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LES MAIRES DANS LA PERSPECTIVE DE 2026 : ENTRE ENGAGEMENT ET LASSITUDE

À moins d’un an des élections municipales, une vaste enquête du Cevipof, réalisée en partenariat avec les associations d’élus dont France urbaine, éclaire les intentions des maires sortants. Derrière des chiffres relativement stables, se dessinent les contours d’une démocratie locale en tension, tiraillée entre engagement civique et pressions croissantes dans l’exercice des fonctions électives.

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Parmi les 5 266 maires interrogés en mars 2025, seuls 42 % déclarent souhaiter se représenter en 2026. Ce chiffre, bien que conforme à celui observé avant les élections de 2020, masque une dynamique plus inquiétante : 30 % des maires sont encore indécis et 28 % ont d’ores et déjà acté leur retrait. La stabilité apparente du taux de réengagement ne doit donc pas dissimuler une érosion lente mais continue du socle de l’engagement municipal, surtout dans les territoires les plus fragiles.

La taille de la commune, déterminant des difficultés relatées

Le critère de la taille communale reste déterminant dans les intentions de réengagement. Ainsi, 70 % des maires de communes de plus de 9 000 habitants envisagent de se représenter, contre seulement 37 % dans les communes de moins de 500 habitants. Cet écart est sans doute le signe de difficultés d’exercice des fonctions encore plus marquées du fait d’une solitude croissante soulignée par les élus des petites communes, où la fonction de maire s’exerce souvent sans appui administratif et avec une exposition directe aux tensions qui peuvent survenir avec les administrés.

L’étude met également en lumière un facteur cumulé : plus l’ancienneté dans la fonction est élevée, plus le taux de désengagement augmente. Seuls 36 % des maires entamant un troisième mandat souhaitent poursuivre. L’âge et l’usure psychologique prennent ici toute leur importance. Maire n’est pas une fonction anodine : c’est un engagement total, souvent vécu comme un sacerdoce.

L’engagement municipal : entre volonté de servir l’intérêt général et fatigue personnelle

Malgré tout, l’attachement au territoire reste profondément ancré. Les maires vivent dans leur commune, s’y sentent utiles, investis et responsables. Les cérémonies locales, les rencontres citoyennes informelles ou encore les conseils municipaux apparaissent comme les moments les plus appréciés de leur mandat. Cette proximité, pilier de la démocratie locale, est en même temps ce qui la rend vulnérable.

Les raisons du renoncement ne sont pas uniquement institutionnelles. Le sens du devoir accompli (20 %) et le sentiment de surexposition ou d’insécurité (19 %) figurent parmi les principales motivations personnelles des maires ne souhaitant pas continuer. Le climat de tensions sociales, les violences verbales (36 %), les injures (33 %) et les agressions en ligne (25 %) sont autant de signes d’un malaise profond dans l’exercice des fonctions électives.

L’invocation du poids croissant des contraintes institutionnelles

Les maires pointent également un décalage préoccupant entre leurs responsabilités et les moyens dont ils disposent. Le manque de ressources financières, dénoncé par 17 % des répondants, s’ajoute à une exigence citoyenne jugée excessive par 74 % d’entre eux. Dans un contexte de montée des attentes sociales, la suppression de la taxe d’habitation a laissé un vide budgétaire encore mal compensé. L’insuffisante reconnaissance du rôle du maire, tant par l’État que par les institutions locales, alimente un ressentiment silencieux, mais palpable.

Les élus locaux dénoncent également l’inflation du cadre réglementaire et la difficulté croissante à gérer certains dossiers complexes comme l’urbanisme, la sécurité ou l’aménagement. À l’inverse, les tâches jugées plus routinières, telles que la gestion des demandes administratives, sont perçues comme plus gratifiantes. Ce paradoxe illustre la tension entre la fonction politique et la technicisation croissante du rôle de maire.

Il renvoie aussi à l’alerte que France urbaine porte d’un cadre juridique qui peut conduire aujourd’hui à des mises en cause pénales croissantes, fondée sur la prévention de la prise illégale d’intérêts, qui alimentent à la fois un climat de suspicion et une réelle insécurité dans l’exercice des fonctions.

France urbaine plaide pour une réforme ambitieuse du statut de l’élu local

France urbaine salue le mérite civique des élus locaux et appelle à un sursaut collectif pour revaloriser durablement les fonctions électives locales, en première ligne des défis démocratiques, sociaux et économiques.

Depuis plusieurs années, France urbaine plaide avec constance pour une réforme ambitieuse du statut de l’élu local, afin de mieux reconnaître l’engagement personnel des exécutifs locaux et de lever les freins au renouvellement démocratique. Cela passe par une sécurisation des parcours professionnels, un accompagnement renforcé à la sortie de mandat, mais aussi une protection accrue face aux violences et aux responsabilités juridiques croissantes.

Au-delà de ces enjeux, doit également primer l’attractivité des fonctions électives et la diversification des profils en levant les freins à l’accès en particulier des jeunes et des femmes à ces fonctions.

À l’heure où le Gouvernement et le Parlement s’apprêtent à examiner plusieurs textes sur à ce sujet, France urbaine appelle à ce que ces enjeux ne soient pas relégués à l’arrière-plan, mais au contraire traités comme une priorité démocratique nationale. Sans reconnaissance réelle de leur rôle, sans moyens d’agir, les élus locaux se retireront peu à peu, non par désengagement, mais par découragement. Il est urgent de leur redonner confiance, appui et perspectives.

Car derrière chaque décision de renoncement, ce sont les fondements de la République de proximité qui vacillent. Et derrière chaque engagement renouvelé, c’est l’espoir d’un avenir commun ancré dans les territoires qui subsiste.

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