LA MÉTROPOLE DE BORDEAUX PLAIDE POUR FLEXIBILISER LA COMMANDE PUBLIQUE SUR L’ALIMENTATION
Retrouvez le témoignage de Patrick Papadato, vice-président de Bordeaux Métropole à la Résilience alimentaire, engagé dans le plaidoyer pour une commande publique rénovée.
France urbaine : Pourriez-vous nous rappeler le contexte agricole de votre territoire et rappeler quelques chiffres clés ?
Patrick Papadato : Bordeaux Métropole regroupe 28 communes et 820 000 habitants sur une superficie approximative de 58 000 hectares, dont 57 % sont classés en zones naturelle, agricole et forestière. La Surface agricole utile (SAU) occupait, en 2021, 9,5 % de la surface totale du territoire contre 10,3 % en 2011. En surfaces, cela représente une perte d’environ 200 hectares, ce qui représente une bonne stabilité des surfaces cultivées.
Notre surface agricole est répartie entre du mitage viticole cerné par la ville dans les communes du sud de la métropole et en limite de l’agglomération vers l’est, et deux grands secteurs agricoles : la presqu’île d’Ambès (zone Nord-Est) et la Vallée maraichère de la Jalle de Blanquefort (zone Nord).
En 2021, nous comptions 148 exploitations agricoles sur notre territoire métropolitain. Nous sommes également très fiers d’être la première Métropole labellisée “Territoire bio engagé” avec 20,5 % de la SAU certifiée en bio (c’est environ 15 % dans l’ensemble du département).
France urbaine : Quel lien faites-vous entre les politiques agricoles et alimentaires et enjeux de résilience territoriale ? Pouvez-vous donner quelques exemples d’initiatives qui vous paraissent aujourd’hui structurantes dans votre territoire pour renforcer cette résilience ?
Patrick Papadato : À Bordeaux Métropole, nous avions originellement appelé notre Projet Alimentaire de Territoire “Stratégie de résilience agricole et alimentaire”. Ce nom n’est pas un hasard. Nous sommes conscients que l’activité agricole nourricière présente sur le territoire est soumise à des perturbations majeures qui fragilisent leur devenir. On pense évidemment aux effets du dérèglement climatique sur les cultures : sécheresses, canicules, inondations, gel, etc. D’autres crises peuvent survenir, qu’elles soient économiques, financières, énergétiques, technologiques etc. Et impacter les systèmes d’approvisionnement.
Face à ces risques en cascade, la seule solution est une collaboration à chaque maillon du système alimentaire afin de proposer une réponse adaptée et coordonnée aux problématiques des différents acteurs. Autrement dit, penser en systèmes et en filières.
C’est ce que notre PAT s’applique à faire, avec plus de 40 actions très diverses.
Certains dispositifs, à l’image de nos fonds pour l’agriculture locale et la commercialisation en circuits courts, aident à soutenir financièrement les agriculteurs et opérateurs économiques dans l’adaptation de leurs cultures au changement climatique, l’obtention de leur labellisation bio et la commercialisation de proximité.
D’autres actions visent à garantir l’accès à une alimentation saine, locale et de qualité à chacune et chacun. Nous menons un lourd travail pour faire évoluer les achats alimentaires publics : formations à destination des communes, amélioration de la rédaction des cahiers des charges, identification de critères d’analyse des offres adaptés, meilleure connaissance de l’offre, soutien aux projets de structuration de filière….
Avec une pensée en systèmes, le lien entre préservation de l’activité agricole locale et approvisionnement durable de la restauration collective est évident. Pourtant, les approvisionnements, malgré les efforts, ne permettent pas de soutenir une offre la plus locale possible, en raison du respect des règles de la commande publique telles qu’elles sont définies à ce jour. Non seulement nos marchés publics sont trop conséquents pour permettre à des “petits” opérateurs de répondre, mais surtout ils peuvent pour des raisons juridiques difficilement prendre en compte le caractère local que nous souhaitons soutenir dans le cadre de notre PAT.
C’est pour cela que le plaidoyer est crucial à nos yeux : pour flexibiliser la commande publique et permettre de réelles complémentarités au service de la résilience et la relocalisation tout en permettant une transparence sur la répartition de la valeur auprès de tous les maillons de la chaîne.
France urbaine : Pourquoi pensez-vous que l’échelle territoriale peut constituer un échelon pertinent ? Il nous est régulièrement rappelé que l’on peut tout faire à droit constant et que modifier le cadre de la commande publique n’est pas un enjeu, qu’en pensez-vous ?
Patrick Papadato : Nos acheteurs publics n’ont pas attendu une éventuelle évolution de la loi pour trouver de solutions. Certaines des communes situées sur notre territoire parviennent à atteindre plus de 60 % de leurs approvisionnements en produits bio tout en garantissant 75 % des approvisionnements sur le bassin sud-Ouest. Néanmoins, c’est un travail de longue haleine et cela ne permet pas toujours de connecter avec un échelon beaucoup plus fin d’une agriculture ultra locale avec des “petits” faiseurs pour permettre à nos acheteurs de faire jouer un vrai cadre de mise en concurrence cohérent au regard de la structuration de nos territoires. Modifier le cadre de la commande public nous permettrait plus de souplesse et apporterait une garantie supplémentaire d’accès à une offre plus locale soutenable pour tous.
Ce nouveau cadre enverrait aussi un message politique fort : les denrées alimentaires ne sont pas de simples bien marchands. Leur sélection façonne, de la fourche à la fourchette, nos territoires et notre résilience alimentaire, la santé de nos habitants, de nos agriculteurs et de notre environnement ainsi que la préservation de nos ressources. Ces réflexions rejoignent celles que la Métropole porte autour de l’eau. Afin d’affirmer le caractère commun et vital de ce bien et l’extraire du cycle de la marchandisation, nous avons passé la gestion de l’eau potable en régie au 1er janvier 2023. Pour également changer notre regard et notre mobilisation de l’alimentation au service de l’intérêt général, nous avons besoin de nouveaux outils réglementaires.