Actualité Urbanisme et logement

LE RAPPORT DE DAVID VALENCE SUR LA POLITIQUE DU LOGEMENT : UN PREMIER PAS VERS LA DÉCENTRALISATION ?

David Valence, député des Vosges et président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a remis le 11 octobre dernier un rapport sur la décentralisation de la politique du logement. L’occasion pour le bureau exécutif de France urbaine de l’inviter pour en échanger.

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Un constat clair et qui appelle une réaction forte…

Ce rapport se pose en préalable à la future loi de décentralisation de la politique du logement que le ministre du Logement, Patrice Vergriete, et le gouvernement appellent de leurs vœux.

Partant du constat que le logement représente le premier poste de dépense des ménages et mobilise annuellement près de 40 milliards d’euros de crédit public (aide à la pierre, aide à la personne) pour des résultats somme toute modestes (4,1 millions de personnes en situation de mal logement, fragmentation des pouvoirs administratifs encadrant le logement, baisse continue depuis plus de 2 ans du nombre de dépôts de permis de construire et des volumes de constructions neuves), David Valence considère la décentralisation de la politique du logement, non pas comme un principe abstrait, mais comme un moyen d’efficacité des politiques publiques pour soutenir l’offre de logement au sens large (production, rénovation) et accompagner le logement dans son amélioration face au défi de la transition écologique et démographique.

La construction de ce rapport a été l’occasion de l’organisation de deux tables rondes auxquelles ont été associés les acteurs publics et privés du logement en France.

France urbaine a été auditionnée en amont de la remise du rapport, représentée par Michel Bisson, président de Grand Paris Sud, et Emmanuel Heyraud, délégué général, prenant une part active à son élaboration.

Une décentralisation avec les territoires mais qui doit mobiliser des moyens complémentaires…

L’efficacité de la décentralisation passera par une responsabilisation accrue des territoires et une mise en cohérence des compétences : aujourd’hui, intercommunalités et grandes villes portent l’élaboration des outils réglementaires qui encadrent l’habitat (PLH, PLUI) et, à travers eux, la politique foncière à mettre en œuvre pour l’accompagner.
Au demeurant, ce sont les collectivités locales qui ont la connaissance fine du “dernier kilomètre” pour “aller vers” les habitants, et notamment les plus modestes.

Si la légitimité des territoires ne fait pas débat pour apporter des réponses à leurs besoins concrets, le rapport pointe la nécessité d’accompagner le mouvement de décentralisation par la mobilisation de ressources complémentairesCes ressources seront territorialisées afin de répondre au plus près aux besoins identifiés par et pour chaque territoire. 

Les pistes à explorer en la matière sont multiples : soutien aux maires bâtisseurs (ou « engagés »), fiscalité locale, gestion déléguée des crédits MaPrimeRénov afin d’asseoir la lisibilité et l’identification des aides à la rénovation énergétique, etc.
Le rapport pointe ensuite les modalités et les contenus à envisager de cette décentralisation.

Des AOH (Autorités organisatrices de l’habitat) avec de nouvelles responsabilités : un rapport qui pose des jalons mais un avenir qui reste à construire…

Les communautés et métropoles pourraient assurer des compétences stratégiques : adaptation normative aux contextes locaux, application de zonages renouvelés, ne se fondant plus sur le critère unique de la tension des marchés immobiliers, mais sur des données enrichies plus à même de qualifier le territoire et ses besoins : démographie, attractivité touristique et économique, situation du marché de l’emploi, qualité résidentielle et commerciale des centres urbains, paupérisation de certains quartiers, état de la vacance et de l’indignité des logements, action publique pour le logement déjà en œuvre.

Au-delà, le rapport envisage que les AOH puissent prendre leur part dans la programmation et le développement des hébergements et des hébergements d’urgence afin de créer un continuum dans le parcours résidentiel des ménages. Pour mémoire, France urbaine est opposée au transfert de la compétence “hébergement d’urgence”, qui relève du régalien.

David Valence fait donc un bilan précis de la crise actuelle du logement et des moyens qui pourraient être mis en œuvre pour l’atténuer, voire renverser structurellement cette tendance.
Il acte le changement de paradigme de la prise en compte des besoins en logements qui ne peuvent se limiter à la seule appréciation des besoins en construction neuve et doivent intégrer la rénovation du parc existant.

Dans ce cadre, il estime que ce sont des réponses territorialisées qui pourront répondre à ces enjeux. 

Toutefois, il apprécie la territorialisation comme ne rimant pas nécessairement avec décentralisation, c’est-à-dire le transfert systématique des compétences. Pour lui, c’est bien la question des moyens alloués aux futures AOH qui est centrale. Il s’agit de leur confier plus de responsabilités pour maîtriser le développement résidentiel de leur territoire, sans s’interdire dans le cadre de certaines politiques, que soit visée une meilleure cogestion des mécanismes et des dispositifs.

Le rapport sur la décentralisation de la politique du logement peut constituer la première pierre d’une réforme nécessaire face à l’urgence de la crise actuelle du logement et de la transition écologique à engager. 

Il nécessite toutefois que les territoires volontaires pour devenir AOH clarifient les compétences qu’ils souhaitent assumer, au-delà des zonages et de la gestion des crédits PrimeRénov : gestion globale des aides à la pierre, agrément pour le logement locatif intermédiaire, encadrement du développement des meublés touristiques, agrément des OFS, etc. C’est de ce corpus de compétences que pourra ressortir une évaluation solide des moyens qui devront être mobilisés pour une territorialisation réussie de la politique du logement afin que les territoires ne soient plus « sous-traitants des politiques nationales » (Michel Bisson).

Des échanges entre France urbaine et David Valence

Le 21 novembre 2023, le bureau exécutif de France urbaine a reçu David Valence afin d’échanger sur les modalités de mise en œuvre d’un nouveau mouvement de décentralisation, notamment dans le cadre de la mission d’Éric Woerth.

David Valence a confirmé que les travaux à mener s’inscriraient dans un objectif de différenciation territoriale et d’identification des compétences de chaque strate, afin de redonner de la lisibilité à l’enchevêtrement des compétences. 

Il a également pointé un des objectifs majeurs de cette mission, à savoir la capacité pour les territoires de disposer d’un pouvoir réglementaire local, afin de faire en sorte qu’ils soient des échelons de décision, et non plus d’administration de réglementations nationales. Il a enfin fait part de la nécessité de clarifier la situation des finances publiques locales, estimant que la disparition d’une fiscalité locale autonome avait supprimé le lien entre collectivités et citoyens (la suppression de la taxe d’habitation par exemple).
À ce stade, la réflexion doit donc être engagée pour porter le choix entre une fiscalité locale universelle ou renoncer au pouvoir de taux, impliquant une fiscalité nationale avec des clés de répartition constitutionnalisées, comme évoqué par le président de la République.

Concernant la décentralisation du logement, David Valence a réitéré le souhait de porter une politique publique du logement plus efficace, en actionnant tous les leviers territorialisés pour une meilleure appréciation et application locales des zonages et une utilisation optimale des aides à la pierre et de MaPrimeRénov transférées. S’il a bien entendu le souhait partagé par l’État et les collectivités locales que l’hébergement, et notamment l’hébergement d’urgence restent dans le domaine régalien national, il insiste sur une nécessaire action globale sur les parcs public et privé, neuf et ancien.

Des fondamentaux positifs, une démarche qui implique vigilance et confiance

Les membres du bureau exécutif de France urbaine ont accueilli positivement les fondamentaux présentés, qui reprennent de nombreux principes qu’ils portent de longue date auprès des parlementaires et de l’État.

Les élus de France urbaine réitèrent leur souhait que la démarche engagée différencie clairement déconcentration et décentralisation et consolide en toute transparence les moyens financiers mis à disposition des collectivités, dans une double perspective de visibilité et de pérennité. À cet effet, l’éventuelle constitutionnalisation des moyens devra être interrogée à l’aune de l’objectif d’une meilleure autonomie fiscale des territoires.

Dans ce cadre, c’est un véritable lien de confiance qui doit être établi, ou réengagé, entre État et territoires.

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