MESURES DE SIMPLIFICATION DANS LA FPT : MALGRÉ LES INCERTITUDES, QUE PEUVENT-ILS EN ATTENDRE LES EMPLOYEURS ?
Le gouvernement – aujourd’hui démissionnaire – portait, lorsqu’il était en exercice, dans la continuité du « Roquelaure de la simplification » tenu le 28 avril dernier, un paquet dit « Ravignon » de mesures de simplification. Issues pour la plupart du rapport du maire de Charleville-Mézières, ces mesures relèvent à la fois de décrets et d’un projet de loi annoncé. Saisi avant la démission du gouvernement des textes réglementaires envisagés, le CSFPT a examiné ces derniers le 17 septembre. Associée à ces différents textes, France urbaine décrypte ces projets et leur possible devenir au vu de la configuration institutionnelle…

Avancements de grades, monétisation du CET, périodicité des visites médicales, etc. : retour sur les décrets au menu du dernier CSFPT
Au terme de plusieurs réunions de travail tenues ces derniers mois, notamment avec les associations d’élus – dont France urbaine – en lien avec les cabinets des ministres François Rebsamen et Laurent Marcangeli et la direction générale des collectivités locales (DGCL), cette dernière ayant procédé à une analyse de la faisabilité et traduit en textes certaines mesures du rapport Ravignon, le CSFPT a été saisi de sept textes de décrets lors de sa plénière du 17 septembre.
Sur ces textes, cinq sont plus susceptibles de concerner les employeurs urbains :
- Un texte vise à simplifier les conditions d’assimilation des CCAS/CIAS, lesquels seront, de droit, assimilés à leur commune ou EPCI de rattachement, sans plus évoquer leur budget ou leur effectif, comme c’est le cas en l’état du droit, ce qui conduit le plus souvent à une assimilation de niveau très inférieur et vient contraindre les possibilités de créations d’emplois de catégorie A. Ce faisant, il s’agit de « faciliter les mobilités» selon la DGCL. Ce texte a reçu un avis favorable.
En revanche, alors que France urbaine avait voulu saisir l’occasion de ce texte pour porter une revendication de longue date des pôles métropolitains, outils de coopération interterritoriale, à savoir la modification du décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 pour assimiler ces syndicats mixtes créés par la loi RCT en 2010 à leur collectivité membre la plus peuplée, la DGCL a opposé le fait qu’il lui serait impossible de justifier ce traitement spécifique au regard des autres types de syndicats mixtes.
- Un autre texte vise à assouplir les règles d’avancement de grade en catégorie B, en supprimant la règle selon laquelle le nombre de promotions susceptibles d’être prononcées au titre de l’examen professionnel ou au choix « ne peut être inférieur au quart » du nombre total d’avancements dans ce grade. En effet, celle-ci constitue un verrou important aux avancements de grade en catégorie B, les examens professionnels n’étant pas organisés tous les ans. À cela s’ajoute le fait que la clause de sauvegarde prévue précisément pour pallier ce verrou apparaît à l’usage peu opérante. Aussi le décret propose de supprimer cette clause. Ce faisant, cette évolution devrait contribuer à une application plus effective des ratios « promus / promouvables » adoptés par les organes délibérants.
Ce texte a reçu un avis favorable avec par ailleurs l’adoption d’un amendement commun entre employeurs et syndicats, soutenu par la DGCL, introduisant une disposition transitoire consistant à établir un tableau complémentaire au titre de la première année de mise en œuvre, en cas d’épuisement des listes.
- Un décret viendrait également ouvrir la possibilité, localement, pour une assemblée délibérante, après avis du comité social territorial (CST), de plafonner le nombre de jours de compte épargne temps (CET) monétisables. Ce texte, rédigé à la demande de France urbaine, répond essentiellement à un besoin de sécurisation juridique alors que certains de ses membres font l’objet de contrôles de chambres régionales des comptes (CRC) pointant, selon l’analyse des magistrats financiers, l’absence de dispositions en droit positif qui permettraient expressément un tel plafonnement. Or de telles politiques locales de l’employeur répondent pourtant à un souci de bonne gestion mais aussi de qualité de vie au travail (QVT), en incitant les agents à poser leurs congés, ce que les syndicats ont eux-mêmes reconnu. Le projet de décret a ainsi un avis favorable.
- Un autre décret – fortement débattu – vient porter à titre dérogatoire de deux à cinq ans la périodicité des visites médicales d’information et de prévention pour la seule « filière administrative territoriale de catégorie A et B». S’il répond à un principe de réalité au vu du déficit de médecins de prévention, ce texte, qui suscite sans surprise une opposition unanime des organisations syndicales, présente d’importantes limites.
En effet, dans un amendement co-rédigé par la fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) et France urbaine, les employeurs territoriaux pointent le fait que le champ de cette dérogation « ne correspond pas nécessairement à la réalité de l’exposition des agents aux risques professionnels puisqu’elle fait référence, non pas des réalités « métiers » mais à des catégories statutaires » et que « en maintenant une périodicité de deux ans comme règle générale (contrairement au secteur privé et à la FPE), [cette dérogation] n’apparaît pas de nature à permettre un redéploiement suffisant du temps médical vers la surveillance des agents les plus exposés. »
Aussi, les employeurs proposent d’assurer plus franchement « l’alignement de la périodicité de la visite médicale des agents sur celle en vigueur dans le secteur privé et dans la fonction publique de l’Etat (tous les 5 ans minimum contre 2 dans la FPT) qui permettrait de renforcer la surveillance des agents ayant plus particulièrement besoin de surveillance médicale et notamment les personnes en situation de handicap, les femmes enceintes, les agents en PPR, … » ainsi que « le maintien d’une périodicité à 2 ans pour les métiers à risques et pénibles ».
Ce projet de texte ayant reçu – sans surprise – un avis unanimement défavorable des organisations syndicales, il devra donc être à nouveau présenté au CSFPT, vraisemblablement à la plénière du 8 octobre. L’amendement précité n’a pas convaincu la DGCL qui, si elle juge son approche pertinente, craint que sa formulation donne lieu à des difficultés d’objectivation et d’application sur le terrain.
- Enfin, un projet de texte – qui concerne certes relativement peu les membres de France urbaine et davantage les régions et départements – propose d’étendre la liste des lieux où peut se tenir le conseil de discipline à de nouveaux types de lieux, plus proches des collectivités territoriales et des agents, telles que « les sous-préfectures ou une collectivité ou un établissement public», comme le préconisait le rapport Ravignon. Le choix du lieu resterait laissé à la décision du magistrat administratif président du conseil de discipline. Il s’agit là essentiellement d’une demande relayée par Régions de France compte tenu de l’éloignement qui peut exister dans les grandes régions entre le lieu d’exercice des missions de l’agent et le lieu de tenue du conseil de discipline. Cependant, cette disposition suscite des réserves, notamment de la part des syndicats, quant au discernement dont devra faire preuve le tribunal administratif s’agissant de la neutralité du lieu mais aussi, à l’inverse de l’objectif de rapprochement affiché, aux longs déplacements qui pourraient être induits pour les membres du conseil de discipline.
Aussi, ce texte a également été unanimement repoussé par les syndicats et devra, en toute logique, être réinscrit à l’ordre du jour de la prochaine plénière.
Selon nos informations, la DGCL pourrait proposer à cette occasion une nouvelle version, plus proche des propositions des employeurs territoriaux et en particulier des centres de gestion.
Des mesures modestes, soumises désormais à la nomination d’un nouveau gouvernement
Si chacun relèvera que les objets de ces textes restent très modestes, c’est notamment dans la mesure où la plupart des évolutions préconisées par le rapport Ravignon relèvent de la loi et non du règlement.
Par ailleurs, la publication de ces textes reste subordonnée à la nomination d’un gouvernement de plein exercice. En effet, bien que l’examen proprement dit de ces textes n’ait pas été tributaire du contexte institutionnel consécutif à la démission du gouvernement Bayrou car la saisine du CSFPT sur ces textes a été opérée formellement alors que le Gouvernement était encore en plein exercice, seul un nouveau gouvernement pourra contresigner les décrets, ce qui devrait dans tous les cas contribuer à retarder le processus normatif, jusqu’à la publication au Journal officiel.
Si, sur le fond, il est peu vraisemblable que le nouveau gouvernement – quel qu’il soit – remette en cause ces dispositions, il est encore plus difficile qu’à l’accoutumée de tabler sur une quelconque échéance de publication et de donner ainsi la visibilité attendue à nos membres.
Un projet de loi mis en chantier par le futur ex-gouvernement mais encore au stade d’intentions et plus incertain encore…
À plus forte raison, la démission gouvernementale remet en cause les intentions exprimées par le futur ex-gouvernement de déposer un projet de loi incluant les dispositions de simplification issues du rapport Ravignon qui relèvent de la loi, le dépôt d’un tel texte au Parlement étant évidemment incompatible avec le régime des affaires courantes et son examen ne pouvant être envisagé, en toute hypothèse, que lorsque les travaux parlementaires pourront reprendre. De surcroît, selon nos informations, le texte apparaît dans tous les cas très loin d’être déposé dans la mesure élémentaire où sa rédaction n’est pas finalisée.
Simplification et protection des agents
À ce stade, selon les orientations générales dont France urbaine a eu communication, le texte visé comprendrait aussi bien des mesures de simplification que de « protection des agents ».
Au titre de cette dernière, le gouvernement entendait introduire la possibilité pour une administration ou une collectivité de déposer plainte en lieu et place de l’agent en cas de violence contre les agents publics, selon un mode opératoire qui préserverait évidemment le consentement de l’agent et ses droits en tant que victime. Aujourd’hui, les seuls dépôts de plainte possibles par une collectivité en tant que personne morale en cas de menaces ou violences contre des agents le sont sur le fondement de l’article 433-3-1 du code pénal lorsque ces actes sont commis « afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service. »
Cette nouvelle disposition était attendue par France urbaine, alors qu’elle avait déjà fait l’objet d’annonces de Stanislas Guerini, alors ministre, en 2023, et que le ministre visait alors comme véhicule législatif le projet de loi dont il était porteur, texte finalement balayé par la dissolution.
Au titre de la protection des agents, France urbaine a demandé au Gouvernement s’il envisageait de saisir l’occasion du texte pour le compléter d’une disposition venant combler le vide juridique concernant l’octroi de la protection fonctionnelle aux agents publics mis en cause au titre de la responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP) en cohérence avec nos prises de positions sur le sujet. Telle semblait être l’intention de nos interlocuteurs mais ce sujet suscite encore débat et est loin de faire l’objet d’un soutien consensuel de tous les acteurs, dont certains se sont même placés en position défensive à cet égard…
Sur ce point, il n’en demeure toutefois pas moins que la censure récente par le Conseil constitutionnel, saisi au titre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), ayant pour effet leur abrogation, des dispositions du code des juridictions financières régissant le régime de calcul des amendes applicables au titre de RGPD devrait obliger, d’une manière ou d’une autre, à légiférer en la matière…
Au titre de la simplification, le Gouvernement entendait en particulier supprimer l’obligation systématique de publication d’une déclaration de vacance d’emploi (DVE) en cas de renouvellement d’un contrat à durée déterminée (CDD), comme le préconisait le rapport Ravignon. Critiquée par les syndicats selon lesquels elle opérerait un renversement en instituant de fait une priorité de recrutement aux contractuels, ouvrant une brèche dans le statut, cette mesure est fortement soutenue par France urbaine car cette publication systématique constitue une formalité jugée aussi lourde que superfétatoire, qui adresse un signal trompeur et extrêmement négatif aux candidats qui pensent ainsi candidater sur un poste ouvert et en consentent légitimement une profonde amertume quant aux conditions d’accès aux emplois publics, nuisant ainsi à l’attractivité de la fonction publique.
Au chapitre des déceptions en revanche, en matière d’apprentissage, là où la mise en place d’une voie d’accès dédiée et réservée, dans une logique de pré-recrutement, constituait une hypothèse faisant l’objet d’un engagement de Stanislas Guerini, ne serait ici envisagé que le fait de comptabiliser le temps passé en apprentissage dans la durée de service effectif requise pour présenter les concours. Une avancée extrêmement modeste qui a fait réagir d’emblée France urbaine, faisant part de sa déception et rappelant que « la mise en place d’une voie d’accès dédiée aux apprentis constituait un engagement passé, affiché de façon discutable comme une contrepartie à la remise en cause unilatérale des financements de l’État et de France Compétences, seule à même de « capter » les apprentis dans la sphère publique » et que, en l’état, l’on va à la fois vers « la fin des financements en 2026 et l’absence de ce qui était présenté comme sa contrepartie. »
Enfin, parmi les dispositions envisagées au titre de ce texte, figurerait la pérennisation – qui relève de loi – du dispositif de rupture conventionnelle, introduit à titre expérimental par la loi de transformation de la fonction publique (TFP) de 2019. L’occasion pour France urbaine d’en appeler à passer en revue l’ensemble des dispositifs expérimentaux de la loi TFP pour être au rendez-vous de leur éventuelle échéance, comme c’est le cas notamment pour le mécanisme dérogatoire de promotion / reclassement dédié aux agents en situation de handicap (article 93 de la loi) qui doit prendre fin au 31 décembre 2026.
Le besoin d’un véhicule législatif pour traiter les sujets RH du quotidien dans une logique transpartisane
L’ensemble de ces sujets témoigne de la nécessité de légiférer assez rapidement non pour porter nécessairement une réforme profonde et ambitieuse de la fonction publique – quand bien même celle-ci pourrait s’appuyer sur une majorité, ce qui est tout sauf acquis – mais pour porter, dans un cadre transpartisan, des dispositions répondant au quotidien des employeurs et de leurs services RH.
On notera à cet égard que, parmi les pistes communiquées, ne figurent pas des mesures plus « clivantes » telles que la décorrélation de la valeur du point dans la FPT, pourtant annoncée par le Gouvernement au début de l’été, alors qu’elle avait été expressément écartée par la Coordination des employeurs territoriaux (CET) dans une contribution d’octobre 2023, ou encore le primo-recrutement en CDI dans la FPT, tel qu’il existe dans les deux autres versants.