LES PRINCIPALES AVANCÉES DE LA LOI « INDUSTRIE VERTE » EN MATIÈRE DE COMMANDE PUBLIQUE
La loi dite « industrie verte » du 23 octobre 2023, entendait mobiliser la commande publique pour amplifier la reterritorialisation des emplois, en valorisant mieux, notamment, « les entreprises produisant sur le territoire national et celles, à l’échelle européenne, qui produisent selon les mêmes exigences élevées de décarbonation et de préservation de l’environnement ». Une voie très étroite, alors que deux directives européennes de 2014, véritable « constitution » de l’achat public, proscrivent toute forme de « préférence européenne » et que la France, plutôt en avance sur d’autres pays européens en matière d’achats durables, a déjà beaucoup légiféré dans le domaine (loi AGEC, climat et résilience etc.). Il n’est donc pas surprenant que le texte ne propose au final que de timides avancées, relevant parfois du registre du symbolique…
Parmi les améliorations à saluer, plusieurs dispositions concernent les SPASER, désormais étendus à l’ensemble des acheteurs publics dont les dépenses achats annuelles sont supérieures à 50 M€. Outil jugé unanimement efficace pour structurer une véritable politique d’achats durables et embarquer l’ensemble d’une administration au service d’un objectif commun (une démarche dont l’approche est finalement assez similaire à celle de l’évaluation environnementale des budgets), il n’y avait guère de justifications à ce que les acheteurs étatiques ou hospitaliers continuent à en être exemptés (et certains n’ont d’ailleurs pas attendu que le législateur les y oblige pour se lancer). France urbaine accueille également positivement la possibilité – qu’elle appelait de ses vœux – de mutualiser un même SPASER entre plusieurs collectivités – typiquement entre un EPCI et ses communes membres – voire au-delà, par exemple en y associant un département, voire des établissements hospitaliers, ce qui permettra d’en décupler les effets territoriaux, une évolution cohérente de la précédente. Mais si l’on ne peut par ailleurs qu’approuver l’adjonction de nouveaux objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de sobriété énergétique dans ces schémas, il est regrettable que ce que l’on peut considérer comme un « bug rédactionnel » introduit à la faveur d’un amendement ne laisse à penser que les marchés de travaux seraient hors champ des SPASER, alors qu’il s’agit de contrats se prêtant particulièrement bien à l’inclusion de considérations sociales et environnementales. Ce point mériterait d’être corrigé dans un prochain texte.
D’aucuns plaidaient pour une entrée en vigueur moins tardive qu’août 2026 de la systématisation des considérations environnementales prévue par l’article 35 de la loi climat et résilience. La loi ne fait de ce point de vue qu’entrouvrir la porte, en prévoyant « des dates fixées par décret en fonction de l’objet du marché », ce qui correspond à une évolution souhaitée par France urbaine, au moins pour les concessions. Est-ce pour « compenser » cette très timide avancée que le législateur a jugé opportun de faire remonter dans la partie législative du Code de la commande publique la possibilité pour l’acheteur d’inclure un critère environnemental dans ses appels d’offre ? Au mieux, cela ne changera strictement rien dans la pratique quotidienne d’acheteurs qui n’ignorent pas cette faculté inscrite de longue date dans les textes et qui tend déjà à se généraliser, et au pire, cela introduira de la confusion dans des articles qui seront par ailleurs modifiés par la loi climat et résilience… Les acheteurs ont moins besoin de symboles que d’outils, et de ce point de vue il nous eût semblé plus utile d’étoffer les ressources qui, au sein du CGDD, de l’ADEME ou de l’OECP, travailleront à la mise en place d’outils d’analyse du cycle de vie que l’État est engagé à mettre à disposition des acheteurs au plus tard au 1er janvier 2025, tant le coût de cycle de vie constitue un levier potentiellement puissant pour valoriser les offres environnementalement les plus vertueuses, ce qui est également l’ambition du futur standard dit « triple E » d’excellence environnementale européenne, dont l’élaboration annoncée lors de la présentation du projet de loi a été renvoyée à un travail tout juste initié par l’AFNOR.
La loi introduit enfin deux nouveaux motifs d’exclusion facultatifs, pour non-respect des obligations de reporting de durabilité CSRD, ou absence d’établissement d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) – une obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés.
Seront-ils effectivement mis en œuvre, sachant que les exclusions facultatives sont aujourd’hui relativement peu utilisées, par crainte de contentieux ? Il ne serait pas inutile que les acheteurs disposent d’un véritable registre national, mis en place par l’État, permettant de savoir de façon quasi instantanée si une entreprise respecte (ou pas) telle ou telle obligation…