JOURNÉES NATIONALES DE FRANCE URBAINE – BUDGET, COHÉSION SOCIALE, CLIMAT, DES TERRITOIRES URBAINS EN TENSION
Réunis le 17 octobre 2025 pour la clôture des 8èmes Journées Nationales de France urbaine, les élus des grandes villes, agglomérations et métropoles françaises ont réaffirmé, dans un contexte national profondément instable, leur rôle essentiel dans la cohésion et le développement du pays
Depuis la communauté urbaine du Creusot, territoire industriel qui a su se transformer par l’innovation et la solidarité, les membres de france urbaine se sont rassemblés à l’occasion de l’adoption, à l’unanimité, de deux résolutions : l’une appelant à la constitution de véritables autorités organisatrices de la transition écologique et solidaire, marqueur fort du consensus transpartisan autour de la défense d’un certain modèle d’action locale conjuguant performance et démocratie ; l’autre visant au desserrement de la contrainte budgétaire lié à la hausse des taux de cotisation au bénéfice de la CNRACL.
Une pression budgétaire inédite et disproportionnée sur les territoires urbains
Luc-Alain Vervisch, Directeur des études à La Banque Postale, l’a rappelé depuis la tribune : la loi de finances pour 2025 a davantage mis à contribution les territoires urbains, et plus spécifiquement les grandes intercommunalités. Un diagnostic confirmé par Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse, Président de Toulouse métropole et Premier vice-président de France urbaine : les grandes villes, agglomérations et métropoles ont subi une ponction moyenne de 3,9 % de leurs recettes réelles de fonctionnement, contre 1,1% pour le reste des communes de France.
Ajoutons à cela, comme l’a rappelé Nathalie Koenders, Maire de Dijon, le poids insoutenable des hausses de cotisations CNRACL. Elles alourdissent considérablement les dépenses de personnel, à un niveau de contribution qu’aucune entreprise privée n’aurait pu soutenir et qui s’est pourtant imposé sans concertation avec le secteur public local. Les travaux parlementaires de la Délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, représentée en plénière par son président Stéphane Delautrette, Député de Haute-Vienne, ont démontré l’existence de leviers structurels à activer.
« Le projet de budget tel qu’il est rédigé à ce jour prévoit de ponctionner 4,6 milliards d’euros sur le budget des collectivités locales. S’y ajoute 1,3 milliard de cotisations supplémentaire pour la CNRACL. » – Johanna ROLLAND
Pour 2026, le projet de loi de finances du gouvernement prévoit un effort global avoisinant les 6 milliards qui, comme l’a rappelé la Présidente de France urbaine, « n’est tout simplement pas tenable ». Ni sur le fond, ni sur la méthode, avec un DILICO nouvelle formule qui signe le retour de « Cahors sans les contrats » pour reprendre la formule de Stéphane Delautrette.
Une confusion entre la richesse d’un territoire et sa taille démographique, que rien ne justifie
Éric Piolle, maire de Grenoble, a déploré l’aberration consistant à assimiler poids démographique d’une part et richesse réelle d’autre part. Les villes concentrent les vulnérabilités sociales et climatiques et les charges exogènes s’accentuent par ailleurs. Elles subissent les insuffisances de l’Etat qui, comme l’a rappelé Nathalie Koenders impacte de nombreux champs de l’action publique (sécurité, hébergement d’urgence…).
« Comment accepter l’infantilisation budgétaire du Dispositif de Lissage des recettes des Collectivités, le Dilico ? Une ponction forcée, pour nous être ensuite redistribuée, mais pas tout à fait, et en trois ans… Alors que la comptabilité publique exige que notre solde budgétaire réel soit positif, et donc de toujours disposer d’épargne, quelle est donc cette logique ?” – Johanna ROLLAND, Présidente de France urbaine
Face à une dette climatique qui se creuse, un décalage croissant entre compétences exercées et leviers fiscaux
Benoît Leguet, directeur de l’Institut de l’économie pour le climat, a ainsi rappelé que la France devait investir 100 milliards d’euros par an d’ici 2030 pour tenir ses objectifs climatiques.
Un coût qui reste inférieure à celui de l’attentisme. Comme l’a rappelé Johanna Rolland, Présidente de France urbaine « la cour des comptes ne s’y est pas trompée en établissant que le coût budgétaire de l’inaction serait supérieur à celui d’une intervention accrue des pouvoirs publics en faveur de la transition. »
Une trajectoire qui se heurte à la réduction drastique des marges financières et constitue un risque majeur. Nathalie Appéré, maire de Rennes et présidente de Rennes métropole, a rappelé le peu de leviers fiscaux à la main des collectivités pour relever les défis climatiques : un paradoxe aux yeux de l’élue, qui rappelle que dans ce contexte préoccupant des ouvertures restent possibles : « la bonne nouvelle c’est que la transition écologique, nous savons faire ».
Le logement, et en particulier l’enjeu de sa rénovation, constitue pourtant un pivot essentiel justifiant une décentralisation plus aboutie. La construction de nouveaux modèles économiques s’opère en outre à l’échelle locale : une telle approche fait consensus parmi les intervenants, acteurs économiques, élus et chercheurs.
Mathias Navarro, représentant le Mouvement Impact France (MIF), a ainsi pu exposer les quatre propositions du Mouvement visant à garantir un investissement cohérent des entreprises en vue de garantir leur développement pérenne : politiques économiques à impact positif, commande publique responsable, dividende territorial et garanties en fonds propres.
Xavier Desjardins, géographe à l’Université de la Sorbonne, a quant à lui souligné l’importance d’un bloc local stratégique, capable d’assumer les compétences de transition et d’en définir les conditions de territorialisation, tandis qu’Augustin Augier, secrétaire général de la planification écologique (SGPE) a rappelé que le processus engagé ces dernières années par le SGPE s’appuyait sur la territorialisation des moyens et des planifications sous réserve d’une visibilité pluriannuelle et d’un cadre stabilisé.
« Nous ne sommes ni des sous-traitants ni des concurrents. », Johanna Rolland.
La présidente de France urbaine a conclu en rappelant que les territoires urbains sont les moteurs de la résilience nationale. Ils doivent disposer des moyens, de la reconnaissance et de la visibilité nécessaires pour poursuivre leur mission au service du bien commun.
Face à ces interpellations, la ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Françoise Gatel, venue au Creusot pour son premier déplacement officiel, a réaffirmé la volonté du gouvernement de maîtriser la dépense publique, tout en annonçant des évolutions possibles via le débat parlementaire. Elle a défendu une décentralisation « clarifiant les responsabilités » mais sans « détricoter pour retricoter ».
Au terme de la plénière, un message clair s’est imposé : France urbaine appelle l’État à un nouveau contrat républicain, fondé sur la confiance et sur des moyens à la hauteur des défis climatiques et sociaux. Les grandes villes et métropoles se disent prêtes à endosser le rôle d’Autorité organisatrice de la transition écologique et solidaire. A condition que les ressources soient au rendez-vous, et que l’Acte de décentralisation annoncé par le Gouvernement, auquel France urbaine a souhaité contribuer avec sincérité et sérieux, leur en donne les moyens sans remettre en cause les équilibres encore récents des lois MAPTAM, NOTRe, Engagement et proximité et 3DS.