Finances et fiscalité

LA SITUATION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS : FRANCE URBAINE RÉPOND À LA COUR DES COMPTES

Comme il est de coutume à cette période de l’année, la Cour des comptes vient de rendre public son « Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements ». Il s’agit de partager une photographie de la situation financière telle que ressortant des derniers comptes arrêtés, c’est-à-dire au 31 décembre 2024 (une analyse plus prospective sera proposée par les magistrats de la rue Cambon à l’automne prochain). Dans cette édition 2025, la Cour met l’accent sur la nécessaire participation des collectivités au redressement des comptes publics. En réponse, la présidente de France urbaine a exprimé ses convergences et divergences d’analyse.

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Contribuer à un déficit ou contribuer à l’enrichissement du patrimoine public ?

Certes, s’agissant d’une année de fin de mandat municipal logiquement marquée par une accélération des investissements, les collectivités ont dégagé en 2024 un « besoin de financement » (lequel s’apparente à un déficit au sens Maastrichtien), représentant 0,4 % du PIB. Faut-il pour autant, comme le fait la Cour, mettre en exergue une « Une forte contribution de la situation financière des collectivités à la hausse du déficit public » ?

Non seulement cela est discutable sur le plan arithmétique, puisque ce besoin de financement ne représente que moins de 7 % du besoin global des comptes publics (respectivement 11,4 Md€ et 169,6 Md€), mais surtout, c’est ignorer que l’exercice 2024 confirme un modèle vertueux tourné vers l’investissement. C’est également passer sous silence que, d’année en année, les collectivités représentent plus de la moitié de l’investissement public en France (y compris l’investissement militaire) ; et que le bloc communal pèse, à lui seul, les deux tiers (64,6 % en 2024) de cet effort d’enrichissement du patrimoine public.

S’attacher aux conséquences ne doit pas exonérer de s’attacher aux causes des déficits globaux des finances publiques

Autre parti de la rue Cambon : la bonne santé financière globale des collectivités (à l’issue de l’exercice 2024 et donc sans prendre en considération la « facture » de la loi de finances 2025) doit venir au service du comblement des déficits globaux (« … les marges de manœuvre que conserve une majorité de collectivités pour contribuer au redressement des finances publique … »).

Ce raisonnement occulte le fait que « la responsabilité des exécutifs locaux est avant tout d’agir au service du développement des territoires, de mettre en œuvre des services publics au bénéfice des populations, d’être garants du lien social et de la dynamisation du patrimoine financé par plusieurs générations de contribuables locaux. Bien évidemment, dans l’épure d’une situation financière qui doit demeurer saine, ce qui est, sauf rares exceptions, le cas des grandes villes, grandes communautés et métropoles ».

De plus, traiter les conséquences des déficits globaux ne doit pas amener à en ignorer les causes, ni les responsabilités. D’une part, l’État ne parvient pas à assumer, au plan budgétaire, les conséquences de ses décisions fiscales (le coût pour le budget de l’État des récentes réformes de fiscalité locale représente 50 % de la hausse des déficits publics entre 2017 et 2023), alors que, d’autre part, les collectivités se voient infliger une double peine. En effet, non seulement ces dernières doivent désormais faire face à un panier dysfonctionnel de ressources (conséquence directe d’une amputation de leur autonomie fiscale induite par ces réformes) mais, de plus, les ponctions de dotations qui leur sont imposées le sont du fait d’un déficit largement aggravé par ces réformes subies.

Un risque confiscatoire

Enfin, divergence majeure qu’a tenu à souligner la présidente de France urbaine : l’invitation faite au Gouvernement de moduler les ponctions selon les « capacités contributives des collectivités ». Si, de prime abord, cette préconisation semble de bon aloi, une application littérale de cette approche s’avèrerait inconséquente.

En effet, il faut sans cesse le rappeler : eu égard à la nécessité d’accroître leur effort d’investissement en général, et les investissements en faveur de la transition écologique en particulier, les grandes villes, grandes communautés et métropoles se sont employées ces dernières années à optimiser leur capacité d’autofinancement.

Or y parvenir n’a pas été sans coûts : coût pour les services appelés à faire mieux avec moins, et, surtout, coût politique lorsqu’il a été nécessaire d’accroître la pression fiscale locale. Aussi, ponctionner d’autant plus que les ratios de solvabilité sont mieux orientés s’apparenterait, ni plus ni moins, à une démarche confiscatoire dans laquelle l’exécutif local doit à la fois endosser la responsabilité politique de l’effort exigé auprès du contribuable local, et se voir ponctionner des ressources pour combler un déficit creusé par des réformes fiscales engagées par l’État et qui emportent des conséquences inconsidérées pour nos finances publiques.

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