FRÉDÉRIQUE BONNARD LE FLOC’H : « POUR UNE ALLIANCE DES TERRITOIRES »
Découvrez la tribune publiée par Frédérique Bonnard Le Floc’h, co-présidente de la commission « Alliance des territoires » de France urbaine, dans Libération, le 30 juin 2023.
“Il est urgent de se mobiliser pour un monde habitable et une société juste”, estime Frédérique Bonnard Le Floc’h, vice-présidente de Brest Métropole et co-présidente de la commission « Alliance des territoires » de France urbaine dans une tribune publiée dans Libération, le 30 juin 2023.
“Transitions écologiques, démographiques, sociales, économiques nous posent un défi commun : agir dans l’urgence. Chaque minute compte. La fenêtre pour limiter le réchauffement climatique et freiner l’érosion de la biodiversité se referme de jour en jour. A l’heure où le gouvernement prépare les esprits à une hausse des températures au-dessus de 2°C sans pour autant créer les conditions d’une mobilisation collective, elles nous mettent face à deux exigences : un monde habitable dans une société juste. Toutes nous engagent, enfin, à réunir trois conditions de réussite : la coopération, la coopération et encore la coopération.
Rejetant avec fermeté l’opposition stérile entre territoires urbains et ruraux, nous sommes garants, en tant qu’acteurs publics, d’une éthique de la responsabilité partagée. C’est le parti pris de France urbaine depuis sa création : nourrir l’interdépendance, la réciprocité et les échanges positifs entre territoires quelles que soient leur taille et leurs ressources, penser le territoire puis créer les outils pour répondre aux besoins de leurs habitants et non l’inverse !
Réduire la pollution, renforcer la territorialisation de nos systèmes alimentaires, décarboner la mobilité et l’ensemble de nos politiques publiques tout en garantissant à chacun la possibilité de se déplacer, sécuriser la ressource en eau préserver nos sols de l’artificialisation … Risques et défis ne connaissent pas nos frontières administratives, nos organigrammes et nos lignes budgétaires. Aucun ne peut être pris ni traité de manière isolée. Tous nous imposent de sortir de nous-mêmes – individus comme institutions – et d’accepter de n’être qu’une partie de la solution.
Répondre à la défiance et à la fragmentation par le clivage et la mise en concurrence est un calcul dangereux autant qu’inefficace pour bâtir des solutions concrètes et pérennes. Sachons collectivement être à la hauteur du moment. Non, il n’y a pas d’un côté les métropoles riches, prédatrices, déconnectées , et de l’autre les campagnes en déshérence. Sur nos territoires, nous sommes au service d’hommes et de femmes singuliers, aux destins liés, qui habitent, travaillent, se déplacent dans des espaces de vie multiples. Contrats de réciprocité, pôles métropolitains, nos territoires n’ont pas attendu pour agir !
France urbaine et l’Agence nationale de la cohésion des territoires ont ainsi mis en avant des coopérations par dizaines : systèmes alimentaires à Toulouse, protection de la ressource en eau à Rennes, accès aux soins à Brest, insertion des personnes éloignées de l’emploi à Grenoble, habitat collectif en milieu périurbain à Nantes. Autant de modèles qui dessinent une autre vision du monde plus complexe et plus réelle.
C’est à ces échelles qu’il s’agit de porter le regard de la recherche universitaire, dans le cadre du programme de Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines, pour donner à voir et forger les solutions de gouvernance de demain : pour ancrer l’action publique dans une réalité vécue et non dans la facilité du discours. Aux clichés, répondons par l’action, par l’efficacité et par la preuve
Avec France urbaine, nous demandons à l’Etat de s’engager dans cet esprit de réciprocité, de coopération et de différenciation que nous nommons l’Alliance des territoires. Face à la complexité des défis, il n’y a pas de solution toute faite. Cela suppose d’agir avec constance plutôt que par annonce, communication et appel à projet. Cela suppose aussi d’agir avec humilité, d’accepter de n’être qu’une partie de la solution plutôt que de s’en revendiquer l’unique auteur. La création récente de nouveaux contrats territoriaux est louable dans l’intention, dès lors qu’il s’agit de partir davantage du terrain. Elle interroge dans les moyens : le mur d’investissement que nécessite la transition écologique invite à un dialogue renouvelé, autour d’enveloppes territoriales globales et suffisamment dotées.
Il est plus que jamais urgent de prendre le temps de la confiance. Ce ne sera jamais du temps perdu, mais toujours du temps gagné”.