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JOHANNA ROLLAND : « NOTRE PRIORITÉ, C’EST L’EFFICACITÉ DE L’ACTION PUBLIQUE, AU SERVICE DES FRANÇAISES ET DES FRANÇAIS » 1/2

À l’occasion de la 200e de France urbaine hebdo, votre lettre électronique d’informations, Johanna Rolland, présidente de France urbaine, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, livre son premier bilan à mi-mandat à la tête de l’association.

FRANCE - MAYOR OF NANTES JOHANNA ROLLAND

Découvrez la première partie de l’entretien. La seconde et dernière partie sera publiée dans la newsletter n°201.

1. Vous êtes présidente de France urbaine depuis le 24 septembre 2020. Comment jugez-vous votre action après plus de 3 ans d’exercice ?

Johanna Rolland : France urbaine a entamé sa 7e année d’existence. Elle est aujourd’hui solidement installée dans le paysage des associations d’élus. Elle est un interlocuteur régulier et respecté du gouvernement, des corps intermédiaires et des parlementaires. Ceci est le résultat d’un travail engagé sous la présidence de Jean-Luc Moudenc lors du dernier mandat dans un esprit collectif et transpartisan. Je m’attache à faire vivre cet état d’esprit depuis 3 ans. J’ai l’honneur de présider une association riche d’un réseau d’élus, de cadres territoriaux, de partenaires de travail et d’une équipe d’experts, engagés. Les élus qui s’investissent à France urbaine, au bureau exécutif, au bureau ou en tant que co-présidents de commissions ou membres actifs, font la force de notre association, au service des habitants des grands villes, agglomérations et métropoles.
Nous avons ouvert de nouvelles coopérations avec de grandes associations ou encore les chambres consulaires. Nous avons également installé un groupe de parlementaires associés et sommes dorénavant à la table des discussions avec les principales associations de villes européennes et internationales.
Avec toujours cette volonté de défendre le fait urbain, ses problématiques spécifiques mais aussi de construire des réponses avec l’ensemble des territoires et des collectivités pour faire vivre la nécessaire alliance des territoires, indispensable pour répondre aux défis écologiques, économiques et sociaux.

2. Les crises successives que la France a connues ont-elles changé les relations entre l’État et les associations d’élus, plus particulièrement France urbaine ?

Johanna Rolland : Ces crises ont profondément marqué le pays et les Français. Ce que pointent les associations d’élus depuis de nombreuses années, au premier chef France urbaine, s’est révélé au grand jour : le rôle clé des collectivités locales et des élus locaux. Cela a été particulièrement mis en lumière pendant la crise COVID. Si l’État dit souvent partager ce constat, il manque pour autant encore des preuves concrètes car des réflexes centralisateurs reviennent souvent au galop. Nous en faisons chaque jour l’expérience dans nos collectivités.
Dans ce moment où il y a aussi une forme de crise démocratique, les élus locaux sont en première ligne. Ils sont les premiers remparts de la République. Ils assurent pour une part importante la cohésion de notre pays, en étant eux-mêmes directement soumis aux tensions et parfois à la violence.
Il y a un vrai chantier qui s’ouvre devant nous, à savoir la protection des élus. Il m’est insupportable de constater autant d’agressions physiques, verbales ou sur les réseaux sociaux contre ceux qui font vivre la République sur le terrain. Nous avons déjà formulé des propositions et attendons des réponses de l’État.

3. France urbaine prône un dialogue constructif et exigeant avec l’État. Cette ligne directrice porte-elle ses fruits ? Qu’attendez-vous à l’avenir ?

Johanna Rolland : Cette philosophie est l’ADN de France urbaine, qui est une association transpartisane. Notre priorité, c’est l’efficacité de l’action publique, au service des Françaises et des Français. Être constructif, c’est être force de propositions, reconnaître et dire quand la décision va dans le bon sens. Mais c’est aussi être exigeant. Cela passe par le respect, la franchise, le dialogue et le travail de fond. Nous ne lâcherons jamais sur cette exigence. Lorsque Christophe Béchu, le ministre de la Transition Écologique, souhaite supprimer les consignes plastiques, nous saluons cette décision que nous attendions. De même, lorsque le Fonds vert est renforcé. Mais lorsque le gouvernement reste sourd à nos attentes pour un financement équitable des transports en commun entre l’Ile de France et la province, nous savons dire que nous ne comprenons pas ce « deux poids, deux mesures ».
Nous attendons aussi davantage de décentralisation sur certaines politiques, principalement pour les collectivités volontaires. Décentraliser ne veut pas dire que chacun travaille seul dans son pré carré. Les collectivités savent coopérer : les villes, les départements, les régions. J’en profite pour dénoncer une nouvelle fois cette petite musique récurrente qui consiste à remettre en cause l’approche intercommunale, alors même que, jour après jour, l’intensité des enjeux nous amène à faire davantage ensemble pour être plus forts et plus efficaces. Décentraliser ne veut pas dire non plus donner des compétences sans moyens, ou discuter à l’infini de qui fera quoi. La décentralisation, c’est d’abord un état d’esprit. Les collectivités locales ne sont pas les courroies de transmission des politique décidées par l’État. Les collectivités ont besoin d’avoir des marges de manœuvre budgétaires et une autonomie fiscale, leur laissant tout simplement la capacité d’agir, en fonction du choix démocratique de nos concitoyens.

4. Les tensions se concentrent souvent sur les enjeux financiers. C’est là que le bât blesse ?

Johanna Rolland : Les enjeux financiers sont essentiels. C’est notre capacité d’autonomie et d’action. Cela fait 20 ans que l’autonomie fiscale des villes est mise à mal par des réformes successives : superposition de dotations parfois obsolètes et de compensations, suppression de recettes fiscales, exonérations décidées par l’État sans compensation… Le système est devenu complexe et parfois injuste, alors même que l’on confie des compétences nouvelles aux collectivités. C’est la raison pour laquelle nous demandons un retour à l’autonomie financière des collectivités locales et à une pluri-annualité des engagements financiers. Car derrière cela, notre capacité à investir et à conforter nos services publics sont en question. Les règles du jeu ne peuvent pas changer sans cesse, au gré des arbitrages budgétaires de l’État. Les collectivités ne peuvent pas être des variables d’ajustement. C’est pour cette raison que nous avons demandé et obtenu le rétablissement du Fonds de soutien aux activités périscolaires (FSDAP). Mais nous souhaitons son maintien dans la durée. Derrière l’autonomie financière, c’est aussi la libre administration de nos collectivités territoriales qui se joue.

5. Les violences urbaines en début d’été dernier ont été marquées par la violence, des pillages et ont causé de nombreux dégâts. Quelle est votre analyse ?

Johanna Rolland : Les élus locaux, particulièrement les maires, ont été en première ligne. Dès le premier jour, France urbaine a condamné les violences et a appelé à l’apaisement et au dialogue. Je veux ici saluer le courage des élus locaux pour leur mobilisation sans faille. Mairies, écoles, bibliothèques, commerces… ont été touchés par cette flambée de violence. Les agents qui font fonctionner au quotidien les services publics ont été marqués. Il faut réparer les dégâts, c’est en cours, mais surtout il faut agir dans nos quartiers populaires, en investissant massivement dans la politique de la ville et en partant des besoins et des capacités d’agir des habitants pour construire des solutions pérennes et réellement adaptées. N’oublions pas non plus la mort de Nahel qui fut le drame déclencheur de ces violences. Rien ne saurait justifier la violence. La justice aura à établir les faits et les responsabilités. La question du rapport entre la police nationale et la population est posée. Si cela ne relève pas de la compétence directe des maires, sur le terrain, cela reste une question essentielle.

6. Urbanisme, transports, habitat, énergie… Les villes sont en première ligne dans la lutte contre le dérèglement climatique. Comment jugez-vous leurs actions et comment aller plus loin ?

Johanna Rolland : La transition écologique est l’une des préoccupations majeures des Français. C’est aussi une priorité absolue des élus de nos collectivités. Nous sommes engagées dans des politiques offensives pour lutter contre le réchauffement climatique. Je pense au développement des transports collectifs ou des mobilités actives, à la rénovation énergétique des bâtiments, mais aussi pour adapter nos villes à ses conséquences, la renaturation et la création d’îlots de fraîcheur. Ces actions doivent être réalisées en lien avec les territoires périurbains et ruraux, et avec le plus grand nombre. Comment penser notre avenir commun sans parler et agir ensemble sur les mobilités, l’alimentation, l’accès aux ressources naturelles ? Nous sommes convaincus que le changement viendra de la capacité qu’ont les différents acteurs – élus, citoyens, entreprises et acteurs associatifs – à travailler ensemble. 
Nous avons le pied sur l’accélérateur, à la fois pour protéger nos concitoyens dès aujourd’hui et pour préparer demain. Mais cela suppose de la clarté dans les engagements et une territorialisation des moyens. C’est ce que nous attendons de la démarche engagée sur la planification écologique. Nous attendons qu’elle dégage des priorités et de la lisibilité. Nous attendons aussi que cela se concrétise sur le terrain. Les Contrats de relance et de transition écologique (CRTE) peuvent en être le levier, à condition qu’ils soient réellement abondés financièrement, avec des enveloppes pluri-annuelles et fongibles. Parce que je le dis franchement : nous n’en pouvons plus des appels à projets qui épuisent nos ressources, alors que nous partageons toutes et tous les mêmes besoins.
Alors si nous accueillons favorablement l’annonce d’un effort d’investissement nouveau pour 2024, et une augmentation du Fonds vert de 500 millions d’euros, nous nous émouvons aussi qu’une part de cette hausse soit déjà pré-fléchée par l’État. Et puisque nous concentrons 2/3 des émission de Gaz à effet de serre (GES) dans nos territoires, l’effort doit être porté à 2/3 dans nos CRTE. C’est pour nous, la seule clé de répartition valide et juste du Fonds vert 2024. Le saupoudrage ne sera pas efficace face à l’intensité des défis auxquels nous sommes confrontés.

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