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LOI AGEC : CLARIFICATION DES ACHATS ISSUS DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Attendues initialement à l’été 2023, les nouvelles dispositions relatives à la mise en œuvre de l’article 58 de la loi AGEC ont été finalement promulguées le 21 février 2024, après plusieurs détours par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) et le Conseil d’État. L’article 58 de la loi AGEC fixe, pour mémoire, des seuils minimaux d’achats de fournitures issus du réemploi ou de réutilisation, ou intégrant des matières recyclées pour certaines catégories de produits, objectifs exprimés en pourcentages exprimés des dépenses annuelles d’achat sur les segments concernés.

 

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Il s’agit, au travers des achats visés, d’accroître la circularité des approvisionnements, de réduire incidemment l’empreinte carbone, et de contribuer à consolider ou faire émerger des filières par ailleurs souvent pourvoyeuses d’emplois locaux.

Des objectifs avec lesquels France urbaine est parfaitement alignée. Mais il y a parfois loin de l’intention à la mise en œuvre, et le décret de mise en œuvre de 2021 avaient ainsi concentré de nombreuses critiques, tant sur la forme que sur le fond.

Parmi les principaux griefs, le choix de définir les catégories de produits en recourant à une nomenclature CPV (ou Vocabulaire commun pour les marchés publics) dans les faits très peu utilisée opérationnellement par les acheteurs (en tout cas pour cartographier leurs achats et computer les seuils de passation), et qui posaient parfois autant de questions qu’elle n’apportait de réponses quant au périmètre réellement visé.

Certains produits étaient par ailleurs étonnamment absents, quand l’inclusion d’autres semblait à l’inverse peu pertinente : personne n’imaginait qu’il soit ainsi possible de réemployer des masques de protection en textile.

Conscients de ces insuffisances et de la nécessité d’améliorer le dispositif, et conformément à l’article 4 du décret de 2021 invitant à dresser un premier bilan de l’application des dispositions au plus tard en décembre 2022 permettant d’évaluer “l’opportunité d’une évolution de la liste des produits ou des catégories de produits et des proportions minimales fixés”, le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) a lancé, à l’été 2022, une large consultation des parties prenantes.

C’est un chantier ouvert et constructif auquel lequel France urbaine a pris toute sa part, en formulant plusieurs propositions visant à corriger les “défauts de jeunesse” susmentionnés. La plupart de ces propositions ont été reprises dans la version promulguée le 21 février 2024 :

  • la nomenclature CPV est abandonnée au profit d’une description des catégories de produits en “langage naturel”, que chaque collectivité pourra transposer dans sa propre nomenclature de computation et/ou de cartographie,
  • de nouvelles catégories voient le jour (matériel de collecte des déchets, matériel d’entretien des espaces verts, articles et équipements sportifs, etc.), d’autres sont maintenues alors que leur suppression avait été envisagée (exemples : jeux et jouets), tandis que les équipements de protection individuelle, peu ou pas du tout compatibles avec le réemploi ou la réutilisation, sont désormais explicitement exclus du périmètre,
  • les objectifs sont réajustés en tenant compte des capacités réelles des filières, avec une progressivité exprimée en trois paliers calendaires (2024, 2027 et 2030),
  • les dons peuvent désormais être comptabilisés dans les actions des collectivités.

Ces nouvelles dispositions donnent donc globalement satisfaction.

On peut regretter, en revanche, que leur prise d’effet ait été fixée au 1er juillet 2024 : le reporting AGEC exprimé en dépenses – pertinent sur le fond – est déjà un exercice difficile compte tenu des faibles (ou inexistantes) connexions entre systèmes d’information financiers, SI achats et/ou systèmes d’approvisionnement : réaliser une comptabilisation infra-annuelle pour certains éléments relèvera parfois de la mission impossible.

Mais ni ces difficultés résiduelles de mise en œuvre, ni les imprécisions de la première mouture du décret, ne doivent pas masquer l’essentiel : dans la réorientation de la commande publique vers la durabilité, l’article 58 de la loi AGEC est un marqueur probablement aussi important que les articles 35 et 36 de la loi climat et résilience.

Et si les résultats tardent parfois à apparaître, les changements sont bien réels dans la pratique des acheteurs et des directions opérationnelles, qui tendent dorénavant à intégrer les questions de réemploi et de réutilisation avant même l’expression des besoins, dès le stade de la programmation.

C’est un premier pas essentiel, qui va aujourd’hui bien au-delà des marchés de fourniture ciblés par AGEC. 

Les enjeux d’économie circulaire et de sobriété imprègnent désormais aussi les marchés de travaux et de construction, un sujet sur lequel France urbaine y travaille de concert avec l’INEC, au travers d’un cycle de webinaires organisé tout au long de l’année 2024.

Christophe Amoretti-Hannequin
c.amoretti-hannequin@franceurbaine.org
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