GRENOBLE ET ROUEN : DEUX TRAJECTOIRES DE RECONVERSION INDUSTRIELLE POUR REFONDER LA SOUVERAINETÉ PRODUCTIVE
Après quelques années de rebond, la réindustrialisation de la France connaît de nouvelles difficultés : les fermetures de sites industriels ont pris le dessus sur la création de nouvelles unités productives, fragilisant une dynamique essentielle à la reconstitution d’une nouvelle forme de souveraineté.

Les métropoles de Grenoble et de Rouen ont présenté, lors de la commission Économie des territoires du 7 octobre 2025, deux démarches emblématiques de reconversion de sites industriels majeurs. Leurs expériences illustrent la diversité des réponses apportées par les territoires urbains aux défis de la désindustrialisation et de la transition productive.
Grenoble : préserver la vocation industrielle d’un site stratégique
Christophe Vandepoortaele, directeur général adjoint de Grenoble Alpes Métropole, a décrit la fermeture de la plateforme chimique centenaire de 120 hectares à Pont-de-Claix, entraînant la perte directe de 600 emplois et un manque à gagner fiscal annuel de 5 M€.
Reliée à une mine de sel située à 90 km de la métropole, ressource essentielle pour la filière chimique, la plateforme constitue un maillon stratégique de la souveraineté nationale dans la production du chlore et de ses dérivés.
La Métropole a choisi de maintenir les périmètres de sécurité et les autorisations ICPE, afin de garantir la possibilité d’un redéploiement industriel sans lourdeur administrative.
Une étude métropolitaine sur deux ans, conduite avec l’État et pilotée par un comité de pilotage présidé par la préfète, vise à définir un plan de réindustrialisation combinant faisabilité technique, juridique et financière.
« Conserver les périmètres de sécurité permet de faire revenir des industriels sans procédures lourdes. »
Au-delà de la défense de l’emploi, la métropole porte un message fort : préserver les capacités productives existantes est un enjeu de souveraineté économique autant qu’un impératif environnemental.
Rouen : concilier reconversion économique et intérêt général
À Rouen, Christelle Morin-Deforceville a présenté le cas du site Vallourec, 13 hectares en milieu urbain, fermé en 2021 après plus d’un siècle d’activité.
Après plusieurs tentatives de reprise industrielle infructueuses, la Métropole Rouen Normandie a opté pour une négociation avec le groupe Vinci, lauréat de l’appel d’offres lancé par le propriétaire.
Le projet initial, centré sur la logistique, a évolué vers un programme mixte combinant la création d’un dépôt de tramway (4,5 ha), la renaturation de la rivière du Cailly et le maintien d’une vocation économique sur le reste du site.
Cette approche illustre une gouvernance pragmatique, attentive à la qualité du cadre de vie et à l’équilibre entre usages économiques, urbains et environnementaux.
Des enseignements partagés
Les deux expériences convergent sur plusieurs points :
- la nécessité d’un pilotage clair entre État, métropoles et partenaires économiques ;
- l’importance du temps long, souvent supérieur à dix ans, et du phasage des interventions ;
- la vigilance face à la prolifération des projets logistiques, peu créateurs d’emplois ;
- le besoin d’une vision nationale de la souveraineté industrielle et de la mobilisation foncière.
Ces démarches témoignent du rôle déterminant des métropoles dans la réindustrialisation durable et la transformation des friches.
Elles confirment la capacité du bloc local à articuler développement économique, planification territoriale et exigence écologique — un chantier que France urbaine continuera d’accompagner aux côtés de ses adhérents.