux ont d’ailleurs été les intervenants qui ont souligné le coût pour les collectivités d’un dispositif d’enregistrement, contrôle, voire verbalisation des propriétaires indélicats.
La judiciarisation massive du phénomène, participant d’une crispation sociétale générale, accentue la pression sur les élus et leurs services, invitant les communes à travailler de concert, avec la coordination proposée par les intercommunalités. Barbara Gomes, élue à la Ville de Paris, a souligné que seul un travail quotidien et rigoureux de contrôle et de verbalisation avait permis l’endiguement de la croissance des meublés dans la capitale.

Autre point de convergence entre les intervenants : l’importance de s’outiller territorialement pour disposer de données fiables permettant de mesurer et contrôler.
À l’échelle locale, comme le font la Ville de Paris ou l’agence d’urbanisme de la région de Saint-Nazaire.
À l’échelle européenne aussi, au regard de l’imminence de la finalisation d’un règlement européen donnant aux plateformes un cadre plus clair et strict dans le traitement et la transmission des données.

Dernier thème abordé : en encourageant ou limitant les meublés, les territoires travaillent aussi à faire pivoter leurs stratégies touristiques.
« Nous devons tourner le dos à la déshumanisation de l’accueil pour encourager un tourisme d’expérience » dit Cécile Helle, « dans le respect de l’identité de chaque territoire ».
Roland Hirigoyen, vice-président de l’agglomération du Pays Basque, a pointé les crispations croissantes provoquées par la présence massive de visiteurs dans des secteurs se vidant progressivement de leurs habitants permanents.

Outre l’uniformisation de l’offre, c’est l’impact sur le patrimoine qui a été notamment souligné par Sophie Garcia, adjointe au maire d’Annecy : la transformation à marche forcée d’immeubles ou de parties d’immeubles en meublés de tourisme, sans coordination, ni autorisation d’urbanisme, peut provoquer d’importants désordres dans un bâti ancien et fragile.

La gestion des meublés de tourisme, en faisant travailler élus et services chargés des questions de logement, d’urbanisme, de fiscalité et de tourisme, crée une transversalité bienvenue dans les collectivités locales.
Elles attendent de l’État une approche aussi intégrée et durable afin que les territoires disposent d’une boîte à outils leur permettant d’encadrer sans interdire, de réguler sans supprimer, en cohérence avec leurs stratégies de l’habitat et d’attractivité. C’est sous cet angle que France urbaine poursuivra son travail de partage et de propositions en vue notamment des textes de loi en perspective sur le logement et la décentralisation.

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