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LOI DE FINANCES : LA SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES NE SAURAIT JUSTIFIER UNE POLITIQUE DE GRIBOUILLE

Enfin promulguée, la loi de finances initiale pour 2025 (LFI 25) laisse un goût amer aux membres de France urbaine. D’une part, et principalement, du fait d’une mise à contribution des grandes collectivités au redressement des comptes publics qui, malgré la réduction du quantum va douloureusement impacter les usagers du service public local de proximité, en particulier pour les grandes communautés et métropoles qui pâtissent du choix du Sénat d’avoir fait porter ses efforts sur les seules communes. D’autre part, parce que certaines dispositions du texte témoignent malheureusement d’une impréparation et/ou d’une méconnaissance de mécanismes régissant les finances locales.

Les difficultés objectives des comptes publics ne doivent pas pour autant conduire à une mise en contradiction des politiques publiques

Trois dispositions ont particulièrement retenu l’attention des membres de la Commission finances de France urbaine, réunie le 13 février dernier. Il s’agit de mesures synonymes d’incohérence dans la conduite des politiques publiques :

  • La désincitation des EPCI à être acteurs de la politique de réindustrialisation (est ici visé l’article 109 du PLF venant geler la TVA allouée aux EPCI en compensation de la suppression de la CVAE).
  • La pénalisation indue des EPCI les plus intégrés (article 107 conduisant à une ponction sur la DCRTP).
  • Un financement anti-péréquateur de la péréquation (articles 107 et 178 relatifs à la DGF).

 

Le Fonds national d’attractivité économique des territoires : un gel incompréhensible

Douloureux arbitrages fonciers, sensibilité croissante des populations aux externalités négatives générées par les établissements industriels, coûts croissants des infrastructures publiques d’aménagement : l’accueil local et l’accompagnement du développement des entreprises est complexe et souvent budgétivore. C’est pourquoi il ne peut y avoir de politique de réindustrialisation efficace sans un fort volontarisme des élus locaux. A cet égard, afin que la suppression de la CVAE, impôt territorialisé, ne soit synonyme de désincitation à l’action locale en faveur du développement économique, France urbaine s’est tout particulièrement mobilisée pour que la compensation de disparition de la CVAE en tant qu’impôt local tienne compte des réalités territoriales. Tel est l’objet du Fonds national d’attractivité économique des territoires (FNAET) qui vise précisément à maintenir un lien entre l’installation des entreprises sur le territoire et le produit fiscal perçu par les EPCI).

Mis en place en 2023, ce mécanisme demeure faiblement doté (144 M€ la première année) car il n’est financé que par la dynamique de quote-part de TVA allouée en compensation de la CVAE intercommunale. Or en gelant la TVA fléchée aux collectivités, l’article 109 de la LFI 25 vient ôter le FNAET de toutes ressources nouvelles. On peut dès lors s’interroger si le gouvernement et les parlementaires ont bien compris qu’en réduisant l’intéressement des EPCI à l’accueil d’entreprises, ils ont agi en contradiction avec la politique partagée de réindustrialisation.

 

Une répartition inique de la ponction sur la DCRTP

Tout comme les textes précédents, la loi de finances pour 2025 contient des dispositions invitant à l’intégration intercommunale, notamment au travers de la confirmation de l’augmentation de la dotation d’intercommunalité (+ 90 M€). Mais cette même loi de finances vient amputer la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCRTP essentiellement allouée aux EPCI) à hauteur de 150 M€. En souscrivant à cette mesure, le législateur paraît ignorer que ce sont précisément les EPCI pour lesquels la DCTRP pèse le plus lourd dans leur budget qui ont été les grands perdants de la réforme de la taxe professionnelle. Pis, il a validé un mode de répartition de l’effort (- 17,9% en moyenne nationale, concentré sur 37% des EPCI « concernés »), fondé sur le niveau de recettes de fonctionnement des EPCI, arguant, selon l’exposé des motifs de l’article afférent, qu’il s’agit de tenir compte de la richesse relative des EPCI.

 

En cela, le législateur ignore que, s’agissant des EPCI, le niveau des recettes ne reflète aucunement un niveau de richesse mais n’est que la traduction d’un degré d’intégration intercommunale plus ou moins abouti. Ponctionner d’autant plus que l’intégration est importante constitue un magnifique exemple de contradiction de politiques publiques : d’un côté, la dotation d’intercommunalité est maximisée lorsque le coefficient d’intégration est élevé, d’un autre côté, la DCRTP est d’autant plus ponctionnée que l’intégration est élevée. La précision de l’exposé des motifs selon laquelle, cette modalité de minoration est proposée « dans un souci d’équité », est malheureusement un cas d’école d’inexactitude technique !

D’entrée, le PLF pour 2025 proposait une augmentation des dotations de péréquation communales de 140 M€ pour la dotation de solidarité urbaine et de 150 M€ pour la dotation de solidarité urbaine (sans d’ailleurs justifier cette différence entre DSU et DSR).

A enveloppe constante de DGF, le financement de l’augmentation de la DSU et de la DSR se fait par prélèvement sur la dotation forfaitaire. Or plusieurs centaines de communes ont désormais une dotation forfaitaire nulle. Ces communes sans dotation forfaitaire ne peuvent ainsi pas participer au financement de la péréquation, ce qui est paradoxal, ou plus précisément « antipéréquateur », étant donné que ce sont, schématiquement, les communes dites « riches » qui ne disposent plus de dotation forfaitaire.

C’est pourquoi France urbaine avait salué l’arbitrage obtenu par le ministre en charge des collectivités permettant d’augmenter de 290 M€ l’enveloppe globale de DGF. Ainsi le gouvernement donnait tout son sens à la dynamique péréquatrice de la DSU et de la DSR.

Patatras, la CMP ne voyant dans l’articulation entre les articles 107 (montant de l’enveloppe globale de DGF) et 178 (dispositions relatives à la répartition de la DGF) qu’une question d’allocation de crédits sans en comprendre le sens politique a réduit de 140 M€ (de 290 à 150) l’enveloppe globale !

Cet épisode vient malheureusement illustrer le fait que même en cas d’arbitrage gouvernemental favorable, on ne saurait être à l’abri de décisions de certains parlementaires insuffisamment aguerris aux méandres des finances locales …

 

 

 

Franck CLAEYS
Délégué adjoint f.claeys@franceurbaine.org
Louise Cornillère
Conseillère Finances publiques locales l.cornillere@franceurbaine.org
Sarah Bou Sader
Conseillère Relations parlementaires s.bousader@franceurbaine.org
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