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LES ÉLUS DE FRANCE URBAINE METTENT À JOUR LEURS AMBITIONS SUR LA JEUNESSE

En 2021, Mathieu Klein, maire de Nancy, président de la métropole du Grand Nancy et coprésident de la Commission Solidarités de France urbaine proposait le lancement d’une expérimentation en vue de lutter contre la pauvreté des jeunes. Depuis lors, plusieurs dispositifs nationaux et territoriaux ont été mis en place. Pourtant certains signaux restent préoccupants sur cette tranche d’âge, structurellement plus touchée par la pauvreté que le reste de la population. Le 24 avril dernier, plusieurs élus de France urbaine se réunissaient en groupe de travail en vue de dessiner les contours d’une mobilisation collective. 

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Dispositifs nationaux, dispositifs territoriaux : de nombreux leviers sont activés depuis 2021 pour soutenir les jeunesses

Le Contrat d’engagement des jeunes (CEJ), proposé par France Travail et les missions locales, fait suite à la garantie jeunes. Il associe 15 à 20 heures d’activité et une allocation d’environ 500 € et s’adresse aux jeunes en recherche de formation. Le CEJ Jeunes en rupture complète ce dispositif. Mis en œuvre par appel à projets sur plusieurs territoires, il soutient des outils spécifiques en matière d'”aller vers” et une offre de services pour l’insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi et la levée des principaux freins (déplacements, santé, logement…). Peuvent également être cités les dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire et l’obligation de formation des 16-18 ans. 

L’action des métropoles et communautés urbaines à destination des publics jeunes monte en puissance, en articulation avec l’action des communes

Elle s’appuie sur les contractualisations déployées depuis plusieurs années, comme les Conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et l’accès à l’emploi (CALPAE), devenues Pactes locaux des solidarités, Conventions territoriales globales (CTG), orientations des financements du Fonds social européen (FSE+) et sur certaines expérimentations récentes, comme Territoires zéro non recours. Des projets métropolitains de la jeunesse se déploient progressivement dans certains territoires visant à créer des dynamiques coordonnées. Mattéo Ville-Béjean collaborateur au cabinet de Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, pointe l’absence d’approche globale facilitante : dans une ville centre où près d’un habitant sur deux a moins de 30 ans, près d’un tiers des jeunes sont en situation de précarité. Toute la complexité réside alors dans le fait de bâtir des approches universelles, “sans quoi il y a toujours un trou dans la raquette”.

Cette approche globale se construit au niveau des collectivités et groupements amenés à croiser des politiques publiques qui n’appréhendaient pas jusqu’ici de manière transversale les besoins des publics jeunes. Telle est la démarche engagée par l’Eurométropole de Strasbourg. En 2020, les responsabilités métropolitaines en matière de Fonds d’aide aux jeunes (FAJ), de Fonds de solidarité logement (FSL) et de prévention spécialisée ont conduit la métropole à penser une politique coordonnée. Une démarche de diagnostic a ainsi été engagée pour proposer une offre de service renouvelée. Une telle approche, encore émergente, doit être soutenue souligne Marie-Dominique Dreyssé, conseillère municipale de Strasbourg et vice-présidente de l’Eurométropole, chargée de la Solidarités, Jeunesse et Hébergement. 

Des limites persistantes sont toutefois pointées : gouvernance, offre de services, pérennité des financements

Le contrat d’engagement des jeunes a bénéficié d’un bon niveau d’entrée mais peut présenter certaines limites, ainsi que le “CEJ Jeunes en rupture”. Fondé sur une approche juste des besoins non pourvus (détection, orientation, accompagnement, levée des freins), ce dernier peut constituer un réel levier pour déployer de nouvelles offres, sous réserve d’être pleinement adossé aux collectivités et leurs groupements et d’être complété par une réponse structurelle et pérenne eu égard aux besoins détectés (déplacements, santé, logement…).

Lancé dans des délais complexes, ce dispositif a pu peiner à pleinement mobiliser, les collectivités et groupements étant parfois explicitement exclus de la première vague d’appel à projets. Le dimensionnement reste très modeste. La pérennité des financement est également un écueil pour des porteurs de projet dont les ressources sont parfois fragiles. De manière plus large enfin, le principe du “work first” conduit à centrer les financement sur le retour à l’emploi. Or avant l’insertion et la remobilisation, les actions de détection, accompagnement, orientation, doivent par essence être généralistes pour atteindre toutes les typologies de jeunes et s’ancrer dans la durée, notamment pour certains publics dont la mise en activité ou en emploi est complexe selon les besoins en matière de santé ou de logement.

Cette problématique de circuit de financement peut également s’observer dans l’allocation des crédits du FSE+. Aline Faye, vice-présidente chargée de la Politique de la ville et de la Coordination des politiques jeunesse à Clermont Auvergne Métropole, rappelle que le plus souvent le CEJ ne permet pas de se loger face à des loyers mensuels élevés, la sortie de la pauvreté et l’accompagnement vers l’emploi pouvant ainsi être entravés. Grenoble Alpes Métropole s’est saisie de son côté du CEJ Jeunes en rupture pour financer une allocation individuelle complémentaire mais cela reste une enveloppe limitée souligne Céline Deslattes, vice-présidente Insertion, Emploi et Jeunesse. 

Aller vers et accès aux droits, une ambition partagée, des outils en cours de déploiement

À Toulouse Métropole, des réflexions sont en cours pour prendre en compte les limites des dispositifs, penser le maintien dans l’emploi, compenser l’effet filtrant imposé par les conditions d’accès aux CEJ en mobilisant le cas échéant le Fonds d’aide aux jeunes. Par ailleurs, plusieurs métropoles souhaitent déployer un axe jeunesse dans le cadre de l’expérimentation Territoires zéro non recours, ainsi de Dijon Métropole ou de l’Eurométropole de Strasbourg. Le pacte local des solidarités est également mobilisé. Tristan Lahais, vice-président chargé de la Culture et de la Jeunesse à Rennes Métropole rappelle que la collectivité a fait le choix de consacrer une très large partie du pacte, et avant lui des CALPAE, aux publics jeunes.

À Rennes Métropole, un collectif ressource composé des associations Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte d’Ille-et-Vilaine (Le Relais), We Ker et Breizh Insertion Sport s’est constitué avec une équipe pluridisciplinaire et mobile, composée de deux éducateurs de prévention spécialisée, une conseillère en insertion professionnelle, un éducateur socio-sportif. Sept communes ont été sélectionnées pour bénéficier de l’expérimentation “aller vers” en fonction de critères de vulnérabilité identifiés et la métropole s’interroge désormais sur l’extension du dispositif. À Dijon Métropole, l’axe prévention spécialisée est clairement identifié comme prioritaire. 

La santé mentale, une préoccupation croissante, une prise en charge insuffisante

Chaque territoire s’efforce de construire des réponses en lien avec le tissu partenarial. Les missions locales mobilisent des organismes en vue d’établir des bilans psychologiques. Certaines actions mises en œuvre au niveau communal se centrent également sur la dimension d’information et d’orientation.

Toutefois l’accompagnement dans la durée, voire l’accompagnement jusqu’à la consultation, fait aujourd’hui défaut. Nantes Métropole a fait de la santé mentale un axe majeur avec une orientation spécifique auprès des adolescents. L’Eurométropole de Strasbourg, qui s’est saisie de cet enjeu dans le cadre du Pacte local des solidarités, met au travail les coordinations possibles avec l’Agence régionale de santé (ARS). 

Une identification des métropoles sur le segment de l’aide d’urgence et des enjeux persistants sur l’accès aux biens et services essentiels 

Toulouse Métropole est ainsi reconnue au sein du réseau des partenaires comme un acteur pouvant intervenir en soutien. Une collaboration structurée s’est nouée avec le CROUS et le Service Interuniversitaire de Médecine Préventive (SIMPPS). À Strasbourg, la question du logement est également particulièrement aiguë : comme sur de nombreux territoires, la demande à destination des Foyers de jeunes travailleurs (FJT) est largement saturée.

Face à cette problématique, la métropole de Nice Côte d’Azur a ciblé une trentaine de logement en diffus pour remettre les jeunes dans un parcours d’insertion. À Rennes métropole, les demandes individuelles au titre du Fonds d’aide aux jeunes sont en forte croissance et traduisent des besoins d’aide d’urgence sur des besoins essentiels comme l’alimentation. 

Face à un public en mutation ou à besoins spécifiques – étudiants, publics de plus en plus jeunes, jeunes en errance, jeunes issus de l’ASE – les partenariats se renforcent avec l’Éducation nationale ou le département

L’équipe pluridisciplinaire mis en place par Rennes Métropole touche ainsi les 10-25 ans, tandis que Dijon Métropole analyse les modalités d’accompagnement des moins de 15 ans dans le cadre de la prévention spécialisée. À Orléans, un travail fin est mené avec l’Éducation nationale pour penser le suivi du passage du CM2 à la 6e, souvent sensible et peu anticipé. La Ville de Nice s’est impliquée maintenant depuis plusieurs années dans la lutte contre le décrochage.

Le Conseil des droits et devoirs des familles vise à recevoir les familles des publics en voie de déscolarisation dès lors qu’un absentéisme est détecté. Ce travail mené dans le cadre du Conseil local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) s’articule également avec des outils d’accompagnement. Les actions menées par la ville et la métropole conduisent à observer des publics en décrochage de plus en plus jeunes, avec notamment une proportion croissante de collégiens. Même regard à Brest Métropole où la mobilisation des outils d’accompagnement sur des publics plus jeunes est en questionnement.  

Le public étudiant fait également l’objet d’une attention particulière. À Rennes Métropole, qui réunit 72 000 étudiants sur le territoire, la question de la précarité étudiante est une préoccupation forte de même sur le territoire de la métropole de Montpellier. Des partenariats structurés sont noués sur ce public à Toulouse Métropole. Au-delà, la prise en compte des jeunes issus de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) fait l’objet de réflexions sur le territoire d’Orléans ou encore les jeunesses souffrant d’addiction (Nantes Métropole, Métropole du Grand Nancy), en errance, en bidonville ou encore les jeunes migrants (Nantes Métropole). 

Penser à une action coordonnée, quelles perspectives ?

Pour faire suite au projet d’expérimentation porté en 2021, un renforcement significatif des pactes locaux pourrait être mis à l’étude. Sans être en mesure, au vu des enveloppes de répondre à l’ensemble des problématiques, une telle démarche pourrait du moins consolider l’action collective des métropoles et nourrir un message politique transpartisan rappelant l’ensemble des lacunes des dispositifs mis en œuvre et appelant à un renouvellement de l’articulation État/territoires.

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